Cet autre blessé par un tir de flash-ball
Par Julie Saulnier, publié le 20/10/2010 à 17:07
En 2007, Pierre a été blessé par un tir de flash-ball selon "le même mode opératoire" que l'incident de Montreuil. Il a perdu un œil.
"Il y a plus que des similitudes entre nos deux histoires." Pierre, 21 ans, ne voit plus de l'oeil droit. Le 27 novembre 2007, alors qu'il militait contre la loi Pécresse sur l'autonomie des universités devant le rectorat de Nantes, il est blessé au visage par un tir de flash-ball. Le 14 octobre, Geoffrey aussi manifestait. Contre la réforme des retraites. Devant le lycée Jean-Jaurès à Montreuil. Pris pour cible par une balle de flash-ball, il a été hospitalisé et risque de perdre un oeil.
"Comme ce fut le cas pour moi, raconte Pierre, le préfet s'est empressé de dire que la blessure du jeune manifestant était légère. Et comme moi, poursuit-il, Geoffroy ne faisait rien de mal. En tout cas, rien qui ne justifie une réaction si disproportionnée de la part des forces de l'ordre." "Avant le choc de l'impact de la balle, j'ai vu le policier me regarder droit dans les yeux, son lanceur de balles de défense sur l'épaule. Il me visait délibérément à hauteur de tête, d'autant plus que les nouveaux lanceurs de balles de défense sont équipés de viseurs laser", se souvient le jeune homme. Trois ans de procédure judiciaire l'ont éreintés mais il prend son mal en patience. "J'ai confiance en la justice française, mais le plus dur, c'est de fréquemment voir des jeunes perdent un oeil à cause de policiers armés de flash-ball."
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Les nouveaux lanceurs de balles de défense (LBD) sont équipés de viseurs laser.
"On souhaite obtenir réparation pour qu'un tel incident ne se reproduise pas, détaille son père, Luc. Car pour notre fils, c'est trop tard, le mal est déjà fait." Elève en filière littéraire au moment des faits, Luc, à la veille de ses 17 ans, se destinait à des études d'art. "Depuis l'accident, je n'apprécie plus les distances, ni le relief, ni la perspective. C'est handicapant... Mais dans mon malheur, j'ai eu de la chance, relativise le jeune homme, aujourd'hui en licence d'histoire. J'ai toujours eu une excellente vue, et aujourd'hui encore mon oeil gauche fonctionne bien." "Même lorsque la balle ne touche pas l'oeil - et 'seulement' la tempe ou le visage - elle endommage la vue, explique le père de Pierre. Pis, les ophtalmologues se retrouvent face à des lésions qu'ils ne savent pas soigner."
Deux opérations et un implant artificiel plus tard, Pierre confie repenser à l'accident tous les matins. Quant à savoir s'il contactera Geoffroy, blessé à Montreuil, il répond: "Je lui donnerai mes coordonnées mais pour le moment il doit récupérer physiquement et surtout moralement. J'espère que tout se passera au mieux possible pour lui."
Les proches de Pierre mènent une campagne d'information sur les flash-ball sur le blog 27 novembre 2007.