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mardi 31 janvier 2012

Du nouveau pour Ayoub

Flash-ball à Montbéliard : information judiciaire contre un policier

Une information judiciaire a été ouverte contre le policier auteur d’un tir de Flash-Ball à Audincourt (25) qui avait coûté son oeil à Ayoub, Montbéliardais de 18 ans.

 
Le comité de soutien d’Ayoub : soixante personnes réunies hier devant le tribunal correctionnel de Montbéliard.    Photo Francis REINOSO

Le comité de soutien d’Ayoub : soixante personnes réunies hier devant le tribunal correctionnel de Montbéliard. Photo Francis REINOSO
 
Pourquoi la victime a-t-elle été touchée ? 
 
À la sortie de l’ascenseur, le soulagement teinté d’émotion de la famille est perceptible : « Une information judiciaire pour blessures involontaires a été ouverte », se réjouit la sœur aînée d’Ayoub, un Montbéliardais de 18 ans qui a perdu un œil à la suite d’un tir de Flash-Ball.

Ayoub n’a pas souhaité être présent. En ce jour tant redouté par ses proches, qui craignaient l’annonce d’un classement sans suite de l’affaire, le jeune homme est resté chez lui. « Il ne va pas bien », note encore sa mère Najet, d’un ton douloureux, très émue. Le lycéen n’a donc pas vu la mobilisation d’une soixantaine de personnes, membres de son comité de soutien, siégeant devant le tribunal. Ces derniers demandent à être reçus, en même temps que les proches de la victime, par le procureur de la République Thérèse Brunisso. Refus du parquet. Alors, pendant l’entretien qui se tient au deuxième étage, le militant des droits de l’homme Gérard Delavelle prend la parole sur le parvis. « La victime innocente du tir est désormais handicapée à vie. Doit-on laisser les choses en l’état, déplorant simplement le mauvais sort qui a fait que ce jeune homme s’est malheureusement trouvé au mauvais endroit au mauvais moment comme le laissent entendre certains officiers de police ? Tous, nous pensons évidemment que non et nous sommes inquiets », indique-t-il. Les effectifs de police surveillent l’entrée du tribunal. Et, à l’intérieur, un agent se poste devant chaque escalier. Au cas où les dangereux délinquants du comité de soutien (des élus, des responsables d’associations d’une cinquantaine d’années en moyenne, des proches d’Ayoub…) ne créent des incidents. On tente même de leur interdire l’accès au bâtiment : « Laissez rentrer ces gens ! Le tribunal est un lieu public. C’est avec leurs impôts qu’on paye les agents de sécurité », fulmine l’avocat d’Ayoub.

Le bâtonnier Alain Dreyfus-Schmidt dénonce publiquement ce qu’il nomme « l’hypocrisie judiciaire, la politique des parquets » qui tendent, selon lui, à « protéger les débordements policiers » : « On n’est pas là pour se payer la tête de l’auteur du tir. Mais quand il y a un tel dysfonctionnement, un tir qui conduit à une mutilation, on est en droit de demander justice », ajoute-t-il. Seulement, voilà : coup de théâtre. Le parquet montbéliardais requiert l’ouverture d’une information judiciaire à l’étonnement de tous et le fait savoir, plus tard, officiellement (lire ci-dessous). « Nous avons été très bien accueillis par Madame Brunisso (N.D.L.R. : le procureur). Pour l’instant, nous sommes contents. C’est une petite victoire », continue la sœur aînée d’Ayoub. M e Dreyfus-Schmidt est sceptique. Pour lui, le parquet cherche, élections obligent, à gagner du temps : « On va nommer un juge, demander des contre-expertises. L’instruction va durer des mois. Et dans un an, on prononcera un non-lieu », soutient-il, peu confiant. Et de citer, pour exemple, le décès de Mohamed Boukrourou dans un fourgon de police, une information judiciaire ouverte fin 2009 pour homicide involontaire et toujours en cours. L’avocat aurait, à la réflexion, préféré un classement sans suite : « J’aurais pu saisir le tribunal en citation directe. Le procureur m’a coupé l’herbe sous le pied. Si un non-lieu est prononcé, les recours sont difficiles. »

Pour ne pas oublier le drame et poursuivre le débat sur l’utilisation controversée des Flash-Ball, un rassemblement du comité de soutien est prévu place du Temple à Audincourt le mercredi 8 février prochain, vers 14 h 30. C’est à cet endroit que l’adolescent a vu sa vie basculer le 7 février 2011 alors qu’il attendait tranquillement son bus…

Aude LAMBERT
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Montbéliard Affaire Ayoub : action devant le tribunal

le 22/01/2012 à 05:00 par Françoise Jeanparis

« Qui essaie-t-on de défendre dans ce dossier. Jamais Ayoub », dénonce la sœur du jeune lycéen victime d’un tir de Flash-Ball le 7 février 2011 à Audincourt.

« À la suite de la tragédie d’Étouvans, j’ai été émue par le témoignage de la procureure de Montbéliard. Mon frère n’a pas eu droit à autant d’égards », constate la sœur d’Ayoub, ce jeune lycéen qui a perdu un œil à la suite d’un tir de Flash-Ball en février dernier à Audincourt. Un comité de soutien s’est constitué. Première action le 30 janvier avec un rassemblement devant le palais de justice à Montbéliard.

> Elle est « très inquiète » la sœur d’Ayoub Boutahra. Inquiète « parce que nous sommes convoqués le 30 janvier chez la procureure de Montbéliard avec notre avocat. On se doute de l’issue de l’entretien. Sans doute un classement sans suite du dossier. Je ne sais pas comment je vais pouvoir expliquer à Ayoub que le policier qui lui a tiré dessus ne sera pas poursuivi… »

Pour que justice soit rendue

> A l’heure actuelle, après un an de procédure judiciaire, d’investigations et d’auditions, rien ne dit que l’affaire sera classée. N’empêche que c’est la crainte de la famille. « Dites-vous qu’un classement ne signifie pas que l’affaire est terminée. Au contraire, ça ne fera que commencer car il y a des recours », s’élève une voix dans l’assistance. Une cinquantaine de personnes participaient vendredi soir à Montbéliard à la première réunion du comité de soutien à Ayoub Boutahra. Le principe d’un comité a été acté il y a un mois, même lieu. « Il s’agit maintenant de lui donner une forme, de constituer un bureau et de décider des actions à venir, de ne pas laisser seule cette famille dans l’épreuve, de l’accompagner pour que justice soit rendue », résume Gérard Delavelle qui pilote ce comité aux côtés de Michèle et Bernadette Prost, enseignantes à la retraite. Dans la salle, des représentants d’Amnesty international et du Mrap, des Indigènes de la République et des Amis de l’émancipation sociale etc. Tous dénoncent « la banalisation des violences policières », « ces affaires judiciaires qui traînent en longueur dès que la police est concernée, doit rendre des comptes », réclament à l’instar de la conseillère régionale, Salima Inezarene, « un bilan sur l’utilisation des Flash-Ball en France, armes qui sont censées défendre mais qui sont agressives : onze victimes déjà en France ».

Réseaux sociaux activés

> Ayoub, lui, n’est pas dans la salle. « Il lui est psychologiquement difficile d’entendre parler de cette affaire. A fortiori depuis qu’il a pris conscience qu’il est durablement handicapé ». Le lycéen en classe de terminale à Montbéliard a perdu l’usage d’un œil. Depuis qu’il a été atteint par un tir de Flash-Ball, victime collatérale d’une échauffourée place du Temple à Audincourt qui a opposé une centaine de jeunes à la police. « Il attendait son bus à l’écart de la rixe. C’est prouvé par la vidéosurveillance. J’ai vu les images. Les policiers de l’IGPN l’ont confirmé. Alors qu’il saignait, tenait son œil dans la main, les policiers l’ont fouillé », racontent sa sœur qui vient de saisir le défenseur des droits. Son ton est posé. Jamais haineux. La famille réclame simplement justice.

> Si la police admet le statut de « victime » à Ayoub, dans le même temps, elle assure que le tir était « réglementaire. Or la distance du tir n’a pas été respectée. Il n’y a pas eu de sommation. L’enquête a été conduite à décharge du policier qui a tiré, présenté comme quelqu’un d’irréprochable. Qui essaie-t-on de défendre dans ce dossier ? Jamais Ayoub, désormais handicapé à vie… ». Réaction du comité de soutien qui appelle au rassemblement le 30 janvier devant le palais de justice de Montbéliard « pour accompagner la famille Boutahra, dire que les citoyens, la société attendent une réponse de la justice ». Les modalités vont être définies dans les jours à venir, tandis que les réseaux sociaux sont activités sur le net. Le comité compte mêler à sa voix, celles d’autres actions collectives lancées en France contre l’utilisation du Flash-Ball. Un second rassemblement est envisagé le 7 février à Audincourt, date anniversaire du tir qui a abîmé la vie d’un jeune garçon.

> http://www.lepays.fr/doubs/2012/01/22/affaire-ayoub-action-devant-le-tribunal