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dimanche 8 mai 2011

[avril 2011] Rapport de la CNDS


La CNDS a rendu aujourd'hui 26 avril son rapport annuel.

La presse écrite et audiovisuelle en a parlé, d'autant plus que c'est le rapport d'une institution appelée à disparaitre au sein du futur "Défenseur des droits" instauré et désigné par Sarkozy.

Deux aspects sont à retenir ce soir dans ce rapport.
1- Le premiers sont les entraves aux enquêtes dont se rendent parfois coupables les forces de l'ordre et notamment les "disparition d'un élément probant" (p. 29) et "disparition et falsification de document" (ceci pour les prisons, page 31).
2- L'autre aspect concerne le Flash-ball LBD pour lequel la CNDS réitère ses analyses des années précédentes, recense les cas dramatiques en cours, et durcit relativement sa position antérieure, en se demandant dans quelle mesure le flash-ball superpro peut encore être en dotation chez les fonctionnaires de police.
Patricia Tourancheau a consacré un assez gros article à cet aspect dans Libération aujourd'hui. (voir également en fin d'article).
http://www.liberation.fr/societe/01012333800-derniere-salve-contre-le-flash-ball

Voir également en fin d'article l'article de MEDIAPART
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Texte intégral du passage du rapport CNDS sur le LBD :


Lanceurs de balles de défense


>> Avis 2007-128 ; 2009-129 ; 2009-133 ; 2009-134 ; 2009-153


Depuis sa création, la Commission a été saisie à dix reprises d’affaires au cours desquelles des fonctionnaires de police ont fait usage d’un flashball, soit du modèle « superpro », soit du modèle « LBD (19) 40x46 » :
- avis 2008-1 adopté le 20 octobre 2008 (LBD 40x46) (cf. rapport CNDS 2008) ;
- avis 2009-133 adopté le 15 février 2010 (superpro) ;
- avis 2009-134 adopté le 17 mai 2010 (LBD 40x46) ;
- avis 2007-128 adopté le 15 novembre 2010 (superpro) ;
- avis 2009-129 adopté le 13 décembre 2010 (superpro).

Cinq affaires sont actuellement en cours, notamment concernant les circonstances dans lesquelles un jeune homme a été grièvement blessé à Toulouse en 2009, un autre à Montreuil en 2010, et une affaire au cours de laquelle une personne est décédée fin 2010, à Marseille.

La Commission avait consacré en 2009, dans son rapport annuel, une étude concernant l’usage des moyens de contrainte et de défense par les forces de l’ordre. À cette occasion, les caractéristiques et les conditions d’emploi des armes utilisées ont été exposées. Ces éléments ne seront donc pas repris ici. Il importe cependant de souligner que les faits soumis et étudiés par la Commission au cours de l’année 2010 confirment que l’usage de ces matériels demeure une préoccupation constante pour les citoyens et les auteurs des saisines.

Proscrire l’usage du flashball « superpro » dans le cadre de manifestations

La Commission, compte tenu, d’une part, de l’imprécision des trajectoires de tirs de flashball « superpro » qui rendent inutiles les conseils d’utilisation théoriques et, d’autre part, de la gravité comme de l’irréversibilité des dommages collatéraux manifestement inévitables qu’ils occasionnent, a recommandé de ne pas utiliser de flashball lors de manifestations sur la voie publique, hors les cas très exceptionnels qu’il conviendrait de définir très strictement (avis 2009-133).

Améliorer la formation continue

La Commission a constaté dans deux affaires (2007-128 ; 2009-133) que la formation initiale dispensée aux fonctionnaires, validée par une habilitation, n’était pas suivie d’une formation continue. Cette situation a entraîné une connaissance très approximative de la doctrine d’emploi juridique et technique du flashball par les fonctionnaires de police entendus.

19. Lanceur de balles de défense.

46 CNDS Rapport 2010 CNDS Rapport 2010 47



Bilan d’activité 2010

Une instruction du directeur général de la police nationale de février 2009 prévoyait pourtant un renouvellement triennal de l’habilitation, qui n’a pas été délivrée pour les fonctionnaires qui sont intervenus lors d’une manifestation à Montreuil, le 8 juillet 2009.
Le directeur général de la police nationale partage la position de la Commission sur l’importance d’un renouvellement d’habilitation formalisée par une formation continue, puisqu’il a diffusé une nouvelle instruction le 31 août 2009, préconisant que l’habilitation fasse désormais l’objet d’un renouvellement conditionné au suivi d’une formation annuelle.

Assurer un contrôle des habilitations au niveau de l’armurerie

La Commission a constaté (avis 2009-134) qu’un équipage de trois fonctionnaires de police était parti en patrouille en emmenant un LBD 40x46, alors qu’aucun d’eux n’était habilité à l’usage de cette arme.
La Commission a recommandé, afin que l’instruction du directeur général de la police nationale du 31 août 2009 s’impose aux fonctionnaires de police, de mettre en place un système de contrôle de la mise à disposition des armes en dotation collective permettant d’éviter que ceux qui ne sont pas ou plus habilités à l’usage d’une arme ne puissent s’en servir. Tout usage sans habilitation valide doit donner lieu à sanction ou à interdiction définitive d’habilitation.

Le directeur général de la police nationale, dans sa réponse à l’avis 2009-134, ne s’est pas prononcé sur ce point, « cette affaire [ayant] donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire, 
toujours en cours, [les] conséquences nécessaires sur le plan disciplinaire seront éventuellement 
tirées lorsque l’autorité judiciaire aura pris une décision à [l’]égard [du fonctionnaire
ayant fait usage du LBD sans habilitation] ».

Interrogation quant au maintien du flashball « superpro »

La Commission relève (avis 2009-129) que la zone de tir autorisée est d’ores et déjà restreinte au buste et aux membres inférieurs et supérieurs, et qu’il conviendrait d’interdire également un tir dans la région du coeur.

En conséquence, au regard de l’imprécision avérée de cette arme, incompatible avec les préconisations d’usage, et de la gravité des blessures pouvant en découler, la Commission recommande qu’une étude soit menée pour apporter des améliorations techniques susceptibles de rendre cette arme moins dangereuse. La Commission souhaite que, dans la mesure où cette étude ne pourrait être menée rapidement, la question soit posée du maintien de l’arme en cause dans la dotation des fonctionnaires de police.


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SOCIÉTÉ 26/04/2011 À 00H00

Dernière salve contre le flash-ball

L’ultime rapport de la CNDS pointe une nouvelle fois les dérives policières.

Par PATRICIA TOURANCHEAU
Dans son dixième et dernier rapport, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) qui, en 2010, a été saisie de 195 dossiers, a enquêté avec plus de difficultés que d’ordinaire au sein des administrations de la police, la gendarmerie et de la pénitentiaire. La haute autorité présidée par Roger Beauvois déplore ces «pratiques visant à limiter ou entraver les investigations et les contrôles». Bien qu’ayant un pouvoir restreint, la CNDS vouée à la disparition et rattachée le 1er mai à l’unique Défenseur des droits a néanmoins saisi le procureur de la République à 9 reprises sur des cas graves, transmis 15 dossiers aux procureurs généraux sur des actes litigieux d’officiers de police judiciaire et demandé des poursuites disciplinaires dans 29 affaires. La CNDS stigmatise à nouveau l’utilisation contestable d’armes diverses, tels le gaz lacrymogène et surtout le lanceur de balles de défense (LBD).
Patrouille. Ces deux dernières années, la Commission a été saisie à dix reprises d’affaires où des jeunes gens ont été blessés, mutilés, éborgnés par des tirs de flash-ball de modèle «Super-Pro» ou «LBD 40 x 46» - comme à Nantes en 2007, à Toulouse en 2009, à Montreuil en 2010, et même tué à Marseille fin 2010 -, au cours de manifestations ou de regroupements.
Ainsi, à Bondy (Seine-Saint-Denis) le 4 juin 2009 vers minuit, S. M., 23 ans, qui rentrait chez lui avec deux copains, a vu une patrouille passer et repasser devant eux, demandant ce qu’ils faisaient. Les trois ont répondu : «Rien de mal, vous pouvez rentrer chez vous.» Mais les policiers, eux, ont entendu «cassez-vous, sales bâtards» et ont décidé de contrôler leurs identités pour «outrage».Si le chef d’équipage a gardé son flash-ball en bandoulière, le gardien de la paix A. D. a pointé le sien «dans la direction du groupe, canon droit», selon les déclarations concordantes de trois de ces policiers à la CNDS. Le jeune S. M. a fait mine de jeter un objet pour détourner l’attention des gardiens, mais le policier A. D. soutient avoir reçu un coup de poing de sa part. En tout cas, il«a appuyé, par réflexe, sur la détente du flash-ball, quasiment à bout portant».Atteint au niveau du cœur, S. M. est tombé à genoux «souffle coupé», puis a été menotté mains dans le dos, embarqué au commissariat, et placé en garde à vue. Quand le tireur a vu sous le tee-shirt du garçon une plaie saignante sur le sein gauche, les pompiers ont enfin été appelés.
S. M. a été hospitalisé en réanimation puis en cardiologie pendant deux semaines, et a eu trente jours d’incapacité totale de travail (ITT), en raison de ses «contusions cardiaque et pulmonaire sévères». Le procureur de Bobigny a aussitôt saisi l’IGS (police des polices) mais, plus tard, a classé sans suite la plainte de S. M. pour «violences volontaires» contre le policier, pour «infraction insuffisamment caractérisée». A. D. a juste écopé d’un rappel de sa hiérarchie sur les conditions d’utilisation du flash-ball… et, légèrement blessé à la lèvre (trois jours d’ITT), a dégainé une plainte pour «outrage et violence» contre sa victime.
La CNDS a réclamé des poursuites disciplinaires à l’encontre du tireur de flash-ball qui n’a pas respecté la distance de 7 mètres avec le «contrôlé», a visé de surcroît au torse, exposant S. M .«à un risque de blessure grave». La Commission a déjà recommandé au ministère de l’Intérieur «de ne pas utiliser cette arme lors des manifestations sur la voie publique» compte tenu de«l’imprécision des tirs de flash-ball Super-Pro et de la gravité comme de l’irréversibilité des dommages collatéraux qu’ils occasionnent». Les policiers ont déjà pour ordre de ne plus cibler la tête, «pas au-dessus de ligne des épaules ou dans la région du triangle génital». Ils ont cependant encore le droit de viser les jambes, les bras, mais aussi le buste. La CNDS enjoint désormais la hiérarchie policière à interdire les tirs dans la zone du cœur, et s’interroge franchement sur le maintien de cette arme dans la dotation des policiers. Car, même en légitime défense ou en «état de nécessité», l’emploi de lanceurs de balles de défense par des policiers pas toujours habilités et formés à s’en servir, même à plus de 7 mètres, reste extrêmement dangereux.
Altercation. En outre, huit cas d’usage de gaz lacrymogène ont été soumis l’an dernier à la Commission qui a constaté des abus notamment lors d’une altercation entre des policiers du XVIIIe arrondissement de Paris et les organisateurs d’un concert. De plus, les policiers qui utilisent la bombe lacrymo oublient de «porter secours» aux aspergés.

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Un rapport éreinte le flashball
MEDIAPART 26 Avril 2011 Par Michel Deléan 
Il s'agit en quelque sorte d'une compilation des bavures policières et gendarmesques les plus emblématiques. Une forme de testament aussi, que laisse la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), dans son dixième et dernier rapport d'activité, présenté ce 26 avril 2011 (le rapport est entièrement accessible ici, ainsi que l'ensemble des avis rendus). La CNDS disparaîtra en effet le 1er mai, tout comme le défenseur des enfants, la Halde et le médiateur de la République, au profit d'un unique “défenseur des droits” au profil encore flou ( lire ici).
Malgré l'annonce de sa suppression fin 2009, qui n'a pas vraiment contribué à renforcer son prestige ni son autorité, la CNDS a encore été saisie 195 fois en 2010. 140 dossiers concernaient la police nationale, 25 la gendarmerie, 14 l'administration pénitentiaire (et le reste des polices municipales, des services de sécurité privés, des services de surveillance des transports, et les douanes). Ces saisines ont donné lieu à 150 avis, dont 90 dans lesquels la CNDS a constaté « un ou plusieurs manquements à la déontologie ».
La commission nationale a rencontré de nombreuses difficultés pour mener ses enquêtes, a même subi des entraves caractérisées, et elle le déplore vivement. «La tentation de régler tous les problèmes exclusivement en interne est de nature à alimenter fantasmes et défiance à l'encontre des professionnels qui doivent entretenir une relation de confiance avec la population», note la CNDS dans son rapport annuel. 
Est-ce un hasard ? Les avis de cette commission indépendante n'ont été suivis que dans 45% des cas par les ministères concernés (Intérieur et Défense principalement).
Parmi les différentes fautes et anomalies constatées en 2010, revient le refus trop fréquent dans les commissariats et les gendarmeries d'enregistrer les plaintes de citoyens contre un policier ou un gendarme, et la difficulté pour obtenir de vraies enquêtes sur les faits dénoncés. 
Pour l'essentiel, le rapport de la CNDS épingle des contrôles d'identité ou de bagages «contestables», des arrestations lors de contrôles routiers provoquées par des erreurs de fichiers informatiques, des violences illégitimes, des mineurs entendus sous contrainte sans cadre juridique, des perquisitions discutables, des reconduites à la frontière expéditives, et des fouilles à nu dégradantes.
Une arme utilisée à tort et à travers 
Deux décès survenus à la suite d'interpellations avec un usage excessif de la force sont examinés en détail dans le rapport 2010 de la commission (un jeune homme mort étouffé en 2008 à Grasse, et un retraité violenté en 2009 dans le Val-d'Oise), et trois autres cas sont encore à l'étude. Mais le gros morceau du rapport est constitué par le recours aux armes, et notamment le tristement célèbre flashball.
La CNDS a été saisie dix fois en deux ans d'affaires au cours desquelles l'usage du flashball est en cause. Cinq dossiers sont en cours, notamment ceux dans lesquels un jeune homme a été grièvement blessé à Toulouse en 2009, un autre à Montreuil en 2010, et une affaire au cours de laquelle une personne est morte, fin 2010 à Marseille. D'ores et déjà, la Commission recommande de proscrire dans les manifestations l'usage du flashball «superpro», apparemment mal nommé puisque ce modèle se caractériserait par «l'imprécision de ses trajectoires». 
Une arme dangereuse, selon la Commission, qui recommande d'interdire le tir «dans la région du cœur» (la zone de tir actuellement autorisée est restreinte au buste et aux membres inférieurs et supérieurs). La CNDS demande également une amélioration de la formation continue dispensée aux fonctionnaires qui utilisent les flashballs, leurs connaissances de la doctrine d'emploi juridique et technique étant jugée «très approximative». 
Enfin, la CNDS constate aussi des usages abusifs de gaz lacrymogène. «L'instruction d‘emploi du gaz lacrymogène du 14 juin 2004 préconise, une fois le résultat recherché par l'usage de la bombe atteint, d'une part de prendre en charge les personnes pour leur porter secours, d'autre part de mentionner l'usage de l'arme en procédure», rappelle la commission. Qui ajoute diplomatiquement, à propos du gazage excessif des organisateurs d'un concert dans le XVIIIe arrondissement de Paris : «L'une et l'autre de ces obligations n'ont été qu'imparfaitement remplies dans cette affaire.»