SYNTHESE de l’affaire du 27 novembre 2007 à NANTES
Répression de la manifestation des étudiants et lycéens,
violences policières et conséquences.
violences policières et conséquences.
Les faits
Il y a tout juste un an, le 27 novembre 2007 en fin d’après-midi, lors d’une manifestation pacifique d’étudiants et de lycéens contre la loi Pécresse (LRU) Pierre, alors lycéen mineur, était grièvement blessé par un tir policier de lanceur de balles 40mm, sur la voie publique, devant le Rectorat de Nantes. Côté police, on dénombre dix blessés légers. Le rapport médical qualifie la blessure de Pierre « d’une extrême gravité (...) dont les séquelles prévisibles sont particulièrement invalidantes puisque M. Pierre ne récupérera jamais sa vision de l'œil droit ». D’autres manifestants sont blessés : blessure profonde à la tête, la mâchoire (dents cassées), à l’abdomen.
Le groupe de travail du 27 novembre
http://27novembre2007.blogspot.com.
http://27novembre2007.blogspot.com.
Dès le lendemain des faits, un groupe de travail se réunit autour de la famille de Pierre et définit ses buts : assurer un travail concret de collecte, de regroupement et, surtout, de mise en perspective.
« Nous voulons appuyer le travail de la justice pour qu’elle puisse dire la vérité et les responsabilités dans ces violences policières. » Aussitôt, une équipe se mobilise pour récolter des témoignages et des photos en nombre, projeter des vues axonométriques des lieux, dresser la chronologie des faits, analyser les articles de presse (pas toujours favorables à sa cause), et obtenir des certificats médicaux, voire des courriers de plus hauts responsables de la police.
Un travail remarquable est effectué sur les films amateurs captés par plusieurs téléphones portables. Tous les films sont visionnés image par image pour isoler des silhouettes, quelques gestes et repérer très exactement le timing de la répression de la manifestation. Est mise en évidence notamment la présence d’un policier cagoulé armé d’un lanceur de balles 40mm (lire ci dessous un extrait du commentaire du dossier par D. Dufresne Médiapart)
Le policier à la cagoule
" Ce sont évidemment les photos les plus troublantes. On y distingue un policier armé d’un lanceur de balle de défense mais, surtout, l’homme est cagoulé. L’effet est saisissant. Dans l’imaginaire collectif, le policier cagoulé est un policier d’élite, en tenue exceptionnelle pour événement exceptionnel (prise d’otage, forcené, etc.). C’est plus l’imagerie Raid que l’ambiance CRS. Cet anonymat d’un agent public en plein espace public pose évidemment débat. Un décret de 1995, revu dernièrement, encadre là aussi strictement l’usage de la cagoule et détermine les services qui peuvent y prétendre. Dans tous les cas, une autorisation hiérarchique doit être délivrée. Bien souvent, ce sont les fonctionnaires eux-mêmes qui en feraient la demande par peur de représailles. C’est aussi un geste psychologique évident envers la foule.
Dans la pratique, le port de la cagoule – hors cas extrême – est plus fréquent en matière de violences urbaines (émeutes, guet-apens, etc.) qu’en matière de maintien de l’ordre (manifestation, etc.). L’affaire de Nantes pourrait bien faire bouger les choses, non sur le plan de la légalité, mais sur celui de la légitimité. En clair : est-il justifié d’enfiler une cagoule, en plein après-midi, en pleine manifestation ? "
D. Dufresne Médiapart
Le dossier ainsi constitué est envoyé en mai 2008 à la presse, à quelques élus locaux et au parquet de Nantes qui l’aurait étudié « avec le plus grand sérieux » avant de nommer deux juges et d’ouvrir en juillet dernier une information judiciaire contre X. Le dossier du groupe de travail du 27 novembre est mis en ligne intégralement et toujours actualisé. http://27novembre2007.blogspot.com.
Les procédures closes à ce jour
Deux procédures ont été diligentées sur ces faits de violence policière : d’une part une enquête administrative de l’IGPN, à la demande du Procureur de Nantes dès le lendemain des faits, enquête aujourd’hui close et qui, de son aveu même, échoue et renonce à établir la vérité. La police des polices s’y montre incapable de répondre à la question principale: quel policier a pu toucher Pierre et comment ? il est vrai que le tissu d’approximations et de contradictions qui constitue les compte-rendus d’auditions mérite un léger travail d’analyse pour qui est tente réellement d’établir la vérité des faits. D’autre part une enquête de la CNDS, laquelle vient de rendre ses avis et conclusions le 20 octobre dernier (voir synthèse).
La procédure en cours
Début juillet, le procureur a pris sa décision et une troisième procédure est donc en cours depuis le 10 juillet 2008, avec la nomination de deux juges d’instruction nantais et l’ouverture d’une information judiciaire contre X sous le chef de coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieur à 8 jours, avec la circonstance que les faits ont été commis avec armes et par une personne dépositaire de l’autorité publique. Dans ce nouveau développement de l’enquête la famille est accompagnée par deux avocats, Maître Franck Boëzec à Nantes et Maître Nathalie Senyk à Paris.
L’actualité : 1 - une nouvelle enquête
Un an après les faits et compte-tenu des éléments nouveaux apportés par les enquêtes IGPN et CNDS, ainsi que les sources citoyennes [groupe de travail 27 novembre, organisations syndicales et section nantaise de la Ligue des Droits de l’Homme], il est important de revenir sur les différents éléments de la communication policière depuis les premiers jours : ses approximations, ses dénégations, ses mensonges contre les faits et contre la réputation des personnes car il nous semblerait totalement aberrant et irrégulier que la nouvelle procédure d’enquête soit confiée à la police nantaise.
Depuis novembre 2007, la police nationale a communiqué de trois manières différentes sur cette affaire :
- Dans les jours qui ont suivi la manifestation, auprès de la presse locale, en complément des communiqués de la Préfecture et du Rectorat. Une revue de presse permet de constater que les propos policiers varient, nient, dénigrent et justifient des faits eux-mêmes flottants, dans une communication à la fois mal maîtrisée et très agressive :
1/ D'abord, pas de tir. 2 / Puis, effectivement un tir, mais sans toucher le lycéen. 3 / Ensuite, le tir a effectivement touché le lycéen, mais son oeil n'a rien de sérieux. 4/ Pour finir, le lycéen est effectivement gravement blessé (voir annexe 2).
- Début 2008, en réponse à des lettres de citoyens nantais qui avaient écrit au Premier Ministre, François Fillon, pour protester contre les violences et les gardes vues punitives du 27 novembre 2007, deux policiers ont rédigé des réponses. Si le courrier d’Yves Monard, responsable départemental, apparaît approximatif, il présente aussi un caractère diffamatoire en affirmant un élément nominatif (accusant gratuitement le lycéen blessé d'avoir lancé des pierres sur les policiers !) totalement absent de l’enquête IGPN, enquête dans laquelle il est pourtant interrogé à plusieurs reprises.
Le courrier d’Éric le Douaron, responsable national au Ministère de l’Intérieur, fait l’objet d’une sévère mise en cause par la CNDS (page 2 du rapport de la CNDS).
Ces deux courriers sont consultables sur le site http://27novembre2007.blogspot.com
- En septembre 2008, en réponse à deux questions écrites différentes de deux Députés de Loire-Atlantique, questions publiées respectivement le 8 et le 15 juillet 2008, la Ministre de l’Intérieur produit une seule et même réponse, publiée donc deux fois le 16 septembre 2008, page 8052 et 8053 du Journal Officiel. La réponse commence par un bref exposé des nouvelles conceptions du maintien de l’ordre appuyées sur de nouvelles armes, se termine par une accumulation de contre-vérités et de mensonges grossiers, que la lecture du rapport d’enquête IGPN, des avis et recommandations de la CNDS, de la presse locale ou nationale, du dossier d’enquête citoyen et des témoignages recueillis par la LDH remis aux enquêteurs et aux juges d’instruction, infirme totalement et définitivement.
Les questions écrites des députés nantais et la réponse de la Ministre de l’Intérieur sont consultables sur le site http://27novembre2007.blogspot.com
Tous ces éléments traduisent l’inquiétante dérive de l’institution policière en matière de communication externe, vis-à-vis des citoyens, des élus et des médias.
Nous tirons deux enseignements de cet état calamiteux de la communication policière, en France, en 2008, dans une affaire de violences sur des jeunes manifestant-e-s pacifiques (toutes les images en témoignent), dont de nombreux mineur-e-s.
1- Concernant la suite de la procédure judiciaire elle-même
Il nous apparaît impossible que la suite de l’enquête soit confiée à la police nantaise. Au vu de sa communication récente comme d’antécédents récents en cette matière.
Nous demandons à ce que les services sindépendants, soient chargés des éléments d’enquête décidés par les deux juges d’instruction.
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2- Concernant la rectification des écrits mensongers ou diffamatoires
Il nous apparaît qu’il est totalement anormal que des écrits mensongers ou diffamatoires émanant de l’institution policière et de la Ministre de l’Intérieur elle-même persistent. Nous demandons que tous ces écrits soient rectifiés, et, en particulier, qu’un correctif soit publié au Journal Officiel, sur la double réponse écrite produite le 16 septembre 2008, rétablissant l’exactitude des faits établis par les enquêteurs eux-mêmes.
L’actualité : 2 - des questions qui restent sans réponse
Concernant le lanceur de balles 40mm
- Avant de l’utiliser, tout policier doit passer par une formation, qui varie d’une demi-journée à une journée seulement, est-ce suffisant ? quel type de formation ?
- Au moment des faits, ce lanceur 40mm est en « phase d’expérimentation de terrain », il n'est donc pas encore en dotation de la police nationale et à chaque usage un rapport doit être remis. Qu’en est-il ?
- Comment admettre que la police « expérimente » directement une arme lors de manifestations lycéennes pacifiques plutôt que de se contenter de tests d’entrainements ?
- Au bout d’un certain nombre de rapports, une note d’emploi devrait définir le cadre technique dans lequel un policier peut ou non l’utiliser. Qu’en est-il précisément ?
L’actualité : 3 - des demandes aux juges chargés de l’affaire
Concernant le déroulement de l’enquête, les avocats rédigent des demandes d’actes afin que l’enquête apporte des réponses aux questions de la famille de Pierre :
- Qu'en est-il du CD des images donné à l'IGPN par la famille et qui ne figure pas dans le dossier remis aux juges alors qu’il est cité comme pièce du dossier ?
- Pourquoi la famille n’a-t-elle pas eu accès au film original tourné par la police au moment des faits mais seulement à un montage expurgé des moments cruciaux. Les causes invoquées pour expliquer l'absence d'images sont divergentes et fondent les soupçons de dissimulations et de mensonges : absence de batterie (réponse à l’IGPN), aide pour repousser les manifestants (réponse à la CNDS).
- Audition de tous les fonctionnaires chargés de filmer ce jour-là.
- Audition de tous les responsables hiérarchiques sur place (semble-t-il nombreux, pourquoi ?)
- Audition des RG, notamment madame Leloup, en charge du suivi de l'Education à la date des faits.
- Audition et analyse de toutes les communications entre police, recteur, préfet... concernant les faits
- Accès à tous les textes relatifs à cette arme nouvelle en cours d'expérimentation ( fallait-il tirer, en condition réelle, en manifestation.. pour que la formation de monsieur Leglise, policier cagoulé, soit validée...), protocole d'expériementation du lanceur de balles 40mm
- (entre autres questions : qui, à Nantes a le droit de tirer avec cette arme ?).
- Procédure de reconstitution balistique avec l'arme dans les conditions réelles (mannequin visé à l'oeil à une courte distance)
- Accès aux textes de réglementation du port de la cagoule par des policiers.
- Etats de service de monsieur Léglise, policier cagoulé, notamment le lendemain 28 novembre : était-ce lui qui a tiré à nouveau, cagoulé, devant le lycée Saint Jean Baptiste de la Salle, alors que quelques enfants fuyaient en lui tournant le dos.
annexe 2 - dossier du groupe de travail du 27 novembre
Violences du 27 novembre
Nombreux articles dès le lendemain. Les propos des étudiants et des témoins sont largement ceux des témoignages analysés plus loin, s’y reporter dans le blog. Pas d’éléments discordants.
Concernant les propos policiers, leur évolution est notable jour après jour :
Journaux du 28 novembre, un tir de flashball sous les yeux des journalistes
Journaux du 29 novembre, reconnaissance d’un tir par la police.
Du coté de la préfecture, blessure intervenue avant l’unique tir de flashball opéré pendant la manifestation. Yves Monard, Contrôleur Général de la Police Nationale « il est impossible de dire si le tir de flashball est à l’origine de la blessure mais nous tentons de reconstituer les événements. »
Cinq policiers entendus par le parquet [3 + 2]
Journaux du 30 novembre : deux tirs recensés : un flashball et un lanceur de balles 40 mm, avec dénégation de responsabilité.
Selon la police et le parquet, rien ne permet encore d’affirmer qu’un tir de flashball en soit à l’origine « Nous avons visionné toutes les images que nous avons filmées sur place, mais elles ne nous apportent aucun élément sur ce point » [Yves Monard]. Le policier qui a tiré assure n’avoir pas « eu l’impression de toucher quelqu’un. Il n’a vu personne porter ses mains à son visage ou s’effondrer. Nous n’avons découvert les blessés qu’à la fin. » . « Mais, dans la confusion, il est possible qu’il n’ait rien pu voir », ajoute-t-on. Deux tirs recensés : un flashball et un second avec un lanceur de balles 40 mm.
Journaux du 1er décembre - validation de la version policière avant les conclusions de l’enquête la mise au point du procureur, conférence de presse.
Deux enquêtes parallèles demandées à l’IGPN, sur les violences aux policiers, sur les violences aux lycéens. « Nous déplorons un certain nombre de policiers blessés, dont certains de façon sérieuse. Nous cherchons à identifier les auteurs des jets de pierre.
Rien ne permet non plus de dire que c’est un tir de flashball qui a blessé le jeune homme le plus gravement touché. »
Une plainte en cours, une autre en attente.