libellés

dimanche 25 mai 2008

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Ce rapport d’enquête citoyen sur les violences policières du 27 novembre 2007 au Rectorat de Nantes est rendu public fin mai 2008 - six mois après les faits, dans une affaire où tous les témoignages, toutes les preuves matérielles, y compris les étapes antérieures de ce rapport avec toutes leurs annexes, ont été collectés et remis tant au procureur de la République qu’à l’IGPN. Nous attendions une réponse institutionnelle avant de communiquer, mais à ce jour, la famille de la victime n’a reçu aucune nouvelle, malgré des demandes répétées.

Aujourd’hui enquêtes et procédures judiciaires semblent enlisées.
C’est l’enterrement de première classe.
Il ne s‘est apparemment rien passé le 27 novembre 2007 devant les grilles fermées du Rectorat de Nantes.

Ce rapport d’enquête montre pourtant l’enchaînement des faits, leurs conséquences humaines dramatiques [des personnes blessées, dont un mineur gravement], leurs traitements médiatiques et judiciaires. Il permet aussi de réfléchir, d’évaluer et d’anticiper la généralisation de pratiques anti-démocratiques et dangereuses.

La nébuleuse sécuritaire

Depuis quelques années, nous assistons à une rupture de grande ampleur dans la politique du maintien de l’ordre. Nouvelles modalités d’intervention, nouveaux corps, nouvelles armes, budgets en forte hausse, c’est une nouvelle police, spectaculaire et médiatique, qui naît sous nos yeux.
C’est aussi une police qui expérimente ses nouveaux équipements.
Que fait d’autre le policier masqué au flasball jaune, arme non encore généralisée, devant les lycéens et étudiants nantais ?
Aujourd’hui, les notes de service qui précisent l’emploi de ces armes dites « non létales » sont inaccessibles aux citoyens et leurs conditions d’usage réglementaires inconnues du public [et des policiers eux-mêmes ?]. Dites « non létales », ces armes s’avèrent mutilantes [flashball], voire mortelles dans certaines conditions [taser]. La croissance spectaculaire des gardes à vue, de plus en plus nombreuses et de plus en plus longues [ + 73.8 % de hausse entre 2000 et 2007 pour les GAV de plus de 24 heures] – c’est le cas des jeunes interpellés le 27 novembre - comme l’augmentation des incriminations pour outrages témoignent que l’usage expérimental de nouvelles armes ne préjuge pas de l’utilisation ou du détournement de procédures juridiques existantes.

L’instrumentalisation politique de la police

Pivot de la carrière politique de l’actuel président de la République, la police nationale fait l’objet depuis des années d’une mise en scène permanente et d’une transformation profonde menées dans une extrême proximité avec le pouvoir politique.
Il faut parler, avec un grand nombre de policiers silencieux mais hostiles à cette politique, d’une instrumentalisation politique de la police nationale.
L’usage actuel qui est fait de la police dans les mouvements sociaux, qui vont d’une présence disproportionnée, dans le nombre d’agents et la durée des interventions, à des séquences très violentes - usage généralisé du flasball dans les manifestations lycéennes et étudiantes de ces derniers mois, utilisation de policiers de la BAC ou des CDI non ou peu formés au maintien de l’ordre en manifestation - à l’instar de ce qui s’est passé à Nantes, en novembre 2007, devant le Rectorat et devant le lycée privé Saint-Jean-Baptiste de la Salle - ou totalement incongrues dans une démocratie [confiscation des banderoles et T-shirt lors des visites présidentielles en province].
Le discours policier aux médias - étudié dans la revue de presse de ce dossier – témoigne des effets de cette politique d’instrumentalisation sur le langage et de la transgression de plus en plus fréquente des règles de la présomption d’innocence. On ne donne pas les résultats de l’enquête avant que celle-ci n’ait commencé.

Appel aux citoyens et aux élus

Nous formons, à la suite de ce rapport sur les violences policières du 27 novembre 2007 à Nantes, en écho aux faits similaires survenus ailleurs (Caen, Lyon, Grenoble, Lyon, Île de France, etc.], trois recommandations et une demande immédiate :

Recommandation 1 : stopper la dérive des armes dites « non létales »

Flashball des différentes générations et taser ne sont pas des jouets. Leur caractère non létal est incertain, leur dangerosité certaine – la mutilation du 27 novembre 2007 en témoigne -, leurs règles d’usage inconnues des citoyens, la formation des policiers insuffisante.
L’usage maintenant généralisé du flashball en manifestation témoigne d’un fantastique laisser-aller de l’institution policière, qui ne manquera pas de produire de nombreux drames humains s’il n’est pas mis un terme à cette dérive. Tout est à faire en ce domaine, et rapidement, car le nombre de ces armes dites « non létales » en circulation va augmenter dans des proportions inconnues jusqu’alors.


Recommandation 2 : protéger le droit constitutionnel de manifestation

Aujourd’hui, le risque d’être blessé gravement au cours d’une manifestation pacifique est devenu réalité. La police n’a pas à juger de la politique, ce n’est pas son rôle, son instrumentalisation actuelle par le pouvoir politique l’amène à pratiquer le contraire. La police doit respecter les règles et les usages républicains, elle doit respecter le droit de manifester. Le droit de manifester inclut les mineurs, qui ne sauraient constituer dans une société démocratique, malgré leur inexpérience et leur jeune âge, une cible juridiquement dépourvue des droits des citoyens majeurs.


Recommandation 3 : évaluer juridiquement, techniquement et économiquement, l’activité policière

Dans le projet d’évaluation de tous par tous, dans le projet d’une fonction publique et d’un état efficients, curieusement, la police est absente des listes. Il serait très intéressant de savoir combien d’heures de policiers nantais ont été dépensées lors des manifestations lycéennes et étudiantes contre la loi Précresse, autrement dit de calculer le coût pour la collectivité de la sur-activité policière du mois de novembre 2007 à Nantes.
L’évaluation de la police, localement – malgré ses désordres internes – [annexe 18] et nationalement est très insuffisante. Dans cette période de rupture stratégique et tactique de l’institution policière, l’évaluation est pourtant indispensable à un fonctionnement démocratique, la police ne saurait se soustraire à des mécanismes d’évaluation indépendants, qu’appellent la lecture ou la relecture du code de déontologie de la police. [annexe 19]


Notre demande immédiate

Elle est très simple.
Un juge d’instruction doit être nommé et instruire cette affaire, en suivant les règles de droit de la République.