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dimanche 11 mars 2012

AFP 8 mars 2012

Jeune éborgné en 2007 : relaxe requise pour le policier, pas pour le gomme-cogne

Philippe SCHWAB
Agence France Presse
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Le parquet a requis mercredi la relaxe pour le policier accusé d'avoir éborgné un lycéen de 16 ans avec un gomme-cogne lors d'une manifestation en 2007 à Nantes, tout en s'interrogeant sur l'opportunité d'utiliser de telles armes contre des manifestants.

Le substitut du procureur Yann Richard a établi un "lien de causalité certaine et directe entre le tir du prévenu et les blessures causées à Pierre Douillard", mais a jugé que la responsabilité pénale du policier ne pouvait être engagée en l'espèce.

Selon lui, le policier n'a fait qu'exécuter les ordres de tir de sa hiérarchie, ordres dont le caractère "manifestement illégal" n'était pas constitué, ce qui exonère le fonctionnaire de sa responsabilité pénale.

Les faits s'étaient produits le 27 novembre 2007, devant le rectorat de Nantes, lors d'une manifestation de lycéens opposés à la loi Pécresse sur l'autonomie des universités.

La victime a perdu l'usage d'un oeil après avoir été touchée à un moment où les forces de l'ordre étaient séparées des manifestants par les grilles du rectorat. Le substitut a reconnu que "la défense n'a pas rapporté la preuve de la légitime défense"

Avocat du policier, Me Laurent-Franck Lienard a lui aussi plaidé la relaxe, soulignant que son client, qui encourt sept ans de prison, avait agi dans le cadre légal.

"Vous ne pouvez pas dire à un policier de 25 ans qui respecte la loi: tu vas aller sept ans en prison", a-t-il déclaré, avant de s'interroger sur l'absence à la barre de la hiérarchie du prévenu, non mise en cause. "Où sont-ils aujourd'hui ? Ils ne sont pas là !", a déploré l'avocat.

Le policier, membre de la compagnie départementale d'intervention au moment des faits, a reconnu avoir fait usage à une reprise de son arme à balles souples LDB40, dont la portée et la précision sont supérieures à celles du Flash-Ball, lors de la manifestation. Il nie toutefois avoir tiré sur la victime, disant avoir visé et touché, également à la tête, un jeune plus âgé.

Pierre Douillard et ses amis ont quitté le prétoire au cours de la plaidoirie de Me Lienard, pour protester contre la remise en cause par celui-ci du témoignage de la victime.

"La défense n'a reculé devant rien, pas même devant le mensonge", a commenté M. Douillard, lors d'un rassemblement de soutien qui a réuni entre 250 et 300 personnes devant le palais de justice à l'appel notamment de syndicats et de la Ligue des droits de l'Homme (LDH).

A l'audience, son avocate, Me Catherine Glon, a dénoncé "le recours à des armes puissantes et dangereuses face à des enfants, quelles que soient les circonstances et en particulier dans une manifestation sans violence".

Dans son réquisitoire, le substitut a relevé la "gravité des faits" et celle de la blessure occasionnée par l'arme à balles souples.

"Je renvoie à l'avis de la Commission nationale de déontologie et de sécurité qui s'interroge sur l'opportunité, dans le cadre du maintien de l'ordre, d'utiliser ce type d'arme dans des manifestations. Je ne saurais mieux dire. Mais c'est ici une affaire pénale et non administrative", a-t-il déclaré.

La LDH, partie civile, a elle aussi dénoncé par la voix de son avocat Me Pierre-Henri Marteret "les conditions d'utilisation de ces armes puissantes, mutilatrices. Conçues pour être utilisées contre des tireurs à balles réelles, elles sont aujourd'hui employées contre de simples enfants".

L'emploi de ces armes est controversé depuis plusieurs années car elles ont occasionné plusieurs blessures graves.

Le délibéré sera rendu le 3 avril.