POINT DE VUE
Ado blessé au Flash-Ball : "Mon collègue n'a pas voulu le toucher au visage"
15/10/2010 à 13h27 - mis à jour le 19/10/2010 à 19h38 | 48374 vues | 621 réactions
Et le préfet de police de Paris a fait un point sur l'utilisation des Flash-Ball.
Jeudi matin, Geoffrey, lycéen de 16 ans, a été sérieusement blessé à l'œil par un tir de Flash-Ball, lors de violences qui ont éclaté entre jeunes et forces de l'ordre à Montreuil, en Seine-Saint-Denis.
Les incidents se sont produits devant le lycée Jean Jaurès.
Si, selon la préfecture, le tir de Flash-Ball est intervenu suite à des échauffourées et jets de projectiles de la part de lycéens sur les forces de l'ordre, des lycéens, quant à eux, parlent d'un "déchaînement de violence disproportionné" de la part de la police.
L'IGS (inspection générale des services ndlr) a été saisie.
Qu'en pense la police ?
Sur Le Post, une source policière revient sur les faits :
Comment les incidents ont-ils débuté ?
"Vers 9 h 30, des policiers de la compagnie de sécurisation et d'intervention, et non des CRS, contrairement à ce qui a été dit, ont été appellés en renfort devant le lycée Jean Jaurès, car des jeunes venaient de détériorer du mobilier urbain, et des policiers du commissariat de Montreuil venaient de subir des jets de projectiles divers : canettes, cailloux,... "
Combien de policiers sont alors arrivés en renfort?
"Trois, soit une patrouille. Les policiers de Montreuil étaient trois aussi, ils étaient donc six lors des incidents. Une fois sur place, devant le lycée, ils voient plusieurs jeunes gens capuchés, écharpes sombres pour dissimuler le visage, certains portent même des casques intégraux. Ils vont et viennent dans l'établissement scolaire. Une barricade de débris divers a également été mise en place devant l'entrée du lycée. Les jeunes continuent à entrer et sortir, et, quand ils voient les policiers, les insultes commencent en direction de la police."
Comment les policiers ont-ils réagi ?
"Rapidement, ils se sont retrouvés encerclés, toujours devant le lycée, par une trentaine de jeunes. Ils leur demandent de reculer, mais ils se rapprochent, et certains commencent à molester certains policiers. Parallèlement, le groupe de jeunes grandit."
Combien sont-ils alors ?
"Une centaine d'individus encerclent alors les policiers. A ce moment-là, un gardien de la paix lance un grenade à main de gaz lacrymogène pour faire reculer les jeunes, et, comme les policiers se sentent en danger, ils tentent de se replier vers leurs véhicules."
Parviennent-ils à rejoindre leurs véhicules ?
"Non. Car d'autres individus ont pris des poubelles à roulettes et des grillages et ont, entre-temps, constitué une barricade sur la voie publique pour empêcher la circulation des voitures. Là, des jeunes se mettent à lancer des projectiles qu'ils ont visiblement pris soin de stocker, et les jettent sur la police. Les policiers recoivent des bouteilles qui se brisent à leurs pieds, et d'autres objets."
Que s'est-il passé ensuite ?
"Un jeune homme lance un autre projectile, une pierre, sur un policier. Ce policier, qui n'est pas casqué car il n'a pas eu le temps de s'équiper et ne s'attendait pas à cela, le repère, et tire une première fois au Flash-Ball. Il ne le touche pas, mais touche une poubelle de la barricade. Le même jeune relance une seconde pierre sur le policier qui vient de tirer. La pierre passe à côté du torse du policier. Le policier s'apprête à tirer à nouveau au Flash-Ball, le vise au torse, tire, mais, entre-temps, le lanceur se baisse et reçoit le tir au visage. Il tente de s'enfuir. A cet instant, les policiers ne savent pas qu'il est blessé à l'oeil."
Quand l'ont-ils appris ?
"Juste après, ils ont entendu une voix de femme disant qu'il y a un blessé. Ils se dirigent vers elle. Le jeune homme est appuyé sur le mur et se tient le visage. Les policiers appellent les pompiers."
Une autre source policière nous confirme aussi les circonstances des tirs.
Contacté par Le Post, Philippe Capon, secrétaire général du syndicat UNSA police, confie: "Un Flash-Ball n'a pas à être utilisé pendant une manifestation, sauf dans des conditions très particulières comme la légitime défense."
Egalement contacté par Le Post, Stéphane Pelliccia, délégué syndical UNSA police pour le 93, nous dit "qu'on doit restreindre l'utilisation des Flash-Balls lors des mouvements sociaux. Toutefois, et notamment dans le 93, il arrive que des groupuscules se greffent aux manifestants et que cela dérive en violences urbaines."
Contacté par Le Post, Loïc Lecouplier, responsable du syndicat de police Alliance pour le 93, qui nous précise que "11 policiers ont été blessés en Seine-Saint-Denis en marge des manifestations" jeudi, réagit : "Une enquête est en cours. Mon collègue était en opération de rétablissement de l'ordre. Il a été pris à partie. Quand il a utilisé son Flash-Ball, il était en légitime défense. Les policiers avaient demandé aux jeunes de reculer. Ils se sont retrouvés dans un guet-apens et ils devaient bien s'en dégager. Ils n'ont fait que se défendre, avec la malheureuse conséquence de la blessure de ce jeune homme que mon collègue regrette."
Interrogé sur les circonstances d'utilisation du flashball jeudi matin, il nous dit que "le tir a été effectué à au moins 20 mètres de distance, avec un Flash-Ball longue portée."
Celui qui a pu s'entretenir avec le policier qui a tiré nous dit aussi: "Mon collègue n'a jamais voulu toucher ce jeune homme au visage. Il est vraiment désolé pour lui."
Egalement contactée par Le Post, la préfecture de police de Paris nous informe du fait "qu'un rappel des conditions d'utilisation du Flash-Ball et des consignes a été fait par le préfet de police de Paris auprès des effectifs." Elle tient toutefois à nous préciser que "contrairement à ce qui a pu être dit, aucune interdiction ou suspension d'utilisation n'a été évoquée."
Le lycéen blessé, qui devait être opéré vendredi, ne peut finalement pas subir une opération aujourd'hui, car "il faut attendre que l'oedème, qui est très important, se résorbe un peu" selon le député Jean-Pierre Brard, qui lui a rendu visite en compagnie du préfet, et Libération.
"Il a le visage tuméfié" et "souffre de fractures multiples à la pommette,
au sinus et au nez", a aussi précisé Jean-Pierre Brard, qui a précisé que des enquêteurs de l'IGS "étaient présents dans sa chambre" et sur le point de "terminer son audition".
Toujours selon Jean-Pierre Brard, et Libération, le lycéen "venait simplement de manipuler une poubelle quand il a été touché (...) Il n'y avait aucun geste agressif, rien ne justifiait l'utilisation d'une arme contre lui."
Réinterrogée par Le Post vendredi soir au sujet de l'IGS, la préfecture de police nous indique encore que "l'enquête étant en cours, l'IGS ne se prononce pas, pour l'instant, sur ce sujet."