libellés

mercredi 22 juillet 2009

5 gueules cassées... (quotidien Libération)

Société 15/07/2009 à 06h51

Cinq gueules cassées depuis le début de l’année

Avant Joachim Gatti, quatre jeunes ont été sérieusement blessés à la tête.

Par WILLY LE DEVIN

Pas moins de cinq jeunes ont été grièvement blessés au visage en France depuis le début de l’année après avoir essuyé des tirs de flash-ball par la police. Voilà qui relance une fois de plus la polémique autour de l’utilisation par les forces de l’ordre de cette arme, qualifiée «à létalité atténuée»,qui catapulte des balles de caoutchouc. Cinq incidents qui présentent de troublantes similarités, les victimes ayant toutes été touchées au visage après des tirs à portée rapprochée, et dont la nécessité apparaît discutable. Rappel des quatre cas ayant précédé l’incident de mercredi à Montreuil (Seine-Saint-Denis) où Joachim Gatti a perdu son œil droit.

Jeudi 19 mars à Toulouse

Joan Celsis, étudiant en sociologie de 25 ans, prend part à une manifestation unitaire. A la fin de la manif, des jeunes envahissent un Monoprix et chargent des chariots afin de procéder à une autodistribution de nourriture. Prévenues par le gérant du magasin, les forces de l’ordre repoussent les pilleurs. Me Julien Brel, qui assure la défense de Joan Celsis, raconte alors que «le jeune homme a bien participé à la manifestation, mais en aucun cas à l’action étudiante dans le magasin. Il s’est retrouvé malencontreusement en première ligne et a reçu une balle de flash-ball en pleine figure, tirée à dix, vingt mètres». Les syndicats de police déplorent la blessure de Joan Celsis, mais défendent l’intervention, qui «avait pour but de stopper un groupe d’étudiants qui semait le trouble en centre-ville».

Vendredi 1er mai à Neuilly-sur-Marne

Dans la ville de Seine-Saint-Denis, en début de soirée, Samir Ait Amara, 18 ans, est atteint à la tête par un tir policier de flash-ball. Hospitalisé dans la foulée, le jeune homme souffre d’un important traumatisme à l’oreille, accompagné d’étourdissements et de nausées. Samir livre aux enquêteurs cette version des faits : «Il était entre 20 heures et 21 heures. Il y avait beaucoup de monde dehors, car on jouait à la chasse à l’homme. Je devais courir pour ne pas me faire attraper. J’ai descendu les escaliers, et au passage piéton j’ai vu une voiture portière ouverte.» Puis Samir s’écroule. «Ensuite, ils m’ont mis à plat ventre, menotté et embarqué.» Une thèse corroborée par Aboubakar Traoré, un animateur du quartier : «J’étais à ma fenêtre et j’ai tout vu. Il y avait des enfants. Samir est passé devant la voiture d’intervention. Je n’ai pas entendu "police" ou quelque chose comme ça. Rien. Ils ont tiré à une très faible distance, un ou deux mètres peut-être.» La version policière, elle, est toute autre. La brigade anticriminalité canine a été appelée en renfort par une autre équipe, inquiète après le déclenchement d’un système d’alarme. Les agents affirment «ne pas être restés plus de trois ou quatre minutes sur les lieux en raison d’un caillassage». Mais pour les riverains les jets de projectiles en question ont eu lieu après l’arrestation de Samir Ait Amara, et non avant.

Samedi 9 mai à Villiers-le-Bel

Deux hommes, âgés de 21 et de 31 ans, ont perdu l’usage d’un œil, lors d’affrontements dans la cité du Val-d’Oise entre groupes de jeunes et la police, auxquels ils assurent ne pas avoir participé. Les forces de l’ordre appelées pour un tapage nocturne auraient été la cible de tirs de projectiles (bouteilles et pierres) de la part d’habitants réunis à l’occasion d’un barbecue. Les policiers auraient alors fait usage de leurs armes de défense afin de se dégager, selon Francis Debuire, secrétaire général du syndicat de police SGP-FO Val-d’Oise, d’«un guet-apens». Toutefois, la victime de 31 ans a fait savoir par la voix de son avocate, Caty Richard, qu’«il mangeait un sandwich dans la rue quand les forces de l’ordre sont arrivées». La juriste a demandé que son client soit «entendu comme une victime, qu’il y ait une réelle investigation, et qu’on ne parte pas du principe qu’il était opposé aux forces de l’ordre». Le parquet de Pontoise a saisi l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour éclaircir les circonstances du drame. Afin de se prémunir contre de nouveaux cas embarrassants, la hiérarchie policière avait, courant mai, reclarifié auprès des agents les conditions d’usage du flash-ball. L’incident de Montreuil prouve que le rappel à l’ordre n’a pas été entendu partout de la même façon.