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dimanche 13 octobre 2013

11 octobre 2013 : A propos du délibéré // texte de Pierre

Rennes 11 octobre 2013 : parodie de Justice, dernier épisode
Non-récit du délibéré du procès en appel


Vendredi 11 octobre, 8 heures,
De grosses gouttes et pluie et un vent glacial nous accueillent dans la Métropole Rennaise. Déjà l'automne.

C'est le sixième automne depuis que j'ai été touché de plein fouet au milieu d'une foule de manifestants lycéens : un policier cagoulé avait ajusté le canon de sa nouvelle arme sur mon visage. C'était en 2007. J'avais 16 ans.

Le tireur, Matthieu Léglise est un récidiviste, il s'était porté volontaire pour tester le LBD alors en expérimentation. Un de ses terrains d'expérience : les cortèges de lycéens.

Matthieu Léglise avait continué à parader en uniforme, armé, dans les rues nantaises les mois et les années qui ont suivi. Faire comparaître ce policier au bout de plusieurs années est déjà le fruit d'un combat âpre, de longue haleine. Je me heurtais au mur kafkaïen de l'État français, autrement plus armé, solide et organisé que moi.

En mars 2012, le tribunal de Nantes, noir, lugubre, pris en étau par une multitude de fourgons bleus, avait prononcé la relaxe du policier tireur.
« Il n'avait fait qu'obéir aux ordres »
Nous avons fait appel contre cette carte blanche qu'un Juge nantais avait offerte à toutes les polices pour mutiler en toute impunité. Offrant une jurisprudence favorable pour tireurs au flashball.
Plus d'un an plus tard, en juin 2013, je plaidais sans intermédiaire, face aux magistrats de la Cour d'Appel de Rennes. Je rappelais que la police avait menti à d'innombrables reprises, détruit des éléments du dossier (Procès verbaux de tirs, films policiers au moment des tirs), mais que mon cas n'était pas isolé. Il faisait partie d'un tout, d'une offensive sécuritaire de militarisation des policiers, d'impunité garantie. Plusieurs dizaines de personnes ont été gravement blessées ou tuées depuis ma blessure en 2007.

Cette Cour sera-t-elle moins soumise à la terreur qu'exerce la police nantaise ?

Le délibéré est alors annoncé pour octobre 2013.
« On est dans un État de Droit »
C'est l'argument éructé par un uniforme pour justifier le barrage policier mis en place par ses collègues pour nous empêcher -moi, mes amis, la LDH partie civile- d'assister au délibéré de l'affaire. Je découvre une curiosité dont je n'avais encore jamais entendu parler : le délibéré à huis clos, où l'on empêche aux plaignants d'assister aux audiences qui les concernent. Le Juge rennais rend un délibéré clandestin. Et tout cela, au nom du Droit.
Les policiers prétendent qu'il n'y a pas de place, comme ils l'avaient déjà prétendu aux audiences qui avaient précédé : ils mentent. Ils font entrer devant nous plusieurs personnes, tout en nous bloquant. Les journalistes ont eu -pour certains- plus d'informations que je n'ai pu en avoir sur ma propre affaire.
« J'en ai rien à foutre »
Ajoute le même policier quand je le préviens que je ferai connaître cette nouvelle mascarade judiciaire, l'intimidation, le mépris que nous sommes en train de subir.

De toute évidence, des ordres ont été donnés : filtrer les gêneurs. Les autres peuvent rentrer, pas nous. Nous sommes bloqués devant le portique de sécurité du Tribunal par les forces de l'Ordre.

Je pouvais raisonnablement m'attendre à la lâche décision de confirmer la relaxe du tireur. Je n'avais par contre pas imaginé que les magistrats aient besoin d'un rideau de policiers pour éviter qu'un plaignant assiste à la décision qui le concerne.

Un policier lève son majeur en notre direction. Ses collègues sont hilares. Jusqu'au bout, sur le fond comme sur la forme : pathétiques.
« La Cour d'Appel a confirmé la relaxe totale de Mathieu Léglise »
C'est finalement une secrétaire qui me le confirme alors que j'ai du forcer le portique pour pouvoir obtenir l'amorce d'une information. Il est maintenant près de 10 heures, les délibérés ont été lus depuis longtemps. L'argumentaire du Juge ne me sera pas donné ce jour, je ne connaitrais pas sa teneur, j'ai raté le délibéré pour des « raisons de sécurité ».

Jusqu'au bout le cynisme, l'humiliation l'impunité policière règnent. Une énorme machine essaie de détruire une deuxième fois ceux qui tentent de survivre aux violences infligées par les forces de l'Ordre.

On retrouve les mêmes pratiques, les mêmes mensonges, les mêmes intimidations dans les différentes affaires de flashball -et de violences policières au sens large-. C'est le blessé qui se retrouve jugé, accusé. C'est la double peine. Il faut garder la tête haute. Sans illusion.

La police sarkozyste m'a mutilé. La Justice socialiste confirme aujourd'hui la relaxe du policier tireur. Entretemps, les ministres de l'intérieur successifs ont offert des centaines de ces « armes à feu à usage militaire » -selon la terminologie officielle qui catégorise ces objets- que sont les LBD.

Les mutilés se sont multipliés.

Une partie du combat continue au Tribunal Administratif pour faire condamner la chaîne de commandement du policier, l'État qui a armé le tireur. Ce dernier ne sera pas inquiété. C'est une page qui se tourne.

Une pensée pour tou-te-s les blessé-e-s par les armes de la police. Le dernier -à ma connaissance- : Salim, 14 ans, à Trappes cet été.
Ni oubli, ni pardon,

Pierre