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dimanche 11 mars 2012

Ouest-France 8 mars 2012

Société
Procès d'un policier : le flash-ball en accusation

Marylise COURAUD.
Ouest France

Ce gardien de la paix est-il coupable de violence aggravée ? À Nantes, en 2007, un lycéen avait perdul'usage d'un oeil. Lors de cette première journée d'audience, victime et prévenu s'opposent.

La salle d'audience est pleine de policiers et de militants des droits de l'homme. Il y a ceux qui soutiennent la victime. Pierre Douillard, un étudiant de 21 ans en master d'histoire, militant depuis son plus jeune âge. Il a perdu l'usage de son oeil droit et reconnaît le policier comme étant le tireur.

En face, les collègues du prévenu. Ce gardien de la paix de 29 ans, affecté à l'époque au maintien de l'ordre, reconnaît avoir tiré avec son arme, un lanceur de balles en caoutchouc de type LBD40. Mais sur un autre manifestant. Il est jugé pour violence aggravée par le tribunal correctionnel.

Difficile de trancher

Hier, chacun a dû forcer sa mémoire pour décortiquer le fil des événements. Cet hiver 2007, la protestation des étudiants contre la loi sur l'autonomie des universités remplit les rues. Le soir du 27 novembre, « de trois cents à un millier de manifestants, selon les versions, entrent dans le parc du rectorat », rappelle le président. Les forces de l'ordre, prises de court, demandent des renforts. Les jeunes sont évacués. Au cours de la dispersion, le jeune homme, lycéen à l'époque, est blessé ainsi que deux autres.

« Mon officier m'a désigné un individu qui jetait des pierres et m'a dit : 'S'il continue, faut le neutraliser...' Il y a eu un deuxième jet. Après, la personne s'est retournée et j'ai tiré. » Le tribunal, en interrogeant des témoins, a tenté de mesurer quel était le climat devant le rectorat. L'ordre auquel a répondu le policier était-il légal ? Les fonctionnaires ont-ils fait feu en état de légitime défense, comme la loi l'impose ? Difficile de trancher. Le procureur a demandé un non-lieu ; les juges d'instruction ont décidé de renvoyer le policier devant le tribunal.

Devant le rectorat, ce soir-là, des projectiles ont été lancés. Probablement des cailloux. En petit nombre, selon des manifestants qui décrivent un cortège pacifique. Un ou dix cailloux ? Peu importe, estime le policier. Un homme qui lance une pierre, c'est un danger. Il était, depuis peu, formé à l'usage de ce nouveau flash-ball. Il s'était entraîné sur une cible fixe et avait reçu un livret d'utilisation.

Pour les policiers, cette arme est efficace et adaptée. « Chaque jour, il y a trente-sept fonctionnaires blessés dans l'exercice de leur fonction », relève Me Lienard, l'avocat du prévenu. Dans le camp d'en face, on dénonce le danger du flash-ball. Deux autres jeunes éborgnés sont venus témoigner.

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Lycéen blessé au flash-ball : un policier jugé

Le gardien de la paix est-il coupable de violence ayant entraîné la perte de l'oeil d'un manifestant, en 2007, à Nantes ? Cette question n'intéresse pas que la victime mais aussi la Ligue des droits de l'homme.

C'était en novembre 2007

C'était un mois où pleuvaient les manifestations contre les lois Pécresse sur l'autonomie des universités. Une journée où un millier de lycéens et étudiants avaient investi le parc du rectorat. Manifestation pacifique selon les jeunes, belliqueuse selon les policiers. Au cours de la dispersion, Pierre, un lycéen de 17 ans est grièvement blessé par le tir d'un lanceur de balles de défense (un flash-ball puissant équipé d'un laser qui permet un tir précis jusqu'à trente mètres). Le jeune garçon, militant très actif, perd l'usage de son oeil droit.

Un feuilleton judiciaire

Le procureur saisit deux juges d'instruction. L'été 2008, une enquête est ouverte pour « blessures volontaires ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours avec la circonstance que les faits ont été commis avec une arme par une personne dépositaire de l'autorité publique ».
Au printemps 2009, une reconstitution est organisée. Un an plus tard, le procureur de la République requiert un non-lieu : le policier n'est pas responsable des blessures occasionnées au lycéen. Il considère que le gardien de la paix a agi sur l'ordre de son autorité hiérarchique, « ordre qui n'était manifestement ni illégal ni disproportionné... », indique alors le procureur, Xavier Ronsin.
Les juges ne suivent pas cet argumentaire et renvoient le policier devant le tribunal correctionnel. Le procès commence mardi et doit durer deux jours.

Terrain du droit

Le gardien de la paix est-il l'auteur du tir ? A-t-il tiré en respectant les consignes de sécurité ? Compliqué de répondre à cette dernière question, l'usage de l'arme alors expérimentale n'était pas réglementé. Ce qui semble avéré, c'est qu'il a agi sur ordre. Hors, la hiérarchie n'est pas poursuivie.
L'avocat parisien Me Lienard plaidera la relaxe du gardien de la paix. « Je suis serein. Mon client sait qu'il n'a pas tiré sur le lycéen », insiste-t-il. Pierre déplore qu'il ait fallu « attendre quatre ans » pour avoir un procès. « J'espère que cela fera réfléchir la hiérarchie du policier qui a donné carte blanche pour tirer sur des manifestants. »

Terrain politique

La Ligue des droits de l'Homme s'est porté partie civile. Depuis quatre ans, l'affaire mobilise étudiants, syndicats, et associations de gauche. On y dénonce fortement l'utilisation du flash-ball qui depuis 2005 a fait plusieurs blessés. On accuse l'État de réprimer de plus en plus les mouvements sociaux en recourant à la violence. « Cette histoire remet en cause le droit de manifester », s'indigne l'intersyndicale.

« Il ne faut pas se tromper de débat. Cela n'a aucun sens de se servir de la perte d'un oeil d'un adolescent pour attaquer le gouvernement », fustige Me Liénard. « Nous voulons un débat serein et transparent », rétorque l'avocate du lycéen, Me Glon.
Sérénité ? Elle sera difficile à trouver. Entre des fonctionnaires qui se plaignent d'être déconsidérés et trop souvent poursuivis par la justice et des jeunes militants qui depuis plusieurs années dénoncent des violences policières lors de manifestations.

Marylise COURAUD.


Neuf organisations appellent à manifester devant le tribunal correctionnel de Nantes mercredi 7 mars à 14 h.