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lundi 5 octobre 2009

Synthèse au 1 octobre 2009

Bientôt deux années que Pierre a été victime d'un tir de lanceur 40 mm, lors de la manifestation du 27 novembre 2007.

Voici une synthèse de l'affaire et de l'instruction en cours.

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Vous pouvez télécharger cette synthèse ICI
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octobre 2009
SYNTHESE de l’affaire du 27 novembre 2007 à NANTES
Répression de la manifestation des étudiants et lycéens, violences policières et conséquences
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Alors que l’instruction semble frappée d’une lenteur inquiétante pour la manifestation de la vérité, Pierre, ses parents et le groupe de travail du 27 novembre rappellent :
  • La manifestation du 27 novembre 2007 contre la loi dite “Pécresse” rassemblait quelques centaines de manifestants en grande majorité lycéens mineurs, dans l’enceinte du rectorat de Nantes, comme avant elle, au même endroit, de très nombreuses autres manifestations au cours des dernières années.
  • Pierre, gravement blessé à l’œil lors de cette manifestation par le tir volontaire d’un policier (lanceur 40 mm) était alors un mineur âgé de 16 ans.
  • Ce tir de lanceur 40 mm à visée au visage est un tir volontaire de la part d’un policier cagoulé, reconnu comme excellent tireur, avec une arme en cours d’expérimentation par les forces de police.
  • Lors de l’évacuation de l’enceinte du rectorat par les forces de police, les membres de la Brigade Anti Criminalité (BAC) se sont comportés de manière extrêmement agressive et provocatrice envers des manifestants qui reculaient et évacuaient concrètement l’enceinte.
  • Quelques jets à faible intensité de petits projectiles ont eu lieu après que les grilles de l’enceinte évacuée aient été fermées par les forces de police, et sans créer aucun blessure selon les rapports médicaux.
  • En utilisant des tirs de flashball et de lanceur 40 mm, les forces de police ont agit avec une disproportion flagrante à des manifestants déjà hors de l’enceinte du rectorat alors évacuée. Ces tirs sont en contradiction flagrante avec les directives et notes de service du ministère de l’intérieur quand à l’utilisation de telles armes (pas de tirs au visage et pas dans le cadre du “maintien de l’ordre”).
  • Dans le cadre de cette instruction, le rapport IGPN et l’expertise balistique organisent l’incertitude sur les faits, avec des réponses dilatoires, très approximatives et partielles aux questions posées.
  • Le temps de l’instruction se dilate, les pièces demandées n’arrivent pas aux parties civiles, les délais de réponses sont largement dépassées, et ce alors même que les blessés graves par tirs de flashball de la part de policiers se multiplient.
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Rappel des faits

Le 27 novembre 2007 en fin d’après-midi, lors d’une manifestation pacifique d’étudiants et de lycéens contre la loi Pécresse (LRU), Pierre, alors lycéen mineur, est grièvement blessé par le tir volontaire policier cagoulé (lanceur de balles 40 mm), sur la voie publique, devant le Rectorat de Nantes.
Le rapport médical qualifie à l’époque des faits la blessure de Pierre « d’une extrême gravité (...) dont les séquelles prévisibles sont particulièrement invalidantes puisque Pierre ne récupérera jamais sa vision de l’œil droit ». A l’heure actuelle, Pierre a effectivement et définitivement perdu l’usage de son œil.
D’autres manifestants sont blessés : blessure à la tête, à la mâchoire, à l’abdomen. De son côté, la police déclare dix blessés légers.

Le groupe de travail du 27 novembre : http://27novembre2007.blogspot.com

Dès le lendemain des faits, un groupe de travail se réunit autour de la famille de Pierre et définit ses buts : assurer un travail concret de collecte, de regroupement et, surtout, de mise en perspective.
« Nous voulons appuyer le travail de la justice pour qu’elle puisse dire la vérité et les responsabilités dans ces violences policières. » Un travail important est effectué sur les films amateurs captés par plusieurs téléphones portables. Tous les films sont visionnés image par image pour isoler des silhouettes, quelques gestes et repérer très exactement le timing de la répression de la manifestation. Est mise en évidence notamment la présence d’un policier cagoulé armé d’un lanceur de balles 40 mm.
Un dossier est ainsi constitué et envoyé en mai 2008 à la presse, à quelques élus locaux et au parquet de Nantes qui l’aurait étudié « avec le plus grand sérieux » avant de nommer deux juges et d’ouvrir en juillet dernier une information judiciaire contre X.

Les procédures closes à ce jour

Deux procédures ont été diligentées sur ces faits de violence policière :
D’une part une enquête administrative de l’IGPN, à la demande du Procureur de Nantes dès le lendemain des faits, enquête aujourd’hui close et qui, de son aveu même, échoue et renonce à établir la vérité. La police des polices s’y montre incapable de répondre à la question principale : quel policier a pu toucher Pierre et comment ? Il est vrai que le tissu d’approximations et de contradictions qui constitue les compte-rendus d’auditions mérite un léger travail d’analyse pour qui est tenté réellement d’établir la vérité des faits.
D’autre part une enquête de la CNDS demandée par la famille, laquelle a rendu ses avis et conclusions le 20 octobre 2008 concernant cette affaire, citée longuement dans le rapport annuel de la CNDS paru en avril 2009 (voir ci-dessous extrait du rapport CNDS).

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La procédure en cours et l’actualité des blessures par tirs policiers.

1 - [jeudi 10 juillet 2008]
Le Procureur a nommé deux juges d’instruction. Une information judiciaire contre X est ouverte sous le chef de coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieur à 8 jours, avec la circonstance que les faits ont été commis avec armes et par une personne dépositaire de l’autorité publique. Dans ce nouveau développement de l’enquête la famille est accompagnée par deux avocats, Maître Franck Boëzec à Nantes et Maître Nathalie Senyk à Paris.
L’enquête dans le cadre de l’instruction est encore confiée à la police des polices. Il est regrettable qu’une enquête mettant en cause les services de police ne soit pas confiée en toute impartialité à des services indépendants (voir ci-dessous extrait du rapport Amnesty international). La précédente enquête IGPN ainsi que la relation des faits parue au BO (voir ci dessous les réponses données à deux députés nantais et à la CNDS) font apparaitre, pour l’une, la volonté d’organiser l’incertitude sur les faits et, pour l’autre, une réelle difficulté à faire valoir objectivement les témoignages de tous les protagonistes.
2 - [mercredi 27 octobre 2008]
Pierre et ses parents sont reçus par le juge d’instruction Jacky Coulon
Compte-rendu : Deux vidéos (police et gendarmerie) doivent être visionnées. Mais la secrétaire du juge Coulon n’a pas réussi à ouvrir la vidéo des policiers : le fichier est défectueux.
3 - [jeudi 15 janvier 2009]
Des demandes d’actes sont effectuées par les parties civiles, les commissions rogatoires dont les conclusions sont encore attendues ont étés engagées par les juges d’instruction.
Les demandes d’actes concernent (lire en annexe):
1) les vidéos et photographies prises au cours de la manifestation du 27 novembre 2008.
2) le nombre de tirs effectué lors de la manifestation.
3) le Lanceur de Balles 40 mm et le Flashball – la règlementation nationale de ces armes.
4) le port de la cagoule par les policiers.
4 - [jeudi 19 mars 2009]
Joan Celsis, étudiant de 25 ans est grièvement blessé à l’œil par un tir de Flashball lors d’une manifestation à Toulouse.
5 - [jeudi 2 avril 2009]
le jeudi 2 avril 2009 est présenté par Amnesty International un rapport sur les violences et infractions policières en France. Le cas de Pierre est largement cité dans le chapitre 4 sur les causes de l’impunité des policiers. (voir en annexe le texte du rapport sur le cas de Pierre). Le rapport d’amnesty est disponible sur le blog : http://27novembre2007.blogspot.com
6 - [mardi 28 avril 2009]
Les juges convoquent un déplacement sur site : une expertise balistique in situ.
Etaient présents à ce déplacement des juges au rectorat : le Procureur Ronsin, les deux juges d’instruction et leurs services, les policiers impliqués et leur avocate à l’exception de messieurs Duval et Monard, Pierre, ses parents et leurs avocats, deux experts en balistique.
Les parties civiles ont été troublées par la présence inexpliquée de nombreux policiers non concernés par les faits. Les parties civiles ont également noté que les journalistes locaux étaient présents sur les lieux.
Il a été procédé à des mesures de distances, d’angles de tir, de positions, destinées à confronter les différentes versions des faits.
7 - [lundi 13 juillet 2009]
Joachim Gatti, réalisateur de 34 ans est grièvement blessé à l’œil par un tir de Flashball lors d’une manifestation contre l’expulsion d’un squatt à Montreuil. A la suite de ce drame, de très nombreuses organisations syndicales, associations, groupes citoyens et partis plitiques demandent un moratoire sur l’utilisation des armes dites “non-létales” par les forces de police françaises.
8 - [vendredi 4 septembre 2009]
Les conclusions de l’expertise balistique sont rendus disponibles le 4 septembre 2009. A la réception des conclusions de l’expertise balistique, le groupe de travail relève 39 contre-vérités, imprécisions, lacunes ou erreurs de méthodologies. Pour les résumer :
1 - ce rapport souffre d’une qualité de rédaction parfois légère, voire déconcertante (ceci sur la forme, et sans parler du retard de plusieurs mois pour le rendre au juge d’instruction),
2 - La restitution de la reconstitution sur le site du Rectorat tombe dans les lacunes déjà observées sur place : des mises en scène bâclées et des trajectoires improbables, des propos de Pierre curieusement déformés, des mesures imparfaites et apparemment fort peu scientifiques, etc.
3 - Pour finir, et c’est le plus grave peut-être, on doit regretter que ce rapport semble n’épouser qu’un seul point de vue, à décharge de la responsabilité de la police, d’une part , en minimisant constamment la gravité du délit (ne serait-ce que dans la description édulcorée de la blessure de Pierre et de ses conséquences) tout en maximisant le danger prétendument encouru par la police, d’autre part, et surtout, en montant en conclusion un pénible et fastidieux scénario idéologique et diffamatoire visant, sans aucun élément fiable pour le soutenir, à alléguer que si le tir a pu toucher l’oeil alors qu’il visait prétendument le thorax, c’est parce que Pierre se serait baissé... précisément pour lancer des projectiles sur les policiers ! Ce scénario, abracadabrantesque, semble indigne et inacceptable.
9 - [vendredi 18 septembre 2009]
Pierre et ses parents demandent au juge d’instruction un complément d’expertise balistique.
A ce jour, les parties civiles n’ont toujours pas reçu les pièces du dossier d’instruction demandées lors de la première demande d’actes du 15 janvier 2009.
10 - [mardi 29 septembre 2009]
Le policier, auteur présumé du tir sur un manifestant qui avait perdu un oeil le 8 juillet à Montreuil a été mis en examen pour "violences volontaires".
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Les réponses aux questions écrites à l’Assemblée Nationale et à la CNDS

- En septembre 2008, en réponse à deux questions écrites différentes de deux Députés de Loire-Atlantique, messieurs François de Rugy et Dominique Raimbourg, questions publiées respectivement le 8 et le 15 juillet 2008, la Ministre de l’Intérieur produit une seule et même réponse, publiée deux fois le 16 septembre 2008, page 8052 et 8053 du Journal Officiel. La réponse commence par un bref exposé des nouvelles conceptions du maintien de l’ordre appuyées sur de nouvelles armes, se termine par une accumulation de contre-vérités et de mensonges grossiers, que la lecture du rapport d’enquête IGPN, des avis et recommandations de la CNDS, de la presse locale ou nationale, du dossier d’enquête citoyen et des témoignages recueillis par la LDH remis aux enquêteurs et aux juges d’instruction, infirme totalement et définitivement.

- En novembre 2008, La famille de Pierre a demandé, par l’intermédiaire des deux députés nantais, qu’un correctif soit publié au Journal Officiel, sur la double réponse écrite produite le 16 septembre 2008, pour rétablir l’exactitude des faits établis par les enquêteurs eux-mêmes.

- En février 2009, le Ministère de l’intérieur envoie une fin de non-recevoir.

- En avril 2009, à l’occasion de la publication du rapport annuel de la CNDS, ces réponses officielles contestées sont réitérées à l’identique par le Ministère de l’Intérieur.

- En septembre 2009, à l’occasion du rapport d’expertise balistique, les mêmes contre-vérités sont réutilisées, notamment l’invraisemblable situation que “2000 manifestants jetaient des pierres sur les forces de police”.

Ne doit-on pas lire ici, dans ce déroulement des faits, une inquiétante dérive de l’institution policière visant par sa communication à organiser l’incertitude sur les faits au mépris de la recherche de la vérité et des responsabilités, au mépris des citoyens, des élus et des médias ?

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annexe 1 - Extraits de la synthèse du rapport CNDS – groupe de travail du 27 novembre –

La CNDS a auditionné un fonctionnaire de police cagoulé et armée d’un lanceur de défense 40x46 (LBD, flashball de nouvelle génération), auteur présumé du tir, qui a réaffirmé :
− avoir visé un manifestant lanceur de « pierres» en direction des forces de l’ordre (page 2) sur demande de sa hiérarchie, et de l’avoir touché « au milieu du crâne » (page 3),
− qu’il l’aurait revu ultérieurement sur une photo du journal Ouest-France,
− mais qu’il ne l’aurait « pas reconnu » dans la personne du jeune lycéen blessé à l’oeil, à qui il a été confronté, en raison d’une « corpulence » selon lui très différente. (De son côté, le jeune lycéen, on le sait, a prouvé qu’il ne portait pas le même vêtement que cette personne désignée comme lanceur de « pierres» et sa famille estime après examen que le site du rectorat ne comportait pas de pierres ou de pavés à jeter, mais seulement du sable et des graviers).

La CNDS
− Regrette que la qualité du chef du dispositif policier « n’ait pas été reconnaissable » (page 4)
− Regrette le défaut de mégaphone et donc que les injonctions à quitter les lieux soient non « entendues » suffisamment, (page 4), ce qui peut provoquer des « mouvements de foule » « mettant en danger les participants» (page 5)
− Regrette le port d’une cagoule par le tireur, « équipement non réglementaire » (page 4), dont « l’usage produit l’effet contraire à celui recherché » (page 5), donnant l’impression « d’avoir ‘quelque chose à cacher’ » (page 5).
− Regrette que le « fonctionnaire chargé de filmer le déroulement des opérations» ait « abandonné un moment sa mission » (page 4) à l’instant précisément le plus important, celui des tirs de flashball, (privant donc la CNDS, l’IGPN et la Justice d’un document vidéo essentiel), ceci « pour aider ses collègues à repousser les manifestants » (bien qu’il apparaisse par ailleurs que les manifestants étaient sortis du rectorat lorsque ces tirs ont été commis ?).

Sur le tir et la formation du tireur présumé, la CNDS a pu établir que :

− Les « conditions d’utilisation», l’« excellente précision», la « meilleure conservation de l’énergie cinétique », la portée ( « 25 à 30 mètres » au lieu de « 7 » seulement en portée « optimale » ) sont donc « très différentes » selon qu’il s’agit d’un flashball habituel ou d’un LBD, alors en phase d’expérimentation (page 4).

− Que cette nouvelle arme suppose donc « un tir plus réfléchi », une visée « préférentiellement » sur les « parties inférieures du corps de la personne visée », de « vérifier l’actualité de la menace et la nécessité d’une riposte » (page 4), alors que ses projectiles « peuvent avoir des conséquences dramatiques » lorsqu’ils touchent « le visage et plus précisément les yeux » , et qu’ « un tir à faible distance (à moins de 10- 15 mètres) accroît considérablement les risques.» (page 4).
− Qu’au lieu de disposer d’une « expérience avérée » et d’une formation de « très grande qualité », le tireur présumé n’avait suivi qu’un stage de formation au LBD « d’une demi-journée » en juin 2007, sur des cibles statiques seulement, et de plus sans « aucun entraînement régulier » ultérieur (page 4).

Ainsi, en conclusion de ce premier examen, « Ces constatations conduisent la Commission à s’interroger sur ta compatibilité de l’usage d’une telle arme dans le cadre d’une manifestation qui implique une proximité des manifestants et de la police et leur grande mobilité. »
(Phrase importante : car voici effectivement, selon la famille du lycéen blessé, la véritable leçon civique à retenir du 27 novembre 2007, pour qu’il n’y ait plus jamais d’autres manifestants victimes ou menacés de telles blessures graves par des tirs imprévisibles et invisibles , évidemment inadaptés au maintien de l’ordre conçu rationnellement, y compris et surtout pour dégager un lieu.)

Dans ses « recommandations » , la Commission effectue pour sa part une série de demandes découlant des constats précédents :
− Des « signes de reconnaissance clairs et visibles » , y compris pour le « commissaire central, chef du dispositif » (page 5, sans qu’on sache s’il s’agit pour les manifestants de pouvoir identifier les responsables de la police, ou bien pour les policiers eux-mêmes lorsqu’ils découvrent sur place un encadrement hiérarchisé inhabituel et sa chaîne de commandement ad-hoc ?) et l’usage du mégaphone (page 5),
− De ne plus utiliser de cagoule « au prétexte de ne pas vouloir être reconnu » (page 5) et ceci même si elle est autorisée « verbalement » par la hiérarchie policière.
− Que des fonctionnaires soient « exclusivement missionnés » pour filmer les « phases d’engagement au contact des manifestants» et « l’usage des armes de dotation les plus dangereuses » (page 6) et que la « conservation » de ces films, également « outil pédagogique » , soit « d’une durée suffisante pour permettre sa visualisation par l’autorité judiciaire en cas de plainte déposée pour violences illégitimes » (page 6) (Ce qui pourrait laisser entendre qu’à Nantes des documents vidéos auraient été sciemment égarés ou détruits (?), bien que madame le Procureur de la République ait pourtant ouvert une enquête dès les toutes premières heures ayant suivi les faits ?).
− Que les armements dangereux « a fortiori lorsqu’ils sont dans une phase d’expérimentation » ne soient confiés qu’à des policiers « dûment habilités », d’une part, et d’autre part « aguerris » et expérimentés.
− Que la formation au LBD prenne en compte les cibles humaines non pas seulement statiques, mais « en mouvement, avec toutes les conséquences dramatiques que cela peut comporter, compte tenu des caractéristiques de cet engin» , qu’elle soit suivie par une « formation continue spécifique » (page 6) et enfin que les « moniteurs de tir » possèdent « eux mêmes » une habilitation leur permettant de dispenser une « formation continue» aux personnels habilités.
− Que la note de la Direction centrale de la sécurité publique en date du 17 octobre 2002 sur l’emploi du flashball (note manifestement obsolète avec l’arrivée du LBD) reçoive des « instructions additives et complémentaires » à diffuser « sans délai » (page 6) auprès de tous les « services dotés (ou susceptibles de l’être) » .
− Enfin, à propos de la plainte d’un jeune majeur gardé à vue pendant trente-trois heures après cette manifestation dans des conditions difficiles portant atteinte à la dignité humaine, mais dont la « procédure de rébellion » a finalement été « classée sans suite » (page 3), la CNDS « souligne » que la décision de prolonger une garde à vue suppose d’une part des auditions « suffisamment complètes » de la part de l’OPJ pour déterminer s’il y a bien eu « l’infraction reprochée », d’autre part la « fiabilité des comptes-rendus téléphoniques faits à l’autorité judiciaire » (page 6). Par ailleurs, elle « recommande la mise aux normes des conditions matérielles des locaux de garde à vue du commissariat central de Nantes » (page 7).

Ce rapport a été transmis par la CNDS aux ministres de l’Intérieur et de la Justice.

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annexe 2 - Rapport d’Amnesty Internationale sur les violences et infractions policières en France - 2 avril 2009

INDÉPENDANCE ET IMPARTIALITÉ ?

En France, toute personne souhaitant déposer une plainte pénale, y compris pour violation des droits humains commise par un agent de la force publique, peut s’adresser directement au procureur de la République. C’est à celui-ci qu’il incombe d’ordonner et de diriger les enquêtes préliminaires, ainsi que d’engager des poursuites débouchant éventuellement sur un procès ou de classer sans suite la procédure. Pour les affaires graves ou complexes, le procureur saisit un juge d’instruction, qui conduira l’information judiciaire.
Ni le procureur ni le juge d’instruction n’ont de lien structurel avec les organes chargés de faire respecter la loi, mais ils travaillent en étroite collaboration avec eux. La responsabilité globale de l’enquête incombe au procureur ou au juge d’instruction, mais ces derniers font appel en pratique aux agents et officiers de la police nationale et de la gendarmerie, exerçant des missions de police judiciaire, et auxquels sont déléguées les tâches de procéder à des auditions de témoins ou de suspects et de recueillir des éléments de preuve. Même si les procureurs et les magistrats instructeurs sont structurellement indépendants des organes chargés de faire respecter la loi, leur indépendance n’a rien d’évident sur le plan pratique.
Les organes chargés de faire respecter la loi : mécanismes de surveillance interne En France, chaque organe chargé de faire respecter la loi a son propre mécanisme interne d’inspection. Au sein de la gendarmerie nationale, il s’agit de l’Inspection de la gendarmerie nationale (IGN). La police nationale dispose d’un service compétent pour le ressort de Paris – l’Inspection générale des services (IGS) – et d’un autre pour le reste de la France – l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).
Ces services d’inspection enquêtent sur les fautes éventuelles des agents de la force publique qui sont de leur ressort, leurs compétences couvrant aussi bien les questions de discipline mineures que les cas présumés de torture ou d’homicide volontaire. Lorsqu’une information judiciaire a pour objet une infraction qui pourrait avoir été commise par un responsable de l’application des lois, le procureur ou le magistrat instructeur peut demander au service d’inspection compétent d’entreprendre une enquête interne et de lui transmettre ses conclusions, lesquelles seront utilisées dans le cadre de l’information judiciaire.
De surcroît, dans les affaires portant sur des fautes imputées à des agents de la force publique, rien n’interdit aux procureurs ou aux magistrats instructeurs de charger de tâches en rapport avec l’enquête des agents ou officiers de police judiciaire appartenant au même service que l’auteur présumé des actes. Dans le cas de Pierre (ci-après), la famille de la victime a officiellement demandé que les juges d’instruction s’occupant de l’affaire sollicitent les officiers de police judiciaire de la gendarmerie nationale, au lieu de continuer à se fier aux renseignements fournis par la police nationale de Nantes, corps de police auquel appartient le responsable présumé des faits.

LE CAS DE PIERRE

Le 27 novembre 2007, Pierre, alors âgé de seize ans, a définitivement perdu l’usage de son œil droit après avoir été blessé par une balle en caoutchouc provenant d’une arme en cours d’expérimentation, utilisée par un policier encagoulé lors d’une manifestation à Nantes. Sa famille a porté plainte auprès du procureur de la République le 6 décembre 2007, et ce dernier a immédiatement demandé à l’IGPN d’ouvrir une enquête interne pour tenter de déterminer ce qui s’était produit.
L’IGPN a remis son rapport au procureur en avril 2008. Selon ce document, deux policiers avaient tiré des balles en caoutchouc pendant la manifestation. Toutefois, aucun des deux n’était désigné comme responsable du tir qui avait blessé le jeune homme. Les proches de Pierre se sont entretenus avec Amnesty International. Ils disaient avoir l’impression que l’enquête de l’IGPN essayait délibérément d’éviter de désigner des coupables et qu’elle n’était donc pas du tout satisfaisante. Les vidéos de la manifestation remises à l’IGPN par deux corps de police différents ne contiennent pas de prise de vue relative au moment précis où le jeune homme a été blessé.
Par ailleurs, la famille du jeune homme regrette de ne pas trouver dans le rapport de l’IGPN de données fournies par la police indiquant quelles armes ont été utilisées et le nombre de balles restant dans l’arme de chaque policier à la fin de la manifestation.
Le 10 juillet 2008, une information judiciaire a été ouverte du chef de « coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours avec la circonstance que les faits ont été commis avec armes et par une personne dépositaire de l’autorité publique ». L’enquête se poursuit lentement.

Amnesty International craint que cette procédure ne respecte pas les normes internationales relatives au caractère impartial et indépendant des enquêtes sur les violations des droits humains, qui disposent qu’elles doivent être menées par des enquêteurs « compétents, impartiaux et indépendants vis-à-vis des suspects et de l’organe qui les emploie27 ». Le CPT a fait observer que, dans les systèmes juridiques qui confient la conduite des enquêtes à un procureur ou à un juge, « il n’est pas rare que la responsabilité au quotidien de la conduite opérationnelle d’une enquête échoie de nouveau à des membres des forces de l’ordre en exercice. […] Aussi importe-t-il de veiller à ce que les agents concernés n’appartiennent pas au même service que ceux qui sont sous enquête. D’une manière idéale, les personnes chargées de la conduite opérationnelle de l’enquête devraient être entièrement indépendantes de l’institution en question28 ».
La faillibilité propre aux systèmes tels que celui de la France a également été soulignée par le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture. Il estime que le principal obstacle à la lutte contre l’impunité provient d’un conflit d’intérêt intrinsèque, car les instances chargées d’enquêter sur toutes les infractions et de poursuivre leurs auteurs doivent assumer les mêmes fonctions à l’égard des infractions commises par leurs propres membres29. L’indépendance et l’impartialité du procureur dans chaque affaire, qui confèrent à la justice pénale un caractère manifeste d’équité et d’intégrité, doivent impérativement être évidentes pour l’opinion publique. Compte tenu de la collaboration étroite entre les autorités responsables des poursuites judiciaires et les organes chargés de faire respecter la loi, l’opinion publique peine à percevoir ces instances comme indépendantes, impartiales et justes quand elles traitent les plaintes contre des agents de la force publique. Ainsi, certains avocats ont déclaré à Amnesty International qu’ils avaient déconseillé à leurs clients de porter plainte pour mauvais traitements infligés par des fonctionnaires chargés de faire respecter la loi, au motif que la probabilité d’obtenir gain de cause était minime.

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