Médiaterranée Languedoc-Roussillon a passé son week-end à chercher des témoins présents vendredi soir, à La Mosson. Y compris dans la zone des baraques à frites, dont celle de « Chez Tonton » où le jeune « Casti » a reçu un tir de Flash-Ball qui lui a explosé l'oeil, juste avant le match opposant Montpellier à Saint-Etienne. A force de multiplier les coups de fils dans les rangs des Montpelliérains, qu'ils soient membres d'un club de supporters ou pas, Médiaterranée Languedoc-Roussillon est aujourd'hui en mesure de publier un premier témoignage, sous couvert d'anonymat, pour commencer. Car les langues se délient peu à peu, depuis la diffusion hier soir du « Communiqué officiel des témoins de l'incident survenu en marge du match MHSC/ASSE ». Entretien exclusif...Vous avez assisté à la scène du tir de Flash-Ball, où étiez-vous précisément au moment de ces faits et que faisiez-vous ?« J'étais assis en bout de table avec des amis en train de faire l'apéro et j'étais à 10 mètres de Florent, que l'on surnomme « Casti », quand il a pris le coup de Flash-Ball.Où se situe précisément cette baraque à frites « Chez tonton » ?La baraque à frites de « Chez Tonton », c'est celle qui est le plus en contre-bas des baraques à frites, celle qui donne sur le chemin des puces. C'est celle qui est la plus éloignée de La Mosson : elle est située à plus de 300 mètres du stade.Quels sont les premiers faits de ces événements auxquels vous avez assisté ?La première chose que j'ai vue, c'est quelqu'un qui arrivait apeuré en courant, poursuivi par la BAC, pour se réfugier là où on était. La BAC l'a tout de suite rattrapé et l'a matraqué sauvagement. De là, trois personnes se sont levées sans méchanceté pour leur demander d'arrêter de le matraquer en s'interposant. A ce moment-là, la BAC a commencé à paniquer : ils ont matraqué ceux qui se sont levés et en même temps que ces personnes recevaient des coups de matraques, un agent de la BAC a sorti son Flash-Ball et a tiré dans le tas, au niveau de tous les gens qui faisaient l'apéro dans cette baraque à frites et qui s'étaient levés pour regarder tout ce qu'il se passait. C'est Florent qui a pris la gomme de Flash-Ball dans l’œil. Et quand tout le monde a vu Florent tomber au sol, inconscient, à partir de là, il y a eu de vraies échauffourées.Qu'est-ce qu'il s'est passé précisément ?Tout le monde s'est levé en criant. Certains ont commencé à jeter les canettes qu'ils avaient à porter de main sur la BAC. Là, la BAC a encore fait une deuxième erreur : elle a lancé une grenade de déflagration en plein milieu du groupe. Ça a pété fort, donc tout le monde a encore plus pété un plomb. A partir de là, la BAC a commencé à avoir le renfort des policiers boucliers et casqués du stade. Il y avait encore quelques projectiles qui volaient, mais ils se sont abrités sous la buvette d'en face et étaient protégés par les boucliers du cordon. On n'a pas arrêté de leur crier d’appeler les pompiers, cela faisait déjà 10 minutes que Casti était inconscient par terre.Les agents de la BAC disent qu'ils ont pris des coups par les supporters, est-ce que vous l'avez observé ?Ils n'ont pas pris de coups, ils ont reçu une pluie de projectiles. Il y en a bien un qui a dû toucher un agent ou deux de la BAC, mais tout cela, c'était après le tir de Flash-Ball : c'est le tir de Flash-Ball qui a déclenché les échauffourées, pas l'inverse.En plus du jet de canettes, il y a eu aussi des jets de tables, selon les forces de l'ordre, c'est le cas ?Ce n'était pas des tables, mais des chaises en plastique. Il y a d'ailleurs eu plus de jets de chaises que de canettes...Certains témoins disent également qu'un agent de la BAC s'était caché sous la baraque à frites de « Chez Tonton », vous l'avez vu ?Oui, c'est celui qui a tiré. Dans la confusion de l'échauffourée entraînée par son tir, il s'est caché sous une autre baraque à frites. Dans le même temps, ses collègues sont allés chercher le projectile du Flash-Ball, ce qui est formellement interdit, puisque normalement ils doivent faire un rapport après chaque tir de Flash-Ball : ils voulaient essayer de dire qu'il n'y avait pas eu de tirs de flash-ball. A la fin des échauffourées, les agents de la BAC sont allés voir les gens qui travaillaient dans cette baraque à frites : ils y ont pris leur identité et leur ont dit qu'ils allaient devoir déclarer qu'ils étaient intervenus, suite à une bagarre entre Montpelliérains et Stéphanois. Sauf qu'après ce coup de pression, ils ont dû changer cette version d'un affrontement entre supporters parce que tout le monde savait très bien que les Stéphanois étaient déjà dans le stade. Heureusement, que le médecin-légiste a clairement dit que la blessure était due à un tir de Flash-Ball, sinon on en serait encore à l'histoire de la bombe agricole...Vous nous avez dit que l'échauffourée avait duré une dizaine de minutes, que c'est-il passé ensuite ?Après les pompiers sont enfin arrivés. Il a fallu qu'on dégage le passage, on a porté Casti au camion de pompiers. Quand ils l'ont regardé, on a vu à leur réaction que sa blessure était très grave, ce qui a de nouveau énervé tout le monde. Il y en a deux qui ont commencé à parler avec la BAC en leur disant qu'ils avaient fait une bavure, la BAC les a nargués en rigolant et c'est reparti : une canette a volé vers lui sans qu'il ne soit touché, il a sorti sa matraque, il a recommencé à matraquer et l'échauffourée a recommencé.Combien de personnes étaient dans cette nouvelle échauffourée ?Il y avait une cinquantaine de personne et c'était une grosse demi-heure après le tir de flash-ball.Tout s'est terminé comment ?L'échauffourée a duré une dizaine de minutes. Après les deux camps ont fini par se calmer. Un des policiers qui s'occupe des boucliers du stade a réussi à les calmer en les empêchant de charger trop les Montpelliérains énervés qui ont également été calmés par certains d'entre-eux.Et l'interpellation de ce supporter Ukrainien de Nice qui devait comparaître aujourd'hui devant le tribunal correctionnel, vous l'avez vue ?Non, je ne l'ai pas vue et je ne le connais pas. Ce que je sais par d'autres, c'est qu'il était venu à Montpellier pour une exposition de graff'. Et ce que je trouve très grave, c'est que cette personne soit la seule mise en cause dans cette affaire, alors que, pour l'instant, l'auteur du tir de Flash-Ball n'est pas inquiété du tout ! Tout ce qui s'est passé, est pourtant arrivé en réaction à la bavure ! Cet Ukrainien présenté comme multirécidiviste dans la presse va peut être se retrouver en prison, alors qu'il a réagi avec les tripes à ce qu'il avait vu, tandis que, pendant ce temps, celui qui a causé l'explosion de l’œil de Casti n'est pas du tout inquiété... Pour moi, cet Ukrainien, c'est une victime collatérale du tir de Flash-Ball qui va tout prendre dans la tête. Et on peut aussi craindre qu'ils se servent de cette interpellation pour dire que les agents de la BAC ont été victimes de violences avant le tir de Flash-Ball, pour justifier cette erreur.Vous qui étiez présent sur ces lieux, qu'est-ce que la lecture des articles de presse consacrés à ce sujet vous a inspiré ?J'ai ressenti exactement la même chose que tous ceux qui étaient présents, j'ai été écœuré. On a été écœuré que seule la version policière soit retenue. On a lu des journaux qui ont carrément fait de A à Z le récit de la police, sans rien savoir ! Il y a des choses calomnieuses qui ont été dites, avec plein d'incohérences ! Quand on dit que l'incident était généré par l'interpellation d'un interdit de stade, ce n'est pas vrai : ils ont voulu interpeller un ancien interdit de stade, qui avait un fumigène éteint, ce qui est tout à fait légal, alors que le commissaire divisionnaire et certains médias ont affirmé l'inverse... On a entendu que l'intervention de la BAC était due à des échauffourées avec les supporters stéphanois, ce qui était totalement faux, parce qu'ils étaient dans le stade. Et d'ailleurs, quand ils ont su que Casti avait perdu son œil, ils ont enlevé toutes leurs banderoles et ont même voulu quitter le stade, par signe de solidarité, même si la police les en a empêché... Dans les médias, on a aussi pu voir la police changer plusieurs fois de versions en trois jours, au fil des événements...C'est à dire ?Au début, leur première version, c'était qu'ils étaient intervenus suite à une rixe entre Montpelliérains et Stéphanois. Ensuite, ils voient que ce n'est pas tenable, parce que trop de gens savaient que les Stéphanois étaient déjà rentrés dans le stade, ils changent donc de version : ils disent que c'est pour interpeller un interdit de stade. Après, ils s’aperçoivent que ce n'est pas tenable non plus, parce que tout le monde sait que ce n'est qu'un ancien interdit de stade, donc ils ne leur restaient plus que la version qui a accompagné les précédents scénarios modifiés au fur et à mesure : celle, toute simple, qui dit que trois agents de la BAC se sont faits attaquer par une cinquantaine de personnes... Ce qui nous écœure tout autant que le reste, c'est qu'il n'y a pas eu un véritable travail d'investigation journalistique qui soit fait, hormis vous, Médiaterranée Languedoc-Roussillon et So Foot à notre connaissance, pour essayer de contacter les témoins et les interroger, afin de faire sortir toutes les vérités de cette histoire dramatique pour Casti ».Recueilli par Nicolas EthèveMise à jour du 24.09.12, à 18h30 : Rectificatif de notre précédente mise à jour. Selon nos nouvelles informations, l'Ukrainien interpellé vendredi soir et reconnu coupable, n'a pas été condamné à 18 mois de prison, dont 15 avec sursis, mais à 18 mois de prison, dont seulement 12 avec sursis. Toujours pour coups et blessures sur des agents des forces de l'ordre. Cette condamnation étant assortie d'un mandat de dépôt, le condamné est bien ressorti libre du tribunal correctionnel de Montpellier, en attendant de rencontrer le Juge de l'Application des Peines qui définira les conditions de cette sentence. Une sentence qui se déroulera, peut être, par le seul biais d'un bracelet électronique... L'avenir proche nous le dira, mais d'ici là, plus d'informations sont à venir sur Médiaterranée Languedoc-Roussillon, avec à la clé, quelques surprises dans cette affaire...
libellés
mercredi 26 septembre 2012
Montpellier : témoignage
http://www.mediaterranee.com/2522012-affaire-du-flash-ball-casti-et-monsieur-p-ont-un-triste-point-commun.html