Article dans L'Humanité 17, 18 et 19 février 2012
Comment en finir avec les violences policières ?
les 6 et 7 mars, au procès de Nantes, l'impunité ne doit pas faire jurisprudence
PAR QUENTIN DAUPHINÉ, POUR L'EQUIPE RESPONSABLE D'EMANCIPATION.
Le 27 novembre 2007, à Nantes, Pierre, lycéen, est blessé grièvement au visage par un tir de Flash-BaIl d'un policier. Il perd l'usage d'un œil. C'est un enfant qui n'a pas encore dix-sept ans. Et ce, dans le cadre d'une manifestation pacifique, quasiment ordinaire, pourrait-on dire. Encore qu'elle n'était pas anodine dans son objet, puisqu'elle s'inscrivait dans les mobilisations pour le retrait du projet de loi LRU (liberté et responsabilité des universités), qui ouvrait la porte à une régression majeure dans l'enseignement supérieur.
L'acte du policier doit s'analyser dans un contexte maintenant connu : la répression s'élargit de plus en plus aux mouvements sociaux, y compris non violents et légaux. La répression policière, judiciaire ou administrative dans le cadre de mouvements sociaux vise spécialement à atteindre les secteurs plus militants.
Elle aboutit à des sanctions sans commune mesure avec les faits reprochés. Et pour cause : il s'agit de briser les mouvements sociaux avant tout, en faisant des « exemples ».
Mais ce n'est pas tout : le 27 novembre 2007, un palier a été franchi. Palier dans les formes de violence policière : la blessure de Pierre a été due à l'usage d'un Flash-Ball de nouvelle génération. Depuis, ce type d'arme a fait d'autres victimes dans toute la France, dont deux enfants à Mayotte.
Partout, ces dernières « innovations » technologiques servent à renforcer la violence répressive des États. En France, lors de manifestations politiques, comme on l'a vu avec Joachim à Montreuil, par exemple, Joan à Toulouse, Geoffrey (encore un lycéen, encore un enfant) encore à Montreuil. Mais aussi, sous d'autres cieux, avec les mutilés de la vision du printemps égyptien, dont l'un qui a perdu définitivement un œil pendant une manif et l'autre œil lors d'une manif suivante.
On le voit, ce qui se joue à Nantes, les 6 et 7 mars, lors du procès du policier auteur du tir, c'est bien entendu la simple justice face à un appareil répressif qui s'imagine pouvoir agir en toute impunité. Mais l'enjeu est important aussi pour les libertés, pour le simple droit de manifester ! Et enfin, il est important car il pose la question de l'armement de la police, des droits, des simples droits des simples citoyens ou citoyennes et des jeunes face à la violence policière.
Ces éléments ont poussé le Conseil national de la FSU de janvier 2012 à voter à l'unanimité: « La PSU dénonce les violences policières. Elle manifestera sa solidarité à Pierre, grièvement blessé à l'œil par un tir de Flash-Ball lors d'une manifestation, et sera présente lors du procès des policiers en cause, à Nantes, les 6 et 7 mars prochains. »
Observons, ne serait-ce que les dernières semaines. À Tours, ce sont des camarades de RESF qui sont victimes de poursuites pour délit d'opinion. À Toulouse, quatre jeunes de vingt et un et vingt-deux ans ont fait l'objet d'une détention pendant deux mois et demi pour une action sans violence menée contre l'existence des EPM (établissements pénitentiaires pour mineurs) et en particulier celui de Lavaur où une révolte avait éclaté. Pendant cette détention provisoire illégale, ils/elles ont été en butte à l'accusation invraisemblable d'être des terroristes d'ultragauche, et des prélèvements ADN ont été effectués sans leur consentement.
À Grasse, les policiers présumés coupables d'avoir tué Hakim Ajimi lors d'une garde à vue étaient jugés. Le racisme n'a pas été retenu, et le procureur a requis contre les auteurs de cet assassinat des peines avec sursis. Cette réquisition a été interprétée par la famille d'Hakim et par le comité Vérité et Justice comme un permis de tuer, d'autant que plusieurs autres Français d'origine immigrée sont morts dans des conditions suspectes lors de leur garde à vue.
Non, l'impunité policière ne doit pas faire jurisprudence !
C'est la raison pour laquelle nous serons à Nantes lors du procès.