libellés

dimanche 7 décembre 2008

Rapport du CNDS (Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité)

(Courrier affranchi le 13 novembre, parvenu le samedi 15 novembre 2008).
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Monsieur Pierre DOUILLARD-LEFEVRE
34 avenue Sylvain Royé
44100 NANTES

ASSEMBLÉE NATIONALE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
LIBERTÉ - ÉGALITÉ - FRATERNITÉ

Marie-Odile BOUILLÉ

Députée de Loire-Atlantique Membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Saint-Nazaire, le 30 octobre 2008

Monsieur,

Veuillez trouver ci-joint la copie de l'avis et des recommandations que la CNDS a adoptés le 20 octobre 2008 et que m'a adressés Mme Nathalie DUHAMEL, Secrétaire générale de la Commission.

Vous en souhaitant bonne réception, je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.

Marie-Odile BOUILLE
30, rue du Bois Savary BP 50132 44603 Saint-Nazaire Cedex tél. 02 5110 10 51
- fax. 02 5110 1050- courrier : mobouille@assemblee-nationale.fr


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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Commission nationale de déontologie de la sécurité

Saisine n°2008-1
AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité

à la suite de sa saisine, le 8 janvier 2008,

par M. François Autain, sénateur de Loire-Atlantique

les 22 février et 12 mars 2008,

par Mme Marie-Odile Bouille, députée de Loire-Atlantique

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, les 8 janvier, 22 février et 12 mars 2008, des conditions dans lesquelles le jeune P.D-L, âgé de 16 ans, a été sérieusement blessé à l'¦il par un tir de flashball, lors d'une manifestation d'étudiants et lycéens devant le rectorat de Nantes, le 27 novembre 2007, puis des circonstances de l'interpellation et de la garde à vue de M. R.L.G-B.

Elle a pris connaissance des pièces de l'enquête judiciaire confiée à l'IGPN, sur les premiers faits, ainsi que de la procédure de rébellion dont a été l'objet M. R.L.G-B. Elle s'est fait communiquer l'instruction d'emploi intitulée « support de formation accompagnant la phase d'évaluation du lanceur déballes de défense 40x46 ».

La Commission a entendu M. P.D-L., en présence de ses parents, M. R.L.G-B., M. Y.M., directeur départemental de la sécurité publique de Loire-Atlantique, et M. M.L., gardien de la paix à la compagnie départementale d'intervention de Loire-Atlantique.

> LES FAITS

Le 27 novembre 2007, une manifestation était organisée, dans le centre de Nantes, par les étudiants et lycéens en grève qui s'opposaient à la loi sur l'autonomie des universités : plus d'un millier de manifestants étant attendus. Le directeur départemental de la sécurité publique. M. Y.M., mettait en place un service d'ordre composé d'un escadron de gendarmerie mobile, d'une quarantaine de policiers du service général, dont quinze de la BAC. et de vingt policiers de la compagnie départementale d'intervention (CDI),

De 15 à 16h00, les manifestants défilaient dans te calme dans les rues de Nantes. Puis à 16h40, parvenus devant le rectorat, les jeunes placés en tête de cortège parvenaient à franchir, après l'avoir descellé sur une longueur de trois mètres, le grillage de clôture entourant le bâtiment et à pénétrer dans le parc. Seuls les fonctionnaires de la BAC étant sur place. M. Y.M. faisait appel aux effectifs de la CDI et de la gendarmerie mobile, qui arrivaient peu après. Ayant invité à deux reprises les manifestants à quitter les lieux, mais en vain, M. Y.M. donnait l'ordre aux forces de l'ordre de les repousser à l'extérieur du parc.

Juste après ce dégagement, intervenu entre 17h02 et 17h10 selon les communications radio échangées, des projectiles étaient lancés par les manifestants tes plus virulents sur les

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forces de l'ordre. Celles-ci répliquaient, selon M. Y.M., par deux tirs de flashball et de lanceur de balles de défense 40 mm.

Au cours de cette opération de maintien de l'ordre, trois manifestants étaient blessés, parmi lesquels se trouvait le jeune P.D-L-, âgé de 16 ans, atteint semblait-il à l'arcade sourcilière. Il était fait appel aux sapeurs-pompiers à 17h11. Cinq personnes étaient interpellées pour rébellion, dont M. R.L.G-B. En outre, une dizaine de policiers avaient été atteints par des jets de projectiles divers.

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Entendu par l'IGPN puis par ta Commission, en présence de ses parents, M. P.D-L. a relaté qu'il avait pénétré, après d'autres manifestants, dans le parc du rectorat en franchissant les grilles, avait été invité à quitter les lieux par un fonctionnaire porteur d'un brassard, puis avait été repoussé à l'extérieur par les forces de l'ordre, qui donnaient des coups de matraque sur les manifestants se trouvant à leur contact direct. C'est alors qu'il avait été touché à l'¦il droit par un tir effectué, à dix ou quinze mètres de distance par un CRS, cagoule, casqué, muni d'une arme jaune et noire, à un seul canon, arme qu'il pouvait distinguer nettement d'un flashball classique. Lui-même était alors revêtu d'un sweat bleu-gris à capuche, d'un manteau noir, et d'une écharpe noire nouée autour du cou ou relevée sur la bouche.

Transporté au service ophtalmologie du CHU de Nantes, il y était hospitalisé jusqu'au 1er décembre 2007. Le rapport médico-légal rédigé le 21 février 2008 à la demande du parquet constatait « des troubles du cristallin... avec un plissement supero-temporal de la capsule antérieure, une cataracte, une subluxation cristalienne infero-nasale, des atteintes de l'iris avec un iris en semi-mydriase, une rupture des fibres de la zonule avec déficit indien à 11 heures, un recul de l'angle irido-cornéen à 360°, responsable d'un glaucome, des atteintes de la chambre antérieure de l'oeil droit... ». Ce document concluait à l'existence d'un déficit non améliorable de l'acuité visuelle, mesurée à 1/20° en lien avec l'atteinte rétinienne et notamment de la macula, l'ITT étant fixée à 6 mois.

Devant l'extrême gravité de ces blessures, dont les séquelles prévisibles sont particulièrement invalidantes puisque M. P.D-L ne récupérera jamais sa vision de l'oeil droit, la Commission déplore l'imprudente précipitation, dénotant en outre un manque de suivi patent du dossier du directeur central de la sécurité publique qui, dans une lettre du 29 février 2008, a écrit de manière péremptoire qu'« en aucun cas [M. P.D-L.] n'a perdu l'usage de son ¦il, étant seulement touché à l'arcade sourcilière », alors que trois mois après les faits, la nature de la blessure de M. P.L-D., était notoirement connue, puisque deux certificats médicaux en date des 28 novembre 2007 et 21 février 2008 faisaient déjà état d'une atteinte traumatique de i'¦il droit, de son segment antérieur et surtout de sa pupille.

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Les auditions effectuées par l'IGPN n'ont pas permis de retrouver des témoins directs de la scène. Seul fonctionnaire en uniforme, casqué mais visière relevée et porteur d'une cagoule sur la tête pour éviter - a-t-il expliqué - d'être reconnu, armé du lanceur de balles de défense 40x46 (LBD), de couleur jaune et noire, lors de l'intervention de la CDI, M. M.L. a été auditionné par l'IGPN, confronté à la jeune victime, puis réentendu par la Commission.

Il a expliqué que l'officier sous les ordres duquel il avait été placé lui avait désigné une personne portant une capuche grise, un foulard noir, lançant des pierres en direction des gendarmes et de la CDI, en lui disant « s'il continue, il faut le neutraliser ». Le fait que cette personne soit revêtue d'un manteau ne l'avait pas frappé. Le policier l'avait mis en joue, sans tirer immédiatement. Il l'avait distinctement vu ramasser un objet sur un tas de sable, se redresser et relever son bras en l'armant. C'est à cet instant qu'il avait appuyé sur la

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gâchette, sa cible faisant au même moment un mouvement vers l'avant, sans doute consécutif au lancer de l'objet qu'il tenait. II l'avait vu recevoir le projectile sur la capuche, au milieu du crâne, puis tomber à plat ventre sur le sol. La victime avait été emmenée hors de son champ de vision par d'autres manifestants et il ne l'avait plus revue jusqu'à ce qu'il la reconnaisse sur une photo publiée à la une du journal Ouest-France.

Il a ajouté que, mis en présence de M. P.D-L. par l'IGPN, il n'avait pas reconnu la personne qu'il avait visée et touchée, celle qui était dans son viseur mesurant plus d'1m75, «de corpulence athlétique, ayant des traits d'homme », alors qu'il s'était trouvé « en face d'un gamin plutôt fluet et d'1 m70 environ ».

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Agé de 20 ans, M. R.LG-B. se plaint quant à lui des conditions de son interpellation et de sa garde à vue. Il aurait reçu un coup de matraque sur la tête alors qu'il tentait de s'opposer à l'interpellation d'un autre manifestant, mais ne dispose d'aucun certificat médical descriptif de ses blessures.

Appréhendé par un policier de la BAC alors qu'il supposait, au premier rang des manifestants, à la manoeuvre de dégagement du parc du rectorat qui avait été précédée de deux invitations à quitter les lieux, ce qu'il reconnaît, il était trouvé porteur d'un couteau multi-lames (dont une lame à cran d'arrêt) et placé en garde à vue à compter du 27 novembre 2007, 17h10, moment de son interpellation.

Cette mesure lui a été notifiée à 17h50, avec l'ensemble de ses droits. Elle a été prolongée par décision du parquet et a pris fin le 29 novembre à 12h25. Au cours de ces trente-trois heures de garde à vue, M. R.L.G-B. a pu exercer ses droits. Il a été interrogé à trois reprises, le 27 novembre de 18h00 à 18h25, le 28 novembre de 7h05 à 7h50 puis de 21h55 à 22h15. Il se plaint de la durée excessive de sa garde à vue mais aussi des conditions de son enfermement, dans une cellule maculée de sang séché et d'excréments. ne disposant pas de possibilités de couchage décent pour les quatre personnes qui s'y trouvaient réunies.

A noter que la procédure de rébellion dont il a été l'objet a été classée sans suite par le parquet pour infraction insuffisamment caractérisée, après l'échec d'une tentative de composition pénale qu'il a refusée.

>AVIS

Sur les circonstances dans lesquelles M. P.D-L. a été blessé :

Les investigations réalisées n'ont pas permis à la Commission de déterminer si M. M.L. était l'auteur du tir ayant atteint M. P.D-L. selon le témoignage de ce dernier. Certes, la description du fonctionnaire donnée par la victime correspond à l'arme et à la tenue vestimentaire spécifiques de M. M.L. Mais ce dernier n'a pas reconnu en M. P.D-L. la personne sur laquelle il avait tiré, lors de sa confrontation avec lui. De plus, M. P.D-L. ne se reconnaît pas non plus sur la photo parue dans la presse locale, montrant de dos M. M.L. et de face la personne qu'il a visée et touchée à la tête. Dans ces conditions, il appartiendra à l'autorité judiciaire de déterminer le nombre de balles tirées par les fonctionnaires, d'établir l'origine des blessures de M. P.D-L., d'identifier le tireur et d'apprécier les conditions du tir, notamment l'existence d'une situation de légitime défense, dans le cadre de l'information ouverte le 10 juillet 2008 contre X du chef de coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours, la Commission ne disposant pas des moyens d'investigation indispensables pour mener à bien une telle tâche d'identification. Si à l'issue de l'information judiciaire, l'absence de nécessité de la riposte du fonctionnaire auteur

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du tir devait être établie, des poursuites disciplinaires contre lui et contre son officier donneur d'ordres devraient bien entendu être envisagées.

En l'état, la Commission a essentiellement axé ses recherches et son analyse sur le dispositif de maintien de l'ordre et sur la formation au lanceur de balles de défense, à partir des observations recueillies auprès de M. M.L et des témoins entendus au cours de l'enquête judiciaire.

Sur le premier point, elle regrette notamment que :

- la qualité du chef du dispositif n'ait pas été immédiatement reconnaissable ;

- les injonctions d'avoir à quitter les lieux n'aient pas été entendues par les personnes situées au-delà des trois ou quatre premiers rangs des manifestants, faute d'usage du mégaphone ;

- le fonctionnaire doté du LBD ait porté une cagoule avec l'accord tacite de sa hiérarchie, alors que ce type d'équipement, non réglementaire, prête à confusion et à suspicion ;

- le fonctionnaire chargé de filmer le déroulement des opérations pour figer la chronologie et les actions des manifestants ou des forces de l'ordre les plus notables ait abandonné un moment sa mission pour aider ses collègues à repousser les manifestants. Il ne pouvait ainsi filmer la scène soumise à l'analyse de la Commission, alors qu'une prise continue de vues aurait peut-être permis de déterminer avec une plus grande précision si les conditions de la légitime défense étaient réunies au moment du tir, comment ce tir a été effectué et sur qui.

Sur le second point, elle a longuement interrogé M. M,L. sur sa formation à l'usage expérimental du LBD et analysé les documents remis au fonctionnaire lors de cette formation. Ces investigations lui permettent de souligner que :

- les conditions d'utilisation d'une telle arme sont très différentes de celles du flashball. Si ce dernier permet de riposter instantanément à une agression, le LBD est une arme de neutralisation, susceptible d'atteindre, avec une excellente précision et une meilleure conservation de l'énergie cinétique, des cibles éloignées de 25 à 30 mètres, alors que le flashball a une portée optimale de 7 mètres ;

- il suppose donc un tir plus réfléchi, précédé d'un temps d'observation et d'ajustement dans le viseur de Fauteur de violences sur autrui, temps qui, non seulement doit permettre d'orienter préférentiellement le tir sur les parties inférieures du corps de la personne visée, mais aussi vérifier l'actualité de la menace et la nécessité d'une riposte décalée dans le temps ;

- de plus, l'arme doit s'utiliser horizontalement, le tireur étant un genou à terre lorsqu'il vise les membres inférieurs, debout et à l'épaulé quand il cible le torse, avec une distance optimale de 25 mètres : elle est donc d'un emploi difficile sur une cible située à moins de 15 mètres ou placée en position oblique, au dessus ou au dessous du tireur ;

- enfin, si les projectiles lancés par le LBD ont été choisis pour leur capacité de déformation à l'impact limitant le risque de pénétration dans un corps vivant, ils peuvent avoir des conséquences dramatiques lorsque la partie corporelle atteinte est, comme en l'espèce, le visage et plus précisément les yeux. En outre, un tir à faible distance (à moins de 10- 15 mètres) accroît considérablement les risques.

Le LBD exige donc une expérience avérée dans le maniement de ce type d'armes, une formation à la fois légale et pratique de très grande qualité, tenant compte des conditions réelles d'emploi, ainsi qu'un approfondissement de ces connaissances dans le cadre de la formation continue. Or, la Commission observe que le stage de formation théorique et pratique suivi par le policier en juin 2007 n'a duré qu'une demi-journée. S'il a comporté un rappel des conditions de la légitime défense, il ne lui a permis que de tirer six à huit cartouches et cela sur des cibles exclusivement statiques, alors que son emploi dans une opération de maintien de l'ordre induit nécessairement une anticipation des mouvements de là personne visée. Ce stage n'a été suivi d'aucun entraînement régulier. M. M.L n'a tiré

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qu'une fois avec te LBD, entre sa formation et la manifestation du 27 novembre, dans le cadre d'une autre opération de maintien de l'ordre.

Ces constatations conduisent la Commission à s'interroger sur ta compatibilité de l'usage d'une, telle arme dans le cadre d'une manifestation qui implique une proximité des manifestants et de la police et leur grande mobilité.

Sur les conditions d'interpellation et de garde à vue de M. R.L.G-B. :

L'intéressé n'ayant pas demandé d'examen médical durant sa garde à vue et n'ayant pu produire un certificat médical descriptif de ses blessures, la Commission n'est pas en mesure de déterminer si les violences dont il se plaint sont réelles et, dans l'affirmative, si elles remplissaient les conditions de nécessité et de proportionnalité que suppose l'emploi de la force légale.

Son interpellation était justifiée, compte tenu de sa présence dans un lieu privé et de sa résistance à un ordre légitime. Sa garde à vue, sa prolongation de garde à vue lui ont été normalement notifiées, de même que ses droits, et il a pu les exercer lorsqu'il l'a souhaité.

En revanche, la durée de sa garde à vue (trente-trois heures), particulièrement excessive au regard du temps consacré à ses auditions (1h30 en tout) et de l'absence de toute confrontation, de même que les conditions de son enfermement ne répondent pas aux prescriptions de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, aux termes duquel les mesures de contrainte dont une personne suspectée peut faire l'objet « doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne. »

> RECOMMANDATIONS

Concernant le dispositif de maintien de l'ordre :

La Commission recommande que tous les personnels soient munis de signes de reconnaissance clairs et visibles lorsqu'ils servent en civil dans un tel contexte, y compris le commissaire central, chef du dispositif.

La Commission rappelle que les sommations, ou, comme ce fut le cas à Nantes, les injonctions adressées aux manifestants d'avoir à quitter les lieux, doivent pouvoir être entendues distinctement par un maximum d'entre eux et que l'usage d'un mégaphone, prévu par les textes, s'impose à ces fins. En l'absence de ce matériel, les manifestants placés au-delà du troisième ou du quatrième rang ne peuvent percevoir distinctement les injonctions et, de ce fait, des mouvements de foule peuvent se produire, mettant en danger les participants, les premiers rangs étant susceptibles de refluer inopinément et de percuter ceux situés derrière eux.

La Commission recommande la plus grande précaution quant à l'évacuation de jeunes manifestants des lieux, publics ou privés ; le recours à la force doit toujours être proportionné et remploi de moyens d'appui (et notamment celui du lanceur de balles de défense) s'effectuer avec discernement.

Elle déplore le port de la cagoule, même autorisé par simple accord verbal et constant de la hiérarchie, par l'un des policiers, en uniforme et casqué, doté du lanceur de balles de défense, au prétexte de ne pas vouloir être reconnu. Outre le fait que cet équipement n'est pas expressément prévu par les textes dans ce type de circonstances, son usage produit l'effet contraire à celui recherché, l'attention étant alors davantage attirée sur son porteur qui, en outre, donne l'impression d'avoir « quelque chose à cacher », portant ainsi la suspicion

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sur son action et, plus globalement, sur celle de l'ensemble des forces de sécurité intervenantes.

Tout en ayant pleinement conscience de l'impossibilité de filmer intégralement faction des forces de l'ordre dans des opérations de ce type, la Commission recommande que les phases d'engagement au contact des manifestants et, dans la mesure du possible, l'usage des armes de dotation les plus dangereuses soient filmés par un ou plusieurs fonctionnaires exclusivement missionnés à cet effet. La conservation de ce film, qui pourrait servir d'outil pédagogique de formation, devrait en outre être d'une durée suffisante pour permettre sa visualisation par l'autorité judiciaire en cas de plainte déposée pour violences illégitimes.

Concernant la formation au lanceur de balles de défense :

La Commission recommande que lès matériels potentiellement dangereux tel le lanceur de halles de défense, a fortiori lorsqu'ils sont dans une phase d'expérimentation, ne soient confiés qu'à des fonctionnaires, dûment habilités et aguerris au maintien de l'ordre, possédant une expérience des situations évolutives et tendues le cas échéant.

Elle s'interroge sur l'adéquation dû-stage initial d'habilitation au lanceur de balles de défense prévu et mis en place à Paris par la direction de la formation de la police nationale, d'autant qu'il s'agit d'un matériel nouveau, considéré comme potentiellement dangereux par les utilisateurs eux-mêmes et qu'il n'est pas complété par des actions de formation continue. Plus particulièrement, la Commission souligne qu'il est irréaliste d'imaginer que dans une manifestation, surtout lorsque des signes de tension apparaissent, les manifestants restent immobiles ; dès lors, les balles tirées par le LBD risquent fort de toucher une cible en mouvement, avec toutes les conséquences dramatiques que cela peut comporter, compte tenu des caractéristiques de cet engin. Or, la formation actuellement dispensée ne prend en compte que des cibles immobiles.

En conséquence la Commission recommande, d'une part que le stage de formation initiale soit revu, complété et intensifié et, d'autre part, que des actions de formation continue spécifique soient entreprises.

De même, la Commission souhaite que des instructions additives et complémentaires de la note de la direction centrale de la sécurité publique en date du 17 octobre 2002 sur le flashball soient diffusées sans délai auprès des services actuellement dotés (ou susceptibles de l'être) du lanceur de balles de défense aujourd'hui en dotation usuelle après ta phase d'expérimentation.

Enfin, elle recommande que le lanceur de balles de défense ne soit livré qu'à des services au sein desquels les moniteurs de tir possèdent eux-mêmes préalablement l'habilitation à son maniement afin de permettre une formation continue périodique et régulière des personnels habilités.

Concernant la garde à vue :

La Commission rappelle que la garde à vue est une mesure strictement dictée par les nécessités de l'enquête, conformément aux articles préliminaire, 63 et 77 du Code de procédure pénale.

Elle constitue une mesure privative de liberté qui ne doit pas être utilisée pour garder une personne à disposition alors que sa présence n'est plus réellement nécessaire à la poursuite de l'enquête en cours. A ce sujet, elle souligne le rôle majeur du parquet dans la décision de prolonger la garde à vue, rôle qui suppose, de la part de l'OPJ, des auditions préalables suffisamment complètes pour mettre immédiatement en lumière l'existence ou non des éléments constitutifs de l'infraction reprochée, ainsi que la fiabilité des comptes-rendus téléphoniques faits à l'autorité judiciaire.

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Elle recommande la mise aux normes des conditions matérielles des locaux de garde à vue du commissariat central de Nantes. De manière générale, l'état des locaux doit être décent afin de respecter ta dignité des personnes privées de liberté, conformément aux exigences de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme et de l'article préliminaire du Code de procédure pénale.

Elle transmet donc son avis aux ministres de l'Intérieur et de la Justice.

Adopté le 20 octobre 2008,
Pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité,

Le Président
Roger BEAUVOIS