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jeudi 10 février 2011

Interview de Joan Celsis [La Dépèche]

LA DEPECHE.fr
Publié le 01/02/2011 | Lolita Rivé

Tir de flash-ball : "J'ai perdu l'usage de mon œil droit"

Joan Celsis. /Photo DDM, Xavier de Fenoyl
Joan Celsis. /Photo DDM, Xavier de Fenoyl
Joan Celsis. /Photo DDM, Xavier de Fenoyl
Blessé à l'œil par un tir de Flash-Ball lors des manifestations du 19 mars 2009, Joan Celsis relance aujourd'hui l'enquête pour obtenir des réponses, et trouver le coupable. Interview.
Ce 19 mars 2009, Joan Celsis, 25 ans, fait partie de la centaine d'étudiants qui manifestent devant le Monoprix, près du Capitole. Il fait partie de l'AGET-FSE, un syndicat étudiant. Formant une chaîne, les étudiants reculent devant les forces de l'ordre qui sont à une quinzaine de mètres d'eux, lorsqu'un tir de Flash-Ball l'atteint et le blesse grièvement à l'œil droit. Joan est hospitalisé le jour même. Deux semaines après, il porte plainte contre X auprès du procureur de la République pour « violence volontaire avec arme par personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné une mutilation ». Deux ans après les faits, aucun responsable n'a été désigné.
Quelles ont été les conséquences de ce tir sur votre santé ?
J'ai perdu l'usage de mon œil droit. Il ne me reste qu'une vision périphérique, et encore, je ne vois plus les couleurs. ça pose problème surtout pour les tâches de précision et la 3D. En fait, je n'utilise plus que mon œil gauche. J'ai aussi dû subir une reconstruction de ma pommette et de tout le tour de l'œil qui étaient brisés à cause de l'impact. Mais les médecins m'ont bien dit que je n'avais aucune chance de récupère l'usage de mon œil droit.
Qu'est ce qui a changé dans votre vie en deux ans ?
J'ai arrêté les études à la suite de ça. J'étais en troisième année de licence d'anthropologie et de sociologie… Aujourd'hui je suis à la recherche d'un emploi.
Où en est l'affaire aujourd'hui ?
L'affaire n'a pas avancé autant que je le voudrais. Le juge a refusé de faire une reconstitution des faits sous prétexte qu'il n'y a pas de tireur déterminé. J'ai donc fait appel de cette décision, et la Cour d'Appel de Toulouse doit décider ce jeudi si oui ou non une reconstitution sera faite.
Qu'est ce que cette reconstitution changerait ?
Dans l'avancée de l'affaire c'est un élément primordial. Parce que les déclarations des quatre policiers qui tenaient un Flash-Ball et qui ont tiré ce jour-là sont contradictoires. Une reconstitution permettrait d'examiner les possibles et d'avancer sur la désignation d'un responsable. Ils n'étaient que quatre à avoir un Flash-Ball ce jour-là, il y a forcément un des policiers qui ment.
Qu'attendez-vous d'un procès éventuel ?
D'abord, la reconstitution permettrait de connaître l'identité du tireur, et donc de donner lieu à un vrai procès. Et d'un point de vue personnel, ça me permettrait de savoir, et de comprendre ce qu'il s'est passé ce jour-là. J'étais dans un groupe non violent, on reculait, ils n'avaient aucune raison de nous tirer dessus. J'attends des réponses. J'aimerais aussi entendre le policier qui m'a tiré dessus me dire « voilà pourquoi j'ai tiré ». S'il arrive à trouver une raison. bien sûr.
Militez-vous toujours aujourd'hui ?
Je ne suis plus étudiant donc j'ai quitté le syndicat, mais je milite à la CGT maintenant. Ca ne m'a pas refroidi, mais il est évident que quand je sors sur des actions je suis moins serein qu'avant. Mais ça n'a en rien changé mon engagement personnel.

La phrase

« Deux ans après, j'aimerais entendre le policier qui m'a tiré dessus s'expliquer. S'il arrive à trouver une raison bien sûr ». Joan Celsis