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Benoît Muracciole
Attendu qu’une menace à la vie et à la sécurité des responsables de l’application des lois doit être tenue pour une menace à la stabilité de la société dans son ensemble
10 03 2012
Les 6 et 7 mars 2012 s’est déroulé à Nantes le procès de Léglise,
gardien de la paix de 30 ans. Il est accusé d’avoir tiré le 27 novembre
2007, avec un lanceur de balle de défense, sur Pierre Douillard, et de
l’avoir touché à l’œil. La légitime défense est invoquée par son avocat
pour demander la relaxe du gardien de la paix Léglise. Pierre Douillard
a lui perdu 80% de la vision de son œil droit.
Si l’on arrête là le récit, le lecteur pourrait s’attendre à
découvrir l’interpellation difficile d’un membre du grand banditisme, il
n’en est rien. Pierre Douillard, 16 ans en 2007, participait à une
manifestation de protestation, plutôt bon enfant, comme l’on en voit
beaucoup avec ces collègues lycéens et des étudiants. Des jeunes gens
qui rentrent par effraction dans le parc du rectorat de Nantes pour y
faire quelques jongles et protester contre la politique du gouvernement[1].
Petit rappel sur le pourquoi et le rôle des services de police en France :
L’article XII de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen,
qui établit la force publique dont l’équivalent est aujourd’hui la
police et la gendarmerie, dit : « La garantie des droits de l’Homme et
du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée
pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux
auxquels elle est confiée ».
C’est donc à partir de cet article que se pense pour la France, le
rôle de la police et la gendarmerie. Ce rôle sera bien plus tard
consolidé grâce aux réflexions d’officiers de police et de militants des
droits humains qui vont aboutir à deux textes adoptés au sein des
Nations unies :
I) Le code de conduite pour les responsables de l’application des lois en 1979[2].
II) Les principes de base sur le recours à la force et l’usage des
armes à feu par les responsables de l’application des lois en 1990[3]
Pour la France c’est en 1986 que l’on observera l’établissement du code de déontologie de la police[4] qui reprend d’ailleurs dans son article 2, l’article XII de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.
Voilà pour le contexte général en remarquant qu’il est constamment
demandé aux responsables de l’application « de protéger la dignité
humaine et défendre les droits fondamentaux de toute personne[5] »
et qu’il « auront recours autant que possible à des moyens non violents
avant de faire usage de la force ou d’armes à feu. Ils ne peuvent faire
usage de la force ou d’armes à feu que si les autres moyens restent
sans effet ou ne permettent pas d’escompter le résultat désiré[6]. »
Et qu’enfin l’article 1° de la Charte des Nations unies engage les
Etats à développer et encourager « le respect des droits de l’homme et
des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de
sexe, de langue ou de religion[7] ».
J’en termine avec la note de service du ministère de l’intérieur de
2009 sur la doctrine d’utilisation du lanceur de balle de défense[8]
qui explique que cette arme est crée pour répondre aux nombreux
phénomènes de violences par des groupes déterminés extrêmement violents,
organisés et s’adaptant aux tactiques et techniques déployées.
« Tout cela n’aura pas du arriver » :
Que dire de l’institution policière qui semble faire obstruction dans la remise des preuves au tribunal :
a) il n’a pas été possible de présenter l’arme
b) les vidéos des services de police n’ont pas fonctionné
c) il n’a pas été possible d’analyser les défaillances du matériel
Une institution policière qui ne s’interroge pas sur le manque de formation pour l’usage de cette arme[9] ?
Qui ne se questionne toujours pas devant les nombreux refus de
policiers d’utiliser cette arme ? Qui semble plutôt promouvoir les
officiers de police en charge à l’époque des événements[10] ?
Que dire de la hiérarchie policière qui dés le départ des évènements
est en dehors du rôle assigné par l’Etat : « protéger la dignité
humaine et défendre les droits fondamentaux de toute personne »
Une hiérarchie policière qui a manqué de discernement et de
responsabilité. Qui a pris de mauvaises décisions et donné des ordres
inadéquates, voir illégaux, pour des réponses disproportionnés dans
l’usage des armes ?
Que dire d’un témoin, agent de la Brigade anti-criminalité (BAC) qui,
s’il remarque que ce ne sont que des enfants, leur tire dessus à
hauteur des jambes par précaution sans reconnaître : « …un groupe
déterminé extrêmement violents, organisé… ».
Que dire de la défense d’un jeune gardien de la paix qui semble perdu
dans ce tribunal et à qui le procureur enlève formellement la capacité
de discerner un ordre légal d’un ordre illégal[11] ?
Un gardien de la paix qui dit tirer quand on lui envoie une pierre ?
Un gardien de la paix qui en arrive à nier l’évidence dans une défense peu crédible :
« …quand j’ai tiré il était à environ 20 mètres et mesurait environ 1,80m » le jeune se présente et mesure 1,70m.
« … je le reconnais à sa veste… » puis quand la veste ne correspond
pas « je le reconnais à ces sourcils noirs » alors même qu’il dit se
trouver à environ 20 mètres ?
Mais comment est il possible de tirer avec discernement à cette
distance après 17h10 au mois de novembre ou le soleil se couche à 17h20
et repérer les sourcils de la personne visée ?
A la fin du procès il reste une impression d’un immense gâchis où un
jeune a perdu bien plus qu’un œil parce qu’adolescent, comme beaucoup
d’entre nous l’avons fait avant lui, il avait manifesté un désaccord
avec l’autorité dont le premier devoir était de le protéger.
Benoît Muracciole
[1]
Vous pourrez retrouver le déroulement des évènements avec notamment une
présentation qui permet efficacement de les visualiser sur le blog du
comité de travail du 27 novembre : http://27novembre2007.blogspot.com/
[4]http://www.interieur.gouv.fr/misill/sections/a_l_interieur/la_police_nationale/deontologie/code-deontologie/
[9] Le manque de formation est aussi reconnu par la défense.
[10] Notamment Yves Monart nommé au cabinet du ministre de l’intérieur (JO du 11 mars 2011)
[11]
L’article 122-4 « N’est pas pénalement responsable la personne qui
accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est
manifestement illégal.