Taser, Flashball et LBD : le Défenseur des droits demande un meilleur encadrement
28 mai 2013 |
D’abord expérimentés par des unités d’élite (RAID, GIGN et
brigades anticriminalité), le pistolet à impulsion électrique (Taser) et
les lanceurs de balle de défense (Flashball superpro et LBD 40×46)
équipent depuis le milieu des années 2000 la plupart des services de
police et de gendarmerie français. Un rapport du Défenseur des droits,
publié mardi 28 mai 2013, rend public pour la première fois le cadre
d’emploi de ces « moyens intermédiaires de défense », avec à la clé des
données chiffrées concernant leur utilisation par les forces de l’ordre.
Le Défenseur des droits Dominique Baudis préconise d’encadrer de
façon plus stricte le recours à ces armes, longtemps considérées comme
« non létales », d’améliorer la formation des agents et la protection
juridique et médicale des personnes touchées. Il recommande de
restreindre leur usage dans certaines situations (manifestations,
menottage, contrôles d'identité, etc.) et s’interroge sur l’avenir du
Flashball superpro, trop imprécis et responsable de plusieurs blessures
graves.
L’autorité administrative indépendante, et son prédécesseur la CNDS, ont déjà prononcé à plusieurs reprises des recommandations sévères sur des cas dont elles étaient saisies. En mai 2012, le Défenseur des droits avait ainsi recommandé des poursuites disciplinaires à l’encontre de deux policiers suite au décès d’un Malien, qui avait reçu de multiples décharges de pistolet Taser lors de son interpellation en novembre 2010. C’est « le nombre de ces armes en dotation, la gravité des dommages corporels occasionnés et le retentissement médiatique de certaines affaires, la nature des recommandations précédemment émises », qui ont poussé Dominique Baudis à se saisir du sujet en mai 2012.
Premier constat, les cadres d’emploi de ces armes diffèrent sensiblement selon que leur porteur soit policier ou gendarme, comme le montre le tableau ci-dessous. Les gendarmes ne peuvent par exemple pas utiliser le Taser en maintien de l’ordre, quand rien ne l’interdit aux policiers. Les gendarmes sont par contre autorisés à utiliser le Taser pour « réduire une résistance manifeste », ce qui, regrette le Défenseur des droits, « peut autoriser son utilisation lorsqu’une personne résiste à son interpellation en se débattant, ou s’oppose à son menottage en se raidissant ». De façon surprenante, les zones du corps considérées comme vulnérables diffèrent également : les gendarmes ont interdiction de viser la zone du cœur avec un Taser et le LBD 40×46, ce qui n’est pas le cas des policiers. Ces derniers ne peuvent par contre viser la zone génitale avec le Flashball superpro. Le Défenseur demande donc d'« harmoniser et de renforcer les interdictions d’usage et précautions d’emploi posées par la police et la gendarmerie ».
Au départ présenté comme une « arme à létalité réduite », le Taser peut provoquer des blessures « liées à la chute de la personne » et des « blessures graves, voir mortelles, pouvant résulter d’un tir dans la tête ou sur les vaisseaux du cou ». « Il reste à confirmer ou infirmer l’innocuité du Taser X26® sur une personne porteuse d’un pacemaker ou présentant des troubles cardiaques préalables à l’intervention des forces de l’ordre », note également le Défenseur des droits.
Le Taser peut être utilisé en mode tir, ce qui produit « une rupture électro musculaire »
et la chute de la personne touchée par deux aiguillons, ou comme
« choqueur », directement au contact de la personne, ce qui entraîne « une neutralisation par sensation de douleur ». À
plusieurs reprises, le Défenseur des droits a déjà vivement déconseillé
ce dernier mode, qui reste pourtant le plus utilisé par la police (229
utilisations en mode contact sur 351 utilisations en 2012). Le défenseur
rappelle que le Taser est « inscrit sur la liste européenne des
matériels qui, en cas de mésusage ou d’abus, peuvent relever des cas de
traitements cruels, inhumains ou dégradants ». « Le fait de
recevoir une forte décharge d’électricité conduit à une douleur
localisée très intense, ainsi qu’à un traumatisme psychologique et une
atteinte à la dignité humaine bien plus importants que, par exemple, en
cas de clé de bras pratiquée manuellement ou au moyen du tonfa », poursuit-il. Il demande à nouveau donc d’éviter son utilisation en mode contact et de l’encadrer « très strictement » lors du menottage.
Dans les cas examinés par le défenseur, certains agents ont en effet manifestement tendance à utiliser le Taser pour faciliter un menottage, voire la pause d’entraves aux jambes sur une personne déjà menottée, alors que des gestes techniques d’immobilisation auraient parfois suffi. Le défenseur rappelle également que le Taser peut se révéler « contreproductif » en excitant encore plus la personne à interpeller, notamment lorsqu’il s’agit de personnes en état de delirium agité ou sous l’influence de stupéfiants. Ces états sont susceptibles de « réduire, voire annihiler, les effets visibles de l’impact de l’utilisation du Taser, ou encore de décupler l’état d’énervement de la personne », indique-t-il. Le rapport recommande donc de mieux encadrer son usage sur les personnes vulnérables.
Sur les Taser les plus récents, une caméra et une puce se déclenchent automatiquement dès la mise sous tension de l’arme, ce qui permet d’enregistrer son contexte et ses données techniques d’utilisation (date, heure, nombre et durée des cycles d’impulsion électrique). Ces données sont conservées deux ans par la police et seulement un mois par la gendarmerie, en l’absence de procédure judiciaire. Le Défenseur recommande donc l’interdiction des Taser X26 non munis de ce dispositif d’enregistrement audio et vidéo, ainsi que l’allongement à deux ans du délai de conservation pour la gendarmerie. Alors que la durée d’utilisation du Taser (par cycles de 5 secondes) est automatiquement enregistrée, l’autorité administrative indépendante n’y a pas eu accès et recommande en conséquence « la mise en place du recueil et du traitement des durées d’utilisation de l’arme ». Le Défenseur recommande également une meilleure formation des fonctionnaires et une meilleure prise en charge de la personne qui a fait l’objet d’un tir, « en se portant à son niveau pour s’assurer de son état de santé ».
Le Flashball permet « de
riposter instantanément à une agression alors que le LBD 40×46 a
davantage vocation à être une arme de neutralisation, par sa précision
et sa distance optimale de tir », précise le rapport. Les deux armes
sont à l’origine de plusieurs graves blessures, notamment à l’œil. En
octobre 2011, un garçon de 9 ans (1,35 m pour 24 kilos) avait ainsi été
gravement blessé à l’œil par un tir de Flashball pro d’un gendarme à
Mayotte. Ce dernier a reçu un simple blâme.
En 2012, les policiers ont, pour la première fois, plus utilisé le LBD 40×46 que le Flashball Superpro : 1 514 munitions utilisées dans 623 situations opérationnelles, contre 1 059 munitions de Flashball superpro dans 589 situations opérationnelles. L’utilisation des lanceurs de balles de défense est en hausse depuis 2010 dans la police, contrairement à la gendarmerie qui y a très peu recours. Cette dernière dispose de 1 003 Flashballs superpro et de 598 LBD 40×46. Mais au total, les gendarmes n’en ont fait usage que dans 40 situations en 2012 (90 munitions tirées).
Trop imprécis, le Flashball surperpro « semble appelé à disparaître courant 2014 »,
selon le Défenseur des droits. Un groupe de travail mis en place par le
ministère de l’intérieur réfléchit en effet à l’utilisation de
nouvelles munitions de défense à courte portée (MDCP) qui auraient
vocation à le remplacer. Pour le Défenseur des droits, son imprécision
est telle qu’elle rend « inutiles les conseils et interdictions
d'utilisation théorique, du fait des considérables risques de déviation
de la balle, même dans des conditions de tir idéales ».
Alors
que ces deux armes sont très différentes, leur cadre d’emploi posé par
la police est quasiment identique, tandis que celui posé par la
gendarmerie est plus précis et plus restrictif concernant le LBD 40×46.
Le Défenseur des droits propose donc de restreindre leur usage. D’abord
en élargissant les interdictions d’usage à la zone du cœur (à l’instar
des gendarmes) « en raison de la gravité des dommages pouvant résulter d’un tir dans cette zone ».
Il considère également que les dérogations aux interdictions d’usage, possibles en cas de légitime défense ou d’état de nécessité, devraient être limitées aux cas où l’intégrité physique des personnes est menacée (et non également à la conservation des biens, comme c’est le cas actuellement). Ainsi en cas de légitime défense, les policiers peuvent aujourd’hui tirer en dessous des distances minimales, que ce soit pour défendre leur intégrité physique ou pour assurer la conservation d’un bien. Dans ce dernier cas, « au regard de la gravité des blessures pouvant être causées (…), l’hypothèse de l’utilisation du FlashMBall superpro ou du LBD 40×46 devrait être très exceptionnelle, voire interdite », estime le Défenseur. Qui demande aussi que soient introduites des distances maximales d’utilisation et la notion de vulnérabilité dans le cadre d’emploi de police concernant les deux armes.
Au vu de plusieurs affaires dont était saisie la CNDS, les policiers semblent avoir pris l'habitude d’utiliser le Flashball superpro pour sécuriser des contrôles routiers et des contrôles d’identité dans des quartiers difficiles. Notamment en Seine-Saint-Denis où les policiers se placent à trois-quatre mètres (bien en dessous de la limite minimale de 7 mètres) de la personne contrôlée, qui est mise en joue, en enlevant la sécurité de l’arme. « Selon les déclarations des policiers, ce dispositif était systématique lors de leurs interventions à Bondy (Seine-Saint-Denis) et leur aurait été enseigné lors de leur formation par des instructions orales », indique le Défenseur. Un jeune homme contrôlé avait ainsi été sévèrement blessé (quinze jours en réanimation puis cardiologie), après qu’un policier eut trébuché et déclenché l’arme par erreur.
Pour le Défenseur des droits, cet usage n’est « pas conforme à la doctrine d’emploi de cette arme ». « La notion de légitime défense, telle que définie par la loi et pouvant justifier un tir à une distance inférieure à sept mètres, ne peut en effet s’anticiper de manière générale, même dans un quartier réputé difficile », remarque le rapport.
Le Défenseur demande donc d’encadrer « très strictement » le recours au Flashball superpro lors de contrôles routiers ou d’identité, de même qu’au cours de manifestations du fait de son imprécision et du risque de toucher une cible en mouvement. Du fait de son « imprécision intrinsèque », les personnes visées « peuvent être atteintes sur des parties du corps prohibées par les instructions car dangereuses, alors même que le tireur n’aurait pas visé ces zones corporelles ». Autant de situations qui, selon le rapport, jettent l’« opprobre » sur les forces de l’ordre, les victimes et leurs familles imputant « bien souvent à l'auteur du tir la responsabilité d'un tir délibéré au visage, ou dans l’œil, en raison de la faible distance d'utilisation de l'arme. » Mais le Défenseur des droits émet également des doutes sur la précision de son futur successeur, le LBD 40×46, après qu’un expert a constaté un dérèglement de près de 20 cm sur une arme suite à un incident. Le rapport demande donc un audit de l'ensemble de ces armes pour vérifier leurs viseurs.
Importante lacune de ce rapport, les directions générales de la police nationale et de la gendarmerie nationale n’ont fourni presque aucun chiffre concernant les cadres légaux dans lesquels ces « moyens de défense intermédiaire » avaient été utilisés. Selon les quelques données de la DGGN, les cas de légitime défense semblent très minoritaires : sur 40 utilisations du Flashball superpro et du LBD 40×46 en 2012 par des gendarmes, la légitime défense n’a été invoquée que cinq fois. Impossible même d’avoir une localisation des utilisations de ces armes, aucune donnée n’ayant été communiquée par les deux directions.
Un policier utilise un LBD 40x46 en octobre 2010 lors d'une manifestation à Lyon. © Reuters
L’autorité administrative indépendante, et son prédécesseur la CNDS, ont déjà prononcé à plusieurs reprises des recommandations sévères sur des cas dont elles étaient saisies. En mai 2012, le Défenseur des droits avait ainsi recommandé des poursuites disciplinaires à l’encontre de deux policiers suite au décès d’un Malien, qui avait reçu de multiples décharges de pistolet Taser lors de son interpellation en novembre 2010. C’est « le nombre de ces armes en dotation, la gravité des dommages corporels occasionnés et le retentissement médiatique de certaines affaires, la nature des recommandations précédemment émises », qui ont poussé Dominique Baudis à se saisir du sujet en mai 2012.
Premier constat, les cadres d’emploi de ces armes diffèrent sensiblement selon que leur porteur soit policier ou gendarme, comme le montre le tableau ci-dessous. Les gendarmes ne peuvent par exemple pas utiliser le Taser en maintien de l’ordre, quand rien ne l’interdit aux policiers. Les gendarmes sont par contre autorisés à utiliser le Taser pour « réduire une résistance manifeste », ce qui, regrette le Défenseur des droits, « peut autoriser son utilisation lorsqu’une personne résiste à son interpellation en se débattant, ou s’oppose à son menottage en se raidissant ». De façon surprenante, les zones du corps considérées comme vulnérables diffèrent également : les gendarmes ont interdiction de viser la zone du cœur avec un Taser et le LBD 40×46, ce qui n’est pas le cas des policiers. Ces derniers ne peuvent par contre viser la zone génitale avec le Flashball superpro. Le Défenseur demande donc d'« harmoniser et de renforcer les interdictions d’usage et précautions d’emploi posées par la police et la gendarmerie ».
Taser
Le Taser, introduit en août 2006, est plus utilisé par les gendarmes que par les policiers. Malgré cette « utilisation assez limitée (…) au regard du nombre d’armes en dotation et du nombre de personnes habilitées », le Défenseur a été saisi de « plusieurs utilisations irrégulières, ou excessives ». En 2012, le Taser a été utilisé à 351 reprises par la police (en mode tir et contact), qui dispose de 1 647 Taser pour 4 083 fonctionnaires habilités à les porter. Les gendarmes en ont eux fait usage 619 fois au cours de 481 situations différentes. Ils ont plus de 3 000 armes en dotation, pour plus de 25 000 militaires habilités.Au départ présenté comme une « arme à létalité réduite », le Taser peut provoquer des blessures « liées à la chute de la personne » et des « blessures graves, voir mortelles, pouvant résulter d’un tir dans la tête ou sur les vaisseaux du cou ». « Il reste à confirmer ou infirmer l’innocuité du Taser X26® sur une personne porteuse d’un pacemaker ou présentant des troubles cardiaques préalables à l’intervention des forces de l’ordre », note également le Défenseur des droits.
Taser X26
Dans les cas examinés par le défenseur, certains agents ont en effet manifestement tendance à utiliser le Taser pour faciliter un menottage, voire la pause d’entraves aux jambes sur une personne déjà menottée, alors que des gestes techniques d’immobilisation auraient parfois suffi. Le défenseur rappelle également que le Taser peut se révéler « contreproductif » en excitant encore plus la personne à interpeller, notamment lorsqu’il s’agit de personnes en état de delirium agité ou sous l’influence de stupéfiants. Ces états sont susceptibles de « réduire, voire annihiler, les effets visibles de l’impact de l’utilisation du Taser, ou encore de décupler l’état d’énervement de la personne », indique-t-il. Le rapport recommande donc de mieux encadrer son usage sur les personnes vulnérables.
Sur les Taser les plus récents, une caméra et une puce se déclenchent automatiquement dès la mise sous tension de l’arme, ce qui permet d’enregistrer son contexte et ses données techniques d’utilisation (date, heure, nombre et durée des cycles d’impulsion électrique). Ces données sont conservées deux ans par la police et seulement un mois par la gendarmerie, en l’absence de procédure judiciaire. Le Défenseur recommande donc l’interdiction des Taser X26 non munis de ce dispositif d’enregistrement audio et vidéo, ainsi que l’allongement à deux ans du délai de conservation pour la gendarmerie. Alors que la durée d’utilisation du Taser (par cycles de 5 secondes) est automatiquement enregistrée, l’autorité administrative indépendante n’y a pas eu accès et recommande en conséquence « la mise en place du recueil et du traitement des durées d’utilisation de l’arme ». Le Défenseur recommande également une meilleure formation des fonctionnaires et une meilleure prise en charge de la personne qui a fait l’objet d’un tir, « en se portant à son niveau pour s’assurer de son état de santé ».
Lanceurs de balle de défense
En matière de lanceurs de balles de défense, les forces de l’ordre sont équipées de deux armes : le Flashball superpro, introduit en 2004, et le LBD 40×46, introduit à partir de 2007-2008. Ce dernier, plus précis et puissant (entre 10 et 50 mètres de portée), est en fait une arme de guerre détournée pour la rendre non létale. Ce qui lui vaut de jouer dans la « première catégorie » (celle des armes à feu à usage militaire) en raison de son canon rayé.
Flashball superpro
En 2012, les policiers ont, pour la première fois, plus utilisé le LBD 40×46 que le Flashball Superpro : 1 514 munitions utilisées dans 623 situations opérationnelles, contre 1 059 munitions de Flashball superpro dans 589 situations opérationnelles. L’utilisation des lanceurs de balles de défense est en hausse depuis 2010 dans la police, contrairement à la gendarmerie qui y a très peu recours. Cette dernière dispose de 1 003 Flashballs superpro et de 598 LBD 40×46. Mais au total, les gendarmes n’en ont fait usage que dans 40 situations en 2012 (90 munitions tirées).
LBD 40*46
Il considère également que les dérogations aux interdictions d’usage, possibles en cas de légitime défense ou d’état de nécessité, devraient être limitées aux cas où l’intégrité physique des personnes est menacée (et non également à la conservation des biens, comme c’est le cas actuellement). Ainsi en cas de légitime défense, les policiers peuvent aujourd’hui tirer en dessous des distances minimales, que ce soit pour défendre leur intégrité physique ou pour assurer la conservation d’un bien. Dans ce dernier cas, « au regard de la gravité des blessures pouvant être causées (…), l’hypothèse de l’utilisation du FlashMBall superpro ou du LBD 40×46 devrait être très exceptionnelle, voire interdite », estime le Défenseur. Qui demande aussi que soient introduites des distances maximales d’utilisation et la notion de vulnérabilité dans le cadre d’emploi de police concernant les deux armes.
Au vu de plusieurs affaires dont était saisie la CNDS, les policiers semblent avoir pris l'habitude d’utiliser le Flashball superpro pour sécuriser des contrôles routiers et des contrôles d’identité dans des quartiers difficiles. Notamment en Seine-Saint-Denis où les policiers se placent à trois-quatre mètres (bien en dessous de la limite minimale de 7 mètres) de la personne contrôlée, qui est mise en joue, en enlevant la sécurité de l’arme. « Selon les déclarations des policiers, ce dispositif était systématique lors de leurs interventions à Bondy (Seine-Saint-Denis) et leur aurait été enseigné lors de leur formation par des instructions orales », indique le Défenseur. Un jeune homme contrôlé avait ainsi été sévèrement blessé (quinze jours en réanimation puis cardiologie), après qu’un policier eut trébuché et déclenché l’arme par erreur.
Pour le Défenseur des droits, cet usage n’est « pas conforme à la doctrine d’emploi de cette arme ». « La notion de légitime défense, telle que définie par la loi et pouvant justifier un tir à une distance inférieure à sept mètres, ne peut en effet s’anticiper de manière générale, même dans un quartier réputé difficile », remarque le rapport.
Le Défenseur demande donc d’encadrer « très strictement » le recours au Flashball superpro lors de contrôles routiers ou d’identité, de même qu’au cours de manifestations du fait de son imprécision et du risque de toucher une cible en mouvement. Du fait de son « imprécision intrinsèque », les personnes visées « peuvent être atteintes sur des parties du corps prohibées par les instructions car dangereuses, alors même que le tireur n’aurait pas visé ces zones corporelles ». Autant de situations qui, selon le rapport, jettent l’« opprobre » sur les forces de l’ordre, les victimes et leurs familles imputant « bien souvent à l'auteur du tir la responsabilité d'un tir délibéré au visage, ou dans l’œil, en raison de la faible distance d'utilisation de l'arme. » Mais le Défenseur des droits émet également des doutes sur la précision de son futur successeur, le LBD 40×46, après qu’un expert a constaté un dérèglement de près de 20 cm sur une arme suite à un incident. Le rapport demande donc un audit de l'ensemble de ces armes pour vérifier leurs viseurs.
Importante lacune de ce rapport, les directions générales de la police nationale et de la gendarmerie nationale n’ont fourni presque aucun chiffre concernant les cadres légaux dans lesquels ces « moyens de défense intermédiaire » avaient été utilisés. Selon les quelques données de la DGGN, les cas de légitime défense semblent très minoritaires : sur 40 utilisations du Flashball superpro et du LBD 40×46 en 2012 par des gendarmes, la légitime défense n’a été invoquée que cinq fois. Impossible même d’avoir une localisation des utilisations de ces armes, aucune donnée n’ayant été communiquée par les deux directions.