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mercredi 22 octobre 2014

Marseille. Un policier tireur bientôt renvoyé aux assises ?

Après un tir mortel, le Flash-Ball aux assises ?

Le Monde.fr | 15.10.2014
Xavier Crubezy, gardien de la paix, pourrait être jugé par une cour d’assises. Ce policier marseillais est l’auteur du seul tir mortel de Flash-Ball recensé à ce jour en France. Mardi 14 octobre, lors de son procès devant le tribunal correctionnel de Marseille, le procureur, Benoît Vandermaesen, a estimé que le policier s’était rendu coupable non d’un pas d’homicide involontaire, infraction pour laquelle il est poursuivi depuis sa mise en examen il y a trois ans, mais d’un tir volontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

« C’est la définition des coups mortels qui relève de la cour d’assises », a estimé M. Vandermaesen. « Il n’est pas question de faire le procès de l’institution policière, a-t-il ajouté, mais il n’est pas possible pour l’accusation de soutenir qu’il s’agit d’un homicide involontaire par manquement à une obligation de sécurité. » Le tribunal se prononcera le 25 novembre. L’avocate du policier, Me Sandrine Pauzano, a déclaré : « Cette demande de requalification est d’une brutalité absolue. Cela fait quatre ans que nous attendons ce procès. »

Le 12 décembre 2010, l’équipage de police secours commandé par Xavier Crubezy, alors âgé de 33 ans, est appelé pour une agression au couteau entre deux résidents d’un foyer Adoma (ex-Sonacotra). A leur arrivée, l’agresseur, Mustapha Ziani, se trouve seul dans sa chambre, très excité, visiblement en proie à des troubles psychiques.

Situé dans l’embrasure de la porte, Xavier Crubezy avait reçu une tasse sur le front. Il avait alors fait usage de son Flash-Ball en visant le thorax de M. Ziani. C’est lors de son menottage, dans le couloir, que ce dernier a fait un arrêt cardiaque qui a conduit à son décès le lendemain. Un supplément d’information avait été ordonné à l’issue d’un premier procès en octobre 2013. Les experts concluent que le décès est « la conséquence directe et exclusive » de ce tir.

Problème : moins de 5 mètres séparaient l’arme de la victime. Xavier Cruzeby n’a donc pas respecté la distance minimale de tir de 7 mètres indispensable « pour conserver le caractère non létal de cette arme », selon une note de la gendarmerie nationale, et pour « éviter tout risque de lésion corporelle grave pouvant être irréversible ». Le policier avait pourtant été formé en 2007 à l’usage de cette arme et avait suivi, en juillet 2009, un stage de « recyclage », six mois après que la distance minimale de tir avait été portée de 5 à 7 mètres.
« C’ÉTAIT LA CHOSE À FAIRE »
Le policier et son avocate considèrent qu’il n’avait « pas d’autre alternative » et a tiré en état de légitime défense. Selon lui, « c’était la chose à faire. Ce qu’on a fait, on l’a bien fait ». M. Ziani « était dans sa chambre, donc il n’était pas dangereux pour autrui », lui a opposé le président du tribunal, Fabrice Castoldi, selon lequel « gérer une situation de crise, ce n’est pas automatiquement interpeller ».

Le procès d’assises, s’il a lieu, pourrait être l’occasion d’une nouvelle remise en cause du Flash-Ball, après plusieurs affaires de blessures graves liées à des usages contestés de l’arme. En mai 2013, le Défenseur des droits avait dénoncé les « recours irréguliers ou disproportionnés » aux lanceurs de balles de défense, dont l’usage augmente.

Me Sandrine Pauzano, qui a demandé au tribunal de conserver la qualification d’homicide involontaire et de relaxer ce policier désormais îlotier, a rappelé qu’« en 2010, on répète aux fonctionnaires que c’est une arme non létale avec un pouvoir lésionnel réduit et que les balles permettent d’optimiser le pouvoir de neutralisation ».

Mais pour Me Chehid Selmi, avocat de la famille Ziani, « ce procès démontre que le Flash-Ball, une arme qui a déjà fait d’énormes ravages, est bien létale quand elle n’est pas utilisée à bon escient ».