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jeudi 2 octobre 2014

Non-lieu requis pour le policier qui a ôté un œil à Ayoub [1 oct 2004]

01/10/2014 EST-REPUBLICAIN

Non-lieu requis pour le policier qui a ôté un œil à Ayoub

Après un tir policier qui a mutilé un adolescent à Audincourt, en février 2011, le parquet estime qu’aucune faute pénale ne peut être reprochée à l’auteur.




Pour Ayoub, mutilé après un tir de lanceur de balles de défense à Audincourt en février 2011, le couperet est tombé vendredi. Il a appris de la bouche de son avocate, Me  Rey-Demaneuf, que le parquet montbéliardais avait requis le non-lieu à l’issue de l’information judiciaire ouverte début 2012 et la mise en examen de l’auteur du tir. « L’information judiciaire ne permet pas d’établir une faute pénale à la charge du policier », indique le procureur de la République, Thérèse Brunisso (qui ne souhaite pas s’exprimer davantage sur son réquisitoire).

Pour la victime qui a perdu son œil gauche, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. « Ayoub est complètement abattu, Avec mon épouse et ses sœurs, nous le surveillons constamment. Nous avons peur qu’il fasse une bêtise », confie son père, Othman. « Nous ne comprenons pas ces réquisitions. Nous avons toujours l’espoir que le juge d’instruction se prononce pour un renvoi devant le tribunal correctionnel », indique Odile Banet, membre du comité de soutien d’Ayoub. Nathalie Rey-Demaneuf n’est pas surprise : « Un parquet est gardien de la sécurité, il y a un ordre à maintenir quel qu’en soit le prix. Poursuivre le policier, ce serait un désaveu pour ce maintien de l’ordre », observe encore l’avocate montbéliardaise qui compte envoyer un mémoire au juge Edgard Pallières, en charge du dossier.

Trois juges successifs

Le seul, finalement, à se sentit puni, c’est Ayoub qui souffre le martyre depuis la perte de son œil, physiquement et moralement. « Pour avoir été là au mauvais endroit, au mauvais moment », rappelle Odile Banet.

Le 7 février 2011, le Montbéliardais, alors âgé de 17 ans, attendait tranquillement son bus quand une rixe a éclaté place du Temple à Audincourt. Dans ce contexte tendu et pour ramener le calme, un policier a sorti son arme. Sans doute paniqué, il a tiré, visant un individu, mais la balle a éclaté dans l’œil de l’adolescent debout devant l’arrêt de bus. Si l’IGPN a reconnu Ayoub en sa qualité de victime et a admis qu’il ne faisait pas partie des émeutiers, elle a aussi conclu à un tir réglementaire : « Il était légitime au regard des circonstances », précise la police des polices.

Le 30 janvier 2012, le parquet ouvrait une information judiciaire qui allait se traduire par la mise en examen du policier. Trois juges successifs ont instruit ce dossier délicat ordonnant des expertises médicales, psychologiques, balistiques… étudiant la vidéosurveillance lors de la rixe. En décembre, une reconstitution d’envergure avait même été organisée à Audincourt : « Ayoub avait de l’espoir après celle-ci. Il avait retrouvé une certaine confiance. Aujourd’hui, on a l’impression de s’être fait balader », souffle son père.

Seul point positif, Nathalie Rey-Demaneuf observe une évolution de la législation en la matière devant les tribunaux administratifs. Le meilleur exemple est celui de Clément, victime d’une fracture de la mâchoire après un tir de balle en mousse : « L’État a été condamné à lui verser des indemnisations. C’est insuffisant mais on reconnaît qu’il y a eu un problème », précise l’avocate d’Ayoub. Sur le plan pénal, certains cas feront peut-être jurisprudence. En Seine-Saint-Denis, trois policiers ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel après un tir de balle en mousse où un manifestant, Joachim, 34 ans, avait perdu un œil (en 2009) : « En plus, lui, il faisait partie de la manifestation, contrairement à Ayoub. Ceci montre qu’il existe des parquets novateurs », conclut Nathalie Rey-Demaneuf.

L’auteur du tir policier ne s’est jamais exprimé, ni sa hiérarchie, ni son avocat. Les syndicats de la profession ont rappelé, tout au long de la procédure, que l’auteur du tir devait bénéficier de la présomption d’innocence, comme tout citoyen.

Aude LAMBERT