Société 15/07/2009 à 06h51
«Le flash-ball est une arme au statut un peu bâtard»
Interview
Fabien Jobard, chercheur au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales
Par MARWAN CHAHINE
Fabien Jobard est chercheur au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (Cesdip). Il a récemment publié Rioting in France and in the UK (Willian editions, 2009)
Quel est le cadre d’utilisation du flash-ball par la police ?
Le flash-ball est une arme dite «non létale» à vocation défensive. Elle sert à maintenir des assaillants à distance. Elle n’a donc pas vocation à être utilisée contre des individus précis, mais contre des groupes et à une distance raisonnable. Toutefois, cette arme a un statut quelque peu bâtard, au sens où elle se situe entre l’arme de maintien de l’ordre (manifestations, attroupements…) comme le lance-grenades (FLG), et l’arme banalisée, destinée à la police quotidienne.
Comment expliquer la multiplication des incidents ?
A l’origine le flash-ball est un équipement collectif, à disposition de la brigade. Progressivement, on en a équipé les policiers individuellement avec pour effet quasi mécanique un moindre encadrement hiérarchique sur son usage. C’est tout l’inverse du FLG, où un gradé donne l’ordre d’emploi et doit contrôler strictement la bonne utilisation collective, ce qui limite les usages abusifs.
Êtes-vous surpris par ce qui s’est passé à Montreuil ?
Le cas de Montreuil est spectaculaire, mais il peut être vu comme un effet collatéral des évolutions de la police depuis les années 1990. Au contraire de nombreux pays, la France dispose d’une vieille tradition en matière de maintien de l’ordre. Des unités (CRS, gendarmes mobiles) sont spécifiquement formées pour intervenir face aux foules et elles y réussissent bien. Mais parallèlement, on sait de moins en moins faire de la police au quotidien. Conséquence : on dote la police quotidienne d’un matériel propre au maintien de l’ordre avec un rudiment de doctrine. On croise les doigts en se disant que la greffe prendra. C’est ainsi qu’on se retrouve avec des agents de la BAC [Brigade anticriminalité, ndlr] équipés avec des armes dont on oublie qu’elles peuvent devenir létales lorsque leur usage n’est pas encadré. La brutalité est souvent le signe d’une police qui maîtrise de moins en moins son terrain.
Qu’encourent les policiers s’ils ont fait un usage inapproprié de leur arme ?
Dès lors qu’une faute est avérée, le fonctionnaire de police encourt les sanctions disciplinaires classiques, qui vont de l’exclusion temporaire à la révocation ou la mise à la retraite d’office. Le ministre prend la décision, sur avis d’une commission paritaire où siègent les représentants de l’administration et les élus syndicaux.
Que dit le cas Joachim Gatti de la force policière aujourd’hui ?
On voit de moins en moins de cas de violences telles qu’on en voyait dans les années 1980, comme des décès en cellules de garde à vue ou des tirs gratuits par arme à feu. La garde à vue n’est plus le sanctuaire policier et les policiers sont beaucoup plus formés à l’arme à feu qu’avant. Mais le cas Gatti, d’après ce que j’ai pu en lire, pose de manière urgente la notion de proportionnalité. C’est la proportionnalité des moyens employés qui garantit la légitimité de la force, et c’est elle qui vole en éclats lorsque l’arme présente une haute capacité de destruction et se trouve employée à contre-emploi.