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L'utilisation du Flash Ball dans le maintien de l'ordre et la lutte contre les violences urbaines
par Jean-François HERDHUIN
L'utilisation du Flash Ball dans le maintien de l'ordre et la lutte contre les violences urbaines
par Jean-François HERDHUIN
15.10.10
La sécurité, un impératif démocratique
A l'occasion de l'exercice de mon métier de commissaire de police j'ai du m'opposer à maintes reprises aux violences collectives avec des moins de 18 ans en face. Dans les quartiers difficiles on distingue mal violences urbaines et mouvements de revendication.
De la part des policiers de terrain il n'est pas question de confondre délinquants et jeunes contestataires. Cependant ceux qui veulent en découdre avec la police font dégénérer ces manifestations en banlieue comme à Paris où ceux ci s'en prennent également aux manifestants.
Pour ma part, impliqué comme directeur départemental de la sécurité publique dans les incidents de juillet 2009 à Montreuil, j'ai toujours interdit l'usage du Flash Ball dans le maintien de l'ordre classique. Cette consigne était respectée lorsque la manifestation était prévue et organisée. C'est beaucoup plus difficile d'interdire ces moyens là lorsque les violences sont spontanées.
Le flash ball est un instrument d'une précision très approximative. Lorsque l'engin est plus précis, comme le dernier modèle, il est aussi plus dangereux. Il est prescrit de ne pas faire de tir à moins de 7 mètres. Ce tir doit être ajusté pour s'effectuer en dessous de la ligne des épaules en évitant les parties génitales. Dans un climat de violences où même les plus professionnels sont soumis au stress, il est ridicule de leur imposer de telles restrictions qui ne paraissent applicables qu'à l'entrainement dans le calme d'un stand de tir. Par ailleurs comment est-il possible d'apprécier la distance de 7 mètres devant un groupe d'individus qui chargent la police ? J'ai vécu personnellement de telles situations. Pour certains délinquants il s'agissait de venir au contact des policiers afin de délivrer un trafiquant de stupéfiant ou un voleur de cyclo.
J'ai toujours été sceptique quant à la dotation trop répandue du flash ball. Cependant, contrairement à ce qui a été dit ce n'est pas une arme de guerre. Ayant exercé mes fontions 37 années dans les quartiers difficiles, j'ai vécu de très graves incidents où des fonctionnaires débordés ou plus rarement impulsifs ont utilisé leur arme traditionnelle et tué un jeune délinquant voire un passant. Je crois que le compte précis des incidents survenus avec cet engin a été effectué par l'Inspection générale de la police nationale. Il révèle que cet équipement a évité des tués et un grand nombre de blessures graves. A cet égard il n'est pas non plus interdit de penser à la sécurité des policiers.
Par ailleurs, pour avoir vécu Mai 1968 comme jeune étudiant dans le quartier latin, je me souviens de charges policières extrêmement violentes avec des contacts physiques au "corps à corps".
Ayant moi-même dirigé des services d'ordre sur le terrain et non pas dans un état major, j'ai le souvenir de confrontations où l'atmosphère était saturé de gazs lacrymogènes. Pour l'avoir éprouvé je peux affirmer que policiers et manifestants sans masques, peuvent évoluer sans trop de difficultés dans des nuages de gazs irritants. J'ajouterai que l'utilisation du bâton de défense, qui lui aussi répond à des règles d'emploi très précises, est également très dangereuse.
Pour trancher je crois profondément qu'il convient d'enrichir les techniques de maintien de l'ordre tradtionnelles sans flash ball. Il conviendrait aussi de monter des dispositifs policiers parfaitement adaptés aux risques encourus. J'ai vu récemment à Paris 40 manifestants de la CGT; Alors que la nature même de la manifestation ne laissait présager aucun risque d'incident. ils étaient surveillés par une compagnie de CRS et des sections d'intervention.
La disproportion des dispositifs à Paris est récurrente. Si le site est plus sensible, il ne mérite pas qu'on y consacre autant d'heures fonctionnaires au détriment de la sécurité générale et de la banlieue. L'étude de dispositifs adaptés, équilibrés avec des forces composées de professionnels du maintien de l'ordre mais aussi de policiers du quartier, dirigés par la hiérarchie locale, permettrait sans doute de limiter les risques encourus par les uns et par les autres.
Lorsque j'etais jeune commissaire de police à Drancy, il y a vingt ans, je me souviens avoir rencontré les organisateurs des manifestations lycéennes pour leur donner des conseils. Ils ont été surpris mais également soulagés de voir un professionnel du maintien de l'ordre les assister. Pour ma part je remplissais mon rôle de policier garant des libertés publiques, de leur côté les lycéens étaient satisfaits de voir assurer leur sécurité par la police.
Je pense que des initiatives doivent être prises par la hiérarchie policière locale pour rencontrer les lycéens. Ils pourraient se faire accompagner de maires ou de représentants syndicaux locaux. Je ne suis pas sûr que tout le monde souhaite cette forme de relation police-jeune dans cette période de revendication. Et pourtant c'est un droit fondamental pour la jeunesse d'y participer. N'est-ce pas aussi un apprentissage de la citoyenneté ?