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mercredi 26 janvier 2011

L'affaire Théo Hilarion (de 1994 à 2008)

Une affaire emblématique, celle de Théo Hilarion, touché par un tir policier au fusil à pompe avec balle spéciale en 1994, lors d'une manifestation de dockers.
Les conditions de tirs, les conditions de l'instruction, les arguments échangés lors du procès, sont des éléments précurseurs des affaires actuellement en cours.

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Par denidejustice.
Cette entrée a été publiée le 10 juin 2009 à 20:14 blog deni de justice (pour une réforme de la justice)
1999 : Cinq ans d’instruction pour une bavure. Affaire Hilarion

Le 5 oct 99 devant l’Assemblée, en réponse à une question orale, la garde des Sceaux se veut rassurante.
« La justice a procédé avec diligence » en évoquant l’affaire Hilarion qui enflamme depuis plusieurs semaines l’ Île de la Réunion. Mais elle se moque du monde, car en fait de diligence, ce dossier traîne depuis le 7 mars 94. Ce jour là au cours d’une manifestation dans la petite ville du Port, un jeune docker est grièvement blessé (perte d’un oeil, de l’odorat et du goût) par le tir  tendu d’un gendarme utilisant un fusil à pompe.
Saisi de cette bavure, le juge d’instruction patine, desservi, il est vrai, par les mensonges de la gendarmerie. Un deuxième magistrat, puis un troisième  le remplacent sans  que le responsable soit identifié. Ce n’est qu’en avril 1998, que le juge Danielle Braud (le troisième), alertée  par un courrier anonyme, met en examen l’adjudant-chef   Michelot.
Celui-ci finit par avouer être l’auteur du tir. En août dernier, son supérieur, le colonel Roger Guillaume, lâche à son tour le morceau: il sait tout depuis le premier jour mais s’est tu pour épargner la prison à son subordonné. Le colonel déclare aussi qu’il a informé, dès le début, le préfet de l’île, Hubert Fournier, le juge d’instruction HOAREAU et le procureur Bernard LEGRAS.
Un haut gradé de la gendarmerie avance cette « explication » : « Tout le monde était au courant de la bavure. Mais il y eut un consensus politique pour écraser le coup. La situation pouvait dégénérer en émeute. dans les jours précédant le 7 mars, six gendarmes avaient été blessés. »
Cinq ans pour tirer au clair une bavure, c’est un exploit!

« Le Canard enchaîné »  n°4120 du 13/10/99 article non signé.

Alors que le gendarme a utilisé une munition illégale (Alsetex) mortelle à 50 m et qu’il a visé le manifestant, il n’est mis en examen que pour avoir causé « une incapacité temporaire de travail supérieure à trois mois par manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence. »
Une qualification dérisoire pour un acte de cette gravité.
D’après « Le Canard enchaîné » N° 4134 du 19/01/00

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Les dockers en Assemblée générale - samedi 21 juin 2008
Les travailleurs veulent « la vérité sur une provocation »

Une assemblée générale des travailleurs du port a eu lieu hier matin à l’entrée du port Est, là où se sont produits les événements du 7 mars 1994 - qui ont coûté un œil au docker Théo Hilarion. Quatorze ans après les faits et au terme d’une procédure qui a épuisé toutes les échappatoires et les manœuvres de renvois, les faits seront examinés la semaine prochaine en cour d’assises. 
Les dockers, réunis autour de Théo Hilarion et des responsables de la Fédération CGTR ports & docks, constituée partie civile dès 1994, ont écouté Michel Séraphine, secrétaire fédéral, rappeler la position constante de la partie civile dans son accompagnement de la victime : comment une simple réunion de dockers qui protestaient contre le viol d’un accord signé une semaine plus tôt, a-t-elle pu déboucher sur un acte aussi violent ? « Qui a donné l’ordre ? » « Qui se cache derrière cette provocation ? » a demandé le syndicaliste qui, comme Théo Hilarion et tous les autres dockers, attend du procès en assise qu’il permette l’énoncé de vérité qui n’ont pas été dites. Des vérités administratives qui touchent peut-être à l’organisation portuaire de l’époque et au partage des responsabilités. Des vérités judiciaires étouffées pendant longtemps par un certain procureur...
Les dirigeants syndicaux ont appelé les travailleurs du port à être présents au procès, et dignes « comme l’a été Théo depuis le départ ». Hier matin, c’est la vérité des dockers dans les faits du 7 mars 1994 qui a été énoncée.

Arrivé la veille à Gillot et accueilli par deux anciens camarades à sa descente d’avion, Théo Hilarion a retrouvé sa famille, son ancien quartier de l’Epuisement, au Port et tous ses dalons. A le voir, toujours fort, le visage ouvert, souriant, barré de lunettes noires, comment deviner que ce grand gaillard a reçu dans l’œil gauche une munition de guerre qui ne lui a pas seulement crevé l’œil mais aussi “explosé” les sinus et le haut du palais, lui ôtant pour toujours le goût, l’odorat et une partie de la vue ? 
Quatorze ans plus tard, il fait toujours l’objet de soins intensifs et d’un traitement suivi. Et toujours avec le sourire.

Hier, tous les travailleurs de l’enceinte portuaire étaient venus le revoir. Même ceux qui, en 1994 - parce qu’ils donnaient la priorité au règlement d’un problème personnel plutôt qu’à l’analyse du devenir portuaire et à l’intérêt général - avaient suivi le patron de la SGM parce que ce dernier leur promettait « un salaire mensuel ».



Des négociations et un accord

Michel Séraphine a rappelé le contexte de la mensualisation des dockers, introduite à La Réunion à contre-sens des conventions collectives signées précédemment.
« Ce 7 mars 1994 va rester gravé à jamais dans la mémoire des travailleurs portuaires. Ce 7 mars était pourtant un jour comme un autre. On était en pleine négociation avec la partie patronale, avec les responsables de l’administration, pour trouver un terrain d’entente. Depuis un mois, on négociait et on avait réussi à signer un protocole d’accord, le 1er mars 1994, pour une “expérimentation de la mensualisation”, soit disant ».

Et le leader syndical de rappeler que la négociation fait partie de la culture des travailleurs portuaires réunionnais puisqu’ils avaient négocié en 1990 une convention collective réactualisée en 1991.
« Tout le monde saluait l’effort consenti par les dockers, y compris l’administration, y compris Georges Michel. M. Serge Dutruy, DDE, disait qu’on avait pris de l’avance sur l’ensemble des ports métropolitains. Il disait aussi que les dockers réunionnais avaient certainement fait le geste le plus fort par rapport aux autres ports métropolitains. Et si la loi de 92, votée en France, ne concernait pas La Réunion, c’est parce que nous avions déjà rempli les conditions. M. Georges Michel, PDG de la SGM, disait que le problème était réglé pour 15-20 ans. Il l’a dit dans le Quotidien à l’époque... »

C’est dans ce contexte que le patron de la SGM arrache l’accord du 1er mars 1994 qui donnait le cadre d’une “expérimentation” de mensualisation dans une entreprise privée, à une époque où l’ensemble des dockers étaient des intermittents, embauchés par le BCMO (bureau central de la main d’œuvre). Pour le démarrage de cet “essai”, l’accord disait qu’il fallait « 25 départs volontaires effectifs et un minimum de 35 salariés. Or ils n’étaient que 18... » poursuit le syndicaliste.

« Violation de l’accord » et déploiement de force



"Donc, pour nous, cet accord n’était pas respecté ; il y a eu violation. Et nous étions au BCMO (centre-ville du port-Ndlr) depuis 6 h du matin, le 7 mars 1994, là où se passaient les embauches. On est venu nous prévenir : Attention ! au port Est, c’est déjà barricadé ; il y a des forces de l’ordre en grand nombre qui vous attendent !” » rappelle le syndicaliste. Il se rappelle aussi son incrédulité, devant un déploiement de gendarmes mobiles « pour une simple expérimentation ». Peu avant, un mouvement des patrons et des employés du GPA « avait paralysé le port pendant 10 jours » sans qu’on voie l’ombre d’un bout de matraque de garde mobile.

Après l’incrédulité, les dockers retournent au port Est pour y tenir une réunion d’information sur le non respect des termes de l’accord. Et en effet, ils tombent nez à nez avec un barrage de garde mobiles...

Le dirigeant syndical raconte ensuite une matinée de palabres avec l’administration (la DDE), la présence du responsable des RG et du commissaire du Port, et l’incompréhension des dockers : « Qu’est-ce qui motive un tel déploiement ? » ont-ils demandé toute la matinée sans obtenir d’autre réponse que « Ce n’est rien ! c’est pour faire respecter le droit du travail ! »
« Nous aussi on veut travailler ! On est là pour préserver nos emplois... alors qu’est-ce que c’est ? » insistaient les dockers. Pas de réponse. Jusqu’à ce que le Directeur du Travail propose une médiation autour d’une « lecture précise de l’accord ». Rendez-vous est pris à Saint-Denis, où doit se rendre dun délégation de dockers avec Michel Séraphine.

Ce dernier part « confiant » dira-t-il, pour apprendre, en arrivant à Saint-Denis, qu’on a tiré sur ses camarades et qu’un docker est blessé grièvement. 
« On n’a pas discuté. On a rebroussé chemin et quand on est arrivé, Théo était en sang, ici même, à terre et les camarades qui ont vu nous ont dit : “Dès votre départ, ils ont fait mouvement pour faire entrer de l’autre côté les 18 personnes”. Au moment précis où ils ont fait mouvement, Théo est venu, levant les bras, pour prendre sa moto qui était juste ici (au niveau de la barrière où se trouvaient les gendarmes - Ndlr) et c’est à ce moment que quelqu’un prend appui sur l’épaule d’un autre gendarme, il reçoit l’ordre et tire sur Théo à bout portant ».

Pourquoi une agression préméditée ?



A son retour, c’est la plus grande confusion à l’entrée du port. Des grenades lacrymogènes noient tous les acteurs dans un brouillard suffoquant, les dockers crient leur colère devant le coup de force, et s’affolent en découvrant l’un des leurs qui « perd son sang » comme ils le diront aux forces de l’ordre en réclamant des secours.
Tous ces détails seront évoqués par les différents témoins cités à comparaître pendant la semaine prochaine. De cette évocation, les travailleurs portuaires voudraient pouvoir tirer une vérité. Michel Séraphine poursuit : « Théo l’a dit, il n’est pas animé par l’esprit de vengeance ; mais il aimerait bien comprendre pourquoi on a tiré. Qui a donné l’ordre ? Pourquoi ? Tous les camarades présents ont dit que c’était une agression préméditée ! »
Du point de vue des travailleurs du port, Théo Hilarion compris, c’est l’essentiel de ce qu’ils espèrent apprendre de ce procès. « Pour nous, le 7 mars 1994 a été la plus grande provocation contre les travailleurs, ici à La Réunion. Sans doute dans l’histoire des luttes sociales, c’est la première fois qu’on agit de la sorte avec les salariés en lutte. Plus jamais ça. Ça ne doit plus arriver ». 
Or bien des aspects entourant la genèse des faits sont restés étouffés par une instruction qui a très longtemps cherché à “noyer le poisson”. Les syndicalistes ont également évoqué les longueurs et les mensonges de la procédure. « Notre attente, c’est d’entendre la vérité dans cette affaire. Lundi, nous serons nombreux, nombreux et dignes, présents du lundi au vendredi aux côtés de Théo » a conclu Michel Séraphine.
P. David


« Papa, pourquoi on t’a tiré dessus ? »

Danio Ricquebourg, secrétaire de la Fédération ports & docks, a invité les dockers à être présents autant qu’ils le pourront pendant le procès : « I vé pa dir pou li la vi lé méyèr mé li nora pétèt in répons... » a-t-il dit avant de rappeler une conversation qu’il avait eue, plusieurs années auparavant, avec Théo Hilarion. « In jour, li lété avek son fiy et son fiy la demand ali -“Papa, pourquoi on t’a tiré dessus ?” E li la di : “je ne sais pas”... Et c’est parce que “je ne sais pas” que li veut justement obtenir une réponse, pou li pé pétèt refermé in poz doulourèz dan son vi ».

Théo Hilarion
 Mersi pou la solidarité...

En les remerciant de leur présence et de leur solidarité, Théo Hilarion a engagé ses camarades à poursuivre le combat pour le port. 
« Pétèt pa le komba kom nou la mené, par rapor sak lariv amoin. I fo pa i ariv in ot non pli. Mé i fo pa lashé. Zot i koné koman i espas sir se port. Sé 5 jour, i sera in komba an déor du port, mé ki konserne le port. Lé pa Théo Hilarion simplement. Se jour-là nous lété kombien ? Nou lété a plizièr... Na in la rèt atèr, mé moin lé sïr dans zot kèr zot tout la rèt atèr. Lundi, sak i gingne èt la, i fo ke nou sera la touzour kom le 7 mars, en fors, en masse, et en silence ; mi kroi ke sé la nou va mark le kou. Si zot lé la pendan le 5 jours, ben lé gar, mi gingne pi di azot rien !
Mersi pour zot prézans, pou zot solidarité. Nou va lèv le poin, fé lèv léspoir"

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Justice – affaire Théo Hilarion - Mercredi 25 Juin 2008-IMAZ PRESS
Les témoins parlent de loi du silence

Depuis lundi 23 juin 2008 aux assises se déroule le procès des deux gendarmes impliqués dans le coup de feu qui a éborgné le docker Théo Hilarion, le 7 mars 1994. Le mardi 24 juin, la personnalité des accusés, qui risquent jusqu’à 15 ans de réclusion criminelle, a été soigneusement examinée. Ce mercredi 25 juin débutait l’audition des témoins. Elle a permis de souligner la mise en place, au plus haut niveau de la hiérarchie, d'une loi du silence pour étouffer la dramatique bavure

Cour D'assises- Affaire Hilarion

Aprčs trois jours de procčs, les responsabilités des deux gendarmes restent difficiles ŕ déterminer, l’un et l’autre demeurant campés sur leurs positions. Mardi, la journée a été marquée par le témoignage trčs émouvant de la victime et par la nette mise en cause de l’ancien procureur Bernard Legras par Charles Gamet. Selon l’accusé, le procureur de la république savait dčs le départ qu’un gendarme était l’auteur du coup de feu ; il aurait caché l’information, « pour des raisons d’ordre public ».



9 experts et 15 témoins

Le procès accorde une grande place à l’audition des témoins, tous cités par le ministère public, et fait appel à de nombreux spécialistes. Ainsi, pas moins de neuf experts – en médecine, psychiatrie, psychologie, balistique et enquêteur de personnalité – ont été convoqués pour l’occasion. Quinze témoins sont appelés à déposer, dont treize par visio-conférence, à la demande de l’accusation. Ils s’exprimeront essentiellement sur la journée du 7 mars dont Théo Hilarion ne garde aucun souvenir. Certains seront également interrogés sur la fameuse loi du silence qui a régné dans le microcosme de la gendarmerie pendant 14 ans. Parmi les personnages-clés appelés à témoigner, citons le colonel Denis Guillaume, chef du groupement de gendarmerie à l’époque, le commissaire Michel Bonnafous, chef de la circonscription de police du Port à l’époque des faits, Michel Séraphine, secrétaire général de la CGTR Ports et Docks (qui s’est également portée partie civile dans le procès). La cour a également entendu deux autres dockers ainsi qu’une dizaine de gendarmes mobiles, présents lors du drame. 



La version des dockers

Ce mercredi matin, les premiers à s’avancer à la barre ont été les anciens collègues de Théo Hilarion et Michel Séraphine. Il ressort de leurs témoignages que la manifestation du 7 mars 1994 se déroulait dans une ambiance « bon enfant » avant un enchaînement de violence au dénouement dramatique entre manifestants et gendarmes. Les grévistes se sont dits étonnés du déploiement des forces de l’ordre, inhabituel dans ce type de manifestation. La veille au tribunal, le discours des accusés était tout autre. Charles Gamet et Alain Michelot ont en effet parlé tour à tour d’une « pluie de galets », d’un « climat insurrectionnel » et décrit Théo Hilarion comme un meneur qui s’était « fait remarquer depuis le matin, par ses provocations ». 
Des témoignages catégoriquement réfutés par les dockers, Théo Hilarion s’est certes avancé vers la ligne de gendarmes les bras levés, notent ses anciens collègues, non pour provoquer les forces de l'ordre mais dans un geste d’apaisement. Même s’il a tout oublié de cette terrible journée, la victime qui a définitivement perdu l'usage d'un œil, est lui-même intervenu ce mercredi matin pour dire qu’il ne se reconnaissait absolument pas dans ce rôle de « meneur » que les gendarmes lui attribuent.



Le témoignage du colonel Denis Guillaume

Le patron de la gendarmerie à l’époque des faits s’est également exprimé ce mercredi matin. Absent lors de l’opération de répression du 7 mars, le colonel Guillaume raconte qu’après avoir pris connaissance de la gravité de la blessure de Théo Hilarion, il a rapidement été convaincu que le tir ne pouvait provenir des gendarmes. D’une part, parce que ce coup de feu émanait d’un fusil à pompe, un type d’arme prohibé dans les opérations de maintien de l’ordre, d’autre part parce que la munition utilisée n’était pas en dotation dans son unité. Il explique également que, longtemps après les faits, l’adjudant-chef Michelot est venu lui confesser son crime, sans évoquer une quelconque responsabilité du capitaine Gamet. Le colonel Guillaume dit avoir encouragé le tireur à se dénoncer (alors que celui-ci a déclaré mardi que personne ne lui avait imposé de parler) avant d’informer le Préfet et le procureur de la République que les gendarmes étaient bien responsables de ce coup de feu, « sans faire plus de vagues que cela » selon les propres mots du colonel Guillaume. Une accusation à peine voilée de la volonté des autorités d'étouffer l'affaire.



Le rôle de Gamet reste flou

« Je n’ai entendu personne lui donner l’ordre de tirer mais pour moi il n’a pu le faire que sur ordre ». C’est ce qu’a déclaré ensuite à la barre un ancien gendarme présent au Port est le 7 mars 1994. Son témoignage ajouté à ceux d’autres militaires conforte l’avocat de Théo Hilarion, maître Rémi Boniface, dans l’idée que c’est bien le capitaine Gamet qui a donné l’ordre de tir à l’adjudant-chef Michelot. « Un gendarme, s’il a tiré, n’a pu le faire que sur ordre, explique-t-il. L’un dit qu’il a entendu l’ordre, l’autre dit qu’il n’a rien. Mais pour tous les gendarmes, il est impossible que leur collègue ait pu agir de sa propre initiative. Ce sont des militaires, des gendarmes qui le disent, pas des manifestants : les gendarmes ne tirent pas sans ordre, c’est impossible ». 
De son côté, l’adjudant-chef Michelot reconnaît être allé chercher l’arme de sa propre initiative, en revanche, il nie avoir tiré sans l’injonction de son supérieur. Les témoignages des gendarmes, s’ils vont globalement dans le même sens, ne permettent pas pour autant de définir de manière formelle le rôle exact du capitaine Gamet dans l’affaire. Ses avocats expliquent quant à eux que l’ordre – certains gendarmes mobiles ont déclaré l’avoir entendu dire « allumez-le », « occupez-vous en », ou « sortez les moyens spéciaux » - ne s’adressait pas à Alain Michelot et ne visait pas Théo Hilarion. « Il y a beaucoup de confusion, les faits sont très anciens, la mémoire semble plus ou moins sélective, analyse Maître Sophie Liotard, avocate de Charles Gamet. C’était une manifestation confuse et très certainement violente. Chacun a entendu des choses qui ne sont pas forcément corroborées par les autres. Pour moi, ces témoignages ne peuvent pas être fiables ». 


Verdict attendu jeudi

Les militaires qui se sont exprimés ce mercredi après-midi ont confirmé par ailleurs l’existence d’une loi du silence, imposée par la hiérarchie et en premier lieu par le capitaine Gamet lui-même, à la tête des opérations ce jour-là. Celui-ci, à l’issue de la dramatique bavure, aurait donné pour consigne à ses hommes de ne rien révéler : « Vous n’avez rien vu, vous n’avez rien entendu». 
Le verdict , qui devait être rendu vendredi, sera finalement connu ce jeudi 26, tous les témoins ayant été entendus. Pour autant, la lumière n’est toujours pas faite sur les circonstances exactes du drame et le rôle des différents protagonistes.
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Justice – Affaire Théo Hilarion-Jeudi 26 Juin 2008 - IMAZ PRESS
Acquittement pour les gendarmes

Ce jeudi 26 juin 2008 la cour d'assises a acquitté les deux gendarmes accusés d’avoir éborgné le docker Théo Hilarion le 7 mars 1994. Lavocat général avait requis une peine de cinq ans de prison avec sursis. Le verdict a été rendu dans l’après-midi au terme de quatre jours de débats qui, s’ils n’ont pas fait la lumière sur le rôle exact des deux gendarmes dans l’affaire, ont bel et bien révélé l’existence d’une conspiration du silence orchestrée en haut lieu et l’implication de puissants dignitaires de l'Administration et de la justice.

Dernier jour de procès dans l’affaire Hilarion

La cour d’assises n’avait que deux personnes à juger, alors que ces quatre jours du procčs ont clairement mis en évidence qu’elles n’étaient pas les seules responsables du drame qui se joue depuis quatorze ans. S’il est avéré qu’Alain Michelot a bien tiré sur Théo Hilarion avec une arme non autorisée et que Charles Gamet dirigeait les opérations de maintien de l’ordre ce jour-lŕà il paraît aujourd’hui évident que les supérieurs hiérarchiques du capitaine ont également joué un rôle non négligeable dans l’affaire. 
Ceux-là ont la chance de ne pas se trouver dans le box des accusés cette semaine. Le colonel Denis Guillaume, patron de la gendarmerie à l’époque, a directement mis en cause, dans son témoignage entendu mercredi, les différentes autorités en poste en 1994. D’après lui, le préfet Fournier, le procureur général Truchi, le procureur Legras et le juge Hoareau savaient tous que le tir provenait d’une arme interdite utilisée par un gendarme mais aucun n’a parlé, laissant volontairement traîner les choses au nom de l’ordre public et se rendant coupables d’une terrible entrave à la justice. 



« Je vais vivre en paix »

Le jury a rendu son verdict en fin d’après-midi, prononçant l’acquittement des deux militaires. C’est bien sûr un soulagement pour l’adjudant Michelot et le capitaine Gamet mais aussi pour la victime elle-même. Avant que les jurés ne se retirent pour délibérer ce jeudi après-midi, Théo Hilarion s’est levé pour accorder une fois encore son pardon à Alain Michelot. « J’ai eu une partie du puzzle de la vérité. Maintenant, je peux continuer ma vie avec une certaine sérénité même si cela ne me redonne pas mon œil a –t-il déclaré ». L’avocat de l’ex-adjudant chef Michelot avait plaidé la légitime défense et demandé l’acquittement pour son client tout comme l’avocat de Charles Gamet. Pour ce dernier, on ne condamne pas sur des hypothèses. Dans sa plaidoirie, il a rappelé également une règle de droit : la complicité c’est provoquer l’infraction.
« Peut-on être complice de quelqu’un qui commet l’irréparable, indépendamment de sa volonté ? Vous ne pouvez condamner Gamet parce qu’il y a eu une complicité par omission. a-t-il déclaré aux jurés. Ne prenez pas le risque d’une erreur judiciaire. Je vous demande d’appliquer le principe du bénéfice du doute ». 
Le jury, trois magistrats et neuf "jurés populaires (des citoyens tirés au sort) a été convaincu par ces plaidoiries. Le verdict d'acquittement a été prononcé dans un silence pesant. Les collègues dockers de la victime ne s'attendaient visiblement pas à cette absolution judiciaire. « Ce qui nous importe c'est le verdict de Théo. Il dit qu'il a pardonné, nous le soutenons » finira par commenter Michel Séraphine, dirigeant de la CGTR Ports et Docks. Quant à Théo Hilarion, il a conclut avec cette dignité dont il ne s'est jamais départi : « ce procès est fini, j'ai pu parler aux accusés, je suis libéré. Je vais enfin pouvoir vivre en paix ».
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