libellés

lundi 26 mai 2008

Les conséquences, réactions et suites judiciaires

La blessure de Pierre se révèle très grave. Il risque de perdre définitivement la vision de son œil droit [annexe 5].

La garde à vue des 5 manifestants est prolongée au maximum, sans que les auditions ne le justifient, dans des conditions déplorables, pieds nus dans des cellules maculées d’excrément et d’urine [annexe 6]. Selon leur âge, sexe et antécédents, les gardés à vue font l’objet de procédures judiciaires éclatées – libération simple, rappel à la loi, renvoi en correctionnel, plaider coupable – traduisant bien le caractère aléatoire des interpellations et celui construit de leurs traitements judiciaires .
De nombreux articles paraissent dans la presse locale, avec un traitement plus particulièrement attentif de la part du journal Presse-Océan, mais pas ou peu d’articles dans la presse nationale. [annexe 3].

De nombreux syndicats et associations protestent contre les violences [annexe 7]. L’intersyndicale enseignante nantaise a demandé une entrevue au préfet et au recteur sur cet événement, demeurée pour l’instant toutes deux sans effet [annexe 7].

Le mercredi 28 novembre, le blocus des jeunes lycéens du lycée De la Salle est évacué par les forces de l’ordre et donne lieu à un tir de flashball jaune, attesté par un film vidéo, par un policier cagoulé manifestement en dehors des normes d’utilisation de ce type d’arme. [annexe 7 et annexe 13].

Ce même mercredi 28 novembre, la procureure de la République de Nantes, Martine Valdès-Boulouque confie une enquête administrative à l’Inspection Générale de la Police Nationale, IGPN , service dont la compétence est nationale, qui exerce le contrôle de l’ensemble des services actifs et des établissements de formation de la police nationale. L’IGPN procède à des études et émet des propositions visant à l’amélioration du fonctionnement des services. Chargée de veiller au respect, par les fonctionnaires de police, des lois et des règlements et du code de déontologie de la police nationale, elle effectue les enquêtes qui lui sont confiées par les autorités administratives et judiciaires et qui se rapportent à cette mission.

Le jeudi 29 novembre, une manifestation silencieuse regroupant 4000 personnes proteste contre les violences policières et se regroupe devant l’hôpital de Nantes, pour soutenir Pierre.

Le vendredi 30 novembre, un long article paraît dans le quotidien Ouest-France vantant les mérites d’une pièce de théâtre avec policiers et « jeunes ». Extrait : « Provocations, violences, affrontements. On connaît les relations parfois obsessionnelles et rageuses des jeunes et des policiers dans les cités. À Nantes, patiemment, des associations s’échinent à maintenir la discussion. Jusqu’à faire monter sur scène un commissaire, un gardien de la paix et des ados » [annexe 3]. Le commissaire s’appelle Laurent Dufour, commissaire principal au commissariat de Waldeck-Rousseau à Nantes. La distorsion entre la communication à destination des médias et la réalité des pratiques devient ici particulièrement troublante.

Le samedi 1er décembre, tôt le matin, une marche silencieuse est organisée pour protester contre les violences policières. Elle regroupe 500 personnes dont des lycéens, des étudiants, mais aussi des parents et des syndicalistes. Cette manifestation est organisée dans le plus grand flou, dans un contexte de démobilisation syndicale.

Dans les jours qui suivent, la Ligue des Droits de l’Homme de Nantes assure une présence auprès de manifestants jeunes et peu au fait de leurs droits. La LDH recueille des dizaines de témoignages qui serviront à faire la lumière sur les violences policières au cours des différentes plaintes et procès qui suivront [annexe 15 et annexe 16]. Ces témoignages ont été remis à l’IGPN et au procureur de Nantes.

Le 17 décembre 2007, sur la proposition des parents de Pierre, le sénateur François Autain saisit la Commission Nationale de Déontologie et de Sécurité (CNDS). Les auditions commencent en février 2008 [annexe 8].

Le 4 février 2008, Bertrand est convoqué au tribunal pour rébellion le 27 novembre 2007. Défendu par Maître De Oliveira, son procès est l’occasion d’entendre une partie du récit policier et de prendre connaissance des éléments factuels qu’il apporte aux thèses du présent rapport. Le 11 février, il est relaxé.

Lors des vacances scolaires de février de la zone de Nantes, Pierre est interrogé par l’IGPN, opéré à la clinique Sourdille de Nantes et interrogé par la CNDS à Paris.
Lors de l’audition par l’IGPN, le policier cagoulé présent dans la manifestation est confronté à Pierre. Il affirme qu’il n’a tiré qu’une seule fois et sur un jeune homme en sweet gris clair qui aurait envoyé de « gros pavés » et qu’il a touché ce jeune homme à la tête alors qu’il se relevait. Cette version est totalement contredite par Pierre car son habillement ne correspond pas à ce signalement. [annexe 8]

Le 3 mars, Eric Le Douaron, responsable national de la sécurité publique, écrit, en réponse à l’interpellation d’une citoyenne, que les armes non-létales ont été utilisées « dans le respect des textes en prévoyant l’utilisation. », que « dix policiers ont été blessés, ce qui laisse présumer de l’intensité des attaques dont ils ont été victimes », et qu’« en aucun cas (Pierre) n’a perdu l’usage de son œil, étant seulement touché au niveau de l’arcade sourcilière ». [annexe 9] Trois contre-vérités que ce dossier démontrent aisément, la toute première étant que Pierre est très gravement touché à l’œil. [annexe 5]
Yves Monard, Commissaire Central de l’agglomération nantaise, responsable des forces de police lors de la manifestation écrit également : « un manifestant, lanceur de pierres, âgé de 17 ans, a été malheureusement blessé à l’œil. » [annexe 9]

En mai 2008, un nouveau procureur est nommé, M. Ronsin. Au 10 mai 2008, la famille attend toujours que le procureur donne son avis : « classé sans suite » ou « poursuites des policiers avec nomination d’un juge ».

À cette date du 20 mai 2008, la famille n’a encore obtenu aucun élément d’information ou de conclusion de la part du procureur et de l’IGPN.