Nantes,
le 30 novembre 2016
Le 27 novembre 2007, j'étais très gravement
blessé
à l’œil par un tir de Lanceur de Balles de Défense – LBD 40 –
lors d'une manifestation lycéenne, à l'age de 16 ans. Cela
fait 9
ans, presque jour pour jour, que je me bat pour faire
reconnaître la
dangerosité de cette arme, et que je lutte contre l'impunité
policière. 9 ans durant lesquelles les mutilations causées par
les
armes de la police se sont multipliées. Nous recensons
aujourd'hui
44 personnes ayant perdu l'usage d'un œil après avoir été
atteintes par des balles en caoutchouc, dont 5 blessés graves
à
Nantes. Le jugement du Tribunal Administratif de Nantes vient
d'être
rendu. On peut en retenir trois éléments importants :
1- L’État est condamné et la dangerosité du
LBD40 est reconnue par la justice. C'est l'information la plus
importante pour aujourd'hui. Lors de l'audience rapporteur
public
avait très précisément dénoncé le caractère expérimental du
LBD 40 le 27 novembre 2007, ainsi que son extrême dangerosité
susceptible d'engendrer des mutilations. Les juges ont
confirmé
cette analyse.
2- En revanche, les juges de Nantes ont
décidé de
ne pas suivre le rapporteur public en opérant un partage de
responsabilité à 50%, comme si les blessés et ceux qui leur
ont
tiré dessus étaient également responsables de leurs
préjudices.
C'est la deuxième fois en deux semaines que les juges
administratifs
de Nantes désavouent le rapporteur public – ce qui, en temps
normal, est rarissime. La première fois sur le sujet de
l'aéroport
de Notre-Dame-des-Landes et aujourd'hui sur la question des
armes de
la police. Deux sujets regardés avec attention par le pouvoir
politique. Concrètement, dans leur jugement, les juges
inventent un
délit de « non désolidarisation d'une manifestation » en ces
termes :
« en admettant même que M.
Douillard n’ait pas lui- même lancé des projectiles, il
résulte
de l’instruction qu’il ne s’est pas désolidarisé de
l’attroupement [...] alors qu’il aurait dû s’éloigner ;
que,
dans ces conditions, M. Douillard doit être regardé comme
ayant
commis une faute à l’origine de son préjudice susceptible
d’exonérer partiellement l’Etat de sa responsabilité. »
Il ne s'agit plus de droit mais bien d'une
présomption de culpabilité des victimes de violences
policières,
et de fait, d'une remise en cause extrêmement préoccupante du
droit
de manifester.
3- Les réparations sont évidemment
dérisoires. En
2012, le préfet de Nantes, par courrier confidentiel, me
proposait
près de 100 000 euros contre un abandon de toutes les
poursuites
engagées. J'ai refusé cet arrangement, et choisi d'aller au
bout
des procédures entamées en justice, pour mettre en lumière la
dangerosité du LBD40. Aujourd'hui, c'est finalement une somme
bien
inférieure qui est proposée par le Tribunal Administratif.
Dans
tous les cas, aucune somme d'argent ne remplace la perte d'un
œil.
Nous sommes à présent des dizaines de personnes en France à
vivre
avec des séquelles permanentes causées par la police, à subir
ce
préjudice jour après jour.
Ce jugement du TA de Nantes tombe dans une
période
particulière, où la mairie de Nantes a décidé à son tour de
doter sa police municipale de Lanceurs de Balles de Défense.
Un
choix extrêmement grave qui confirme le processus de
militarisation
de la police et l'escalade sécuritaire observés ces dernières
années, au niveau national et local.
Pierre
Douillard-Lefevre, avec le soutien de l'Assemblée des blessés
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