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samedi 19 juillet 2014

[point de vue] Flash ball : l'immunité de la violence institutionnelle

Flash ball : l'immunité de la violence institutionnelle

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On peut préférer la bouteille à moitié pleine à celle moitié vide. Il y a manifestement un progrès. Mais ne soyons pas dupes. Le dernier article de Louise Fessard ne modifie rien dans la doctrine du paradigme sécuritaire (Flashball à Montreuil : trois policiers renvoyés en correctionnelle, une première). La menace de mutilations graves persiste, sans oublier que le Flashball tue : " A Marseille, un homme, Mostefa Ziani, est mort d’un arrêt cardiaque après avoir été touché en plein thorax. Le flashball peut donc tuer à bout portant et il produit des dommages qui ne sont en rien des accidents. " (source).
La lecture de l'article de Louise Fessard amène à s'interroger sur le sens d'une justice qui cognerait sur les exécutants en épargnant les véritables responsables.
La question se pose d'autant, en l'espèce, que la faute de la hiérarchie est établie quand on lit sous la plume de Louise Fessard que " Aucun des policiers tireurs n’avait bénéficié du stage de recyclage règlementaire, alors que leur habilitation au Flashball remontait à plusieurs années (près de sept ans pour l’un). Et les fonctionnaires n’avaient reçu aucune consigne de leur hiérarchie sur l’utilisation de cette arme lors de l’intervention. " alors que la hiérarchie a une obligation de résultat en matière de formation selon la déontologie (voir art. R. 434-3 : I.).
L'instruction n'a donc pas tiré toutes les conclusions qui s'imposaient.
La justice n'est pas rendue au kilo.
On ne peut pas se satisfaire d'une condamnation de seconds-couteaux. Ce serait ajouter de l'injustice à l'injustice.
Les policiers renvoyés devant le tribunal doivent invoquer en défense cette erreur en sollicitant un supplément d'information sur la responsabilité de la hiérarchie lors du procès. Les victimes devraient également le faire
L'article permet de découvrir l'existence de négociations entre la police et les victimes pour accepter une correctionnalisation, c'est-à-dire transformer une infraction qualifiée crime, relevant de la Cour d'assises, en délit : " En accord avec les victimes, (...), ces « faits criminels » ont en effet été « artificiellement » requalifiés en faits délictuels. ".
Depuis quand la police est de nature à modifier l'interprétation du droit pénal ?
La correctionnalisation de l'infraction est une cause de nullité, c'est un moyen de cassation.
En effet, le tribunal correctionnel n'est pas compétent pour juger des faits qualifiés crimes par le code pénal (ex. : Flashball : un gendarme renvoyé devant les assises, voir aussi cet article) et le droit pénal est d'interprétation stricte (article111 -5 du code pénal). La police est donc en mesure de faire casser les poursuites devant la Cour de cassation et priver ainsi les victimes, en dernier recours, de voir leur préjudice indemnisé...
La correctionnalisation apparaît donc comme un risque pour les victimes d'épargner la police. Ce n'est pas non plus demain que la menace des mutilations qui entrave l'exercice effectif de la liberté publique de manifester cessera si les responsables de la police, voire le préfet, continuent de donner des ordres tout en s'abritant de leurs conséquences néfastes en se défaussant sur leur petit personnel.
Une telle solution viole l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'Homme et l'avis du commissaire européen aux droits de l'Homme sur le règlement independant et efficace des plaintes contre la police (voir aussi la convention européenne des droits de l'homme et la police , le Code européen d'éthique de la police et Procédure criminelle et droits de l'homme ).
Cela fait grief au droit à un procès équitable et aux obligations positives de l'Etat à garantir l'effectivité des droits de l'Homme.
Un syndicat au ministère de l'intérieur est pour le désarmement de la police, notamment du flashball. Les gardiens de la paix - que leur hiérarchie sacrifie pour sauver la carrière de deux cadres A de l'administration  - devraient peut-être s'intéresser à ce que ce syndicat dit, pour étoffer leur défense.
La lecture de l'article de Louise Fessard inspire le sentiment de lire la chronique d'une époque révolue, celle d'une justice de classe sur mesure pour une police de castes.
Où sont donc passés le droit des victimes tant revendiqué par les promoteurs du paradigme sécuritaire et les principes fondamentaux de l'article préliminaire du code de procédure pénale ?
Il y a d'autant plus de raison à s'interroger sur cette procédure quand le code de procédure pénale (ses art. 12 et 13) placent les deux OPJ cadre A sous la surveillance et le contrôle du ministère public. L'absence de poursuite de la hiérarchie policière n'est-elle pas un moyen pour le parquet de s'exonérer lui-même de sont défaut de surveillance sur la police ?
Enfin, une fois de plus, l'absence de la Ligue des droits de l'Homme l'affirme de jour en jour dans sa posture de commission éthique du ministère de l'intérieur.  Son silence persistant sur les abus de violence institutionnelle s'analyse comme une caution morale. La Ligue des droits de l'Homme pourrait au minimum se constituer partie civile dans ces affaires, en considération de la littérature que met la Cour européenne des droits de l'Homme précitée.