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mercredi 22 juillet 2009

Mater Les manifestants - Quotidien "La Presse" au Québec


Article paru aujourd'hui dans "La Presse", l'un des principaux quotidiens canadiens francophones, au Québec.



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Publié le 21 juillet 2009 à 07h10 | Mis à jour à 10h11

Tollé contre l'usage du Flash-ball en France
Le pistolet Flash-ball est utilisé par les policiers français pour mater les manifestants.
- Marc Thibodeau
- La Presse

(Paris) Après avoir dénoncé le fusil à impulsion électrique, politiciens de gauche et militants des droits de l'homme ont dans la ligne de mire une autre pièce de l'arsenal des policiers français: le lanceur de balles de défense.
L'arme en question, plus communément désignée sous le nom de marque Flash-ball, se retrouve de nouveau dans l'actualité à la suite d'un incident violent survenu la semaine dernière à Montreuil-sous-Bois, en banlieue parisienne.

Un réalisateur de 34 ans, Joachim Gatti, a été grièvement blessé à l'oeil lors d'une manifestation tenue à proximité d'une clinique abandonnée d'où plusieurs squatteurs avaient été évacués quelques jours plus tôt. Dans une lettre ouverte diffusée sur l'internet, le père de la victime, Stéphane Gatti, relate que les forces de l'ordre ont tiré avec leur Flash-ball sans qu'il y ait eu d'affrontement, touchant son fils avec une balle de caoutchouc. Le groupe d'une trentaine de personnes réunies sur place ne représentait, selon lui, «une menace pour personne».
La préfecture de police avance de son côté que des manifestants avaient lancé des projectiles aux agents, qui ont riposté.
Une plainte a été déposée auprès de l'Inspection générale des services, sorte de police des polices, qui sera chargée de faire la lumière sur l'incident, décrit comme une manifestation de «brutalité policière» par la famille Gatti.

Au cours des dernières années, plus d'une demi-douzaine de personnes ont été blessées dans des incidents similaires avec des Flash-ball, une arme réputée «défensive», qui permet de neutraliser un opposant à une dizaine de mètres de distance en tirant une balle de plusieurs centimètres de diamètre.
L'incident survenu à Montreuil rappelle de très mauvais souvenirs à Luc Douillard, un résidant de Nantes qui tente d'obtenir justice pour son fils, blessé lors d'une manifestation survenue en 2007. Étudiants et lycéens, dit-il, s'étaient réunis pour protester contre une révision de la loi sur les universités avant d'envahir les terrains du rectorat. «Ils avaient été refoulés vers la voie publique lorsque des tirs de Flash-ball sont survenus... Mon fils a reçu une balle sans voir d'où le tir venait», relate-t-il en entrevue. Le jeune homme a pratiquement perdu l'usage de son oeil droit, déplore M. Douillard, qui attend toujours, deux ans plus tard, l'aboutissement de l'enquête judiciaire lancée à ce sujet.
La Commission nationale de déontologie de la sécurité, une autorité administrative indépendante saisie du dossier, a déploré, dans un récent rapport, le manque de formation des policiers appelés à utiliser ces armes.
Initialement réservé à certains services spécialisés, le Flash-ball a été étendu à la police de proximité en 2002 sous la direction de Nicolas Sarkozy, qui était alors ministre de l'Intérieur. Il avait expliqué que l'arme, dotée d'un imposant canon, visait d'abord et avant tout «à impressionner». «Aujourd'hui, on assiste à une banalisation de son usage. Il faut des règles beaucoup plus sévères qui interdisent strictement tout tir au visage», souligne M. Douillard, qui déplore le «surarmement» des policiers français.
En mai, la Direction centrale de la sécurité publique a fait parvenir aux directions régionales une note qui rappelait les «règles impératives» relatives à l'usage de cette arme, lesquelles proscrivent toute visée au niveau du cou ou de la tête.
Les policiers sur le terrain n'ont manifestement tenu aucun compte de ce rappel, souligne M. Douillard, qui dénonce la «légèreté» avec laquelle le gouvernement traite ce dossier.
Ce sentiment trouve écho dans les propos du Parti socialiste, qui déplore que les Flash-ball soient utilisés de manière «offensive» au risque de causer des «dégâts graves». Le parti des Verts demande de son côté que ces armes, devenues «une source de bavures», soient bannies.

Dans un éditorial paru il y a quelques jours, Le Monde écrit que les autorités tardent à encadrer «sérieusement» l'usage des Flash-ball. Le quotidien prévient du même coup que ces armes «ne sauraient servir d'alibi à des violences policières qui ont tendance à se banaliser».