MEDIAPART / 19 Août 2009 Par Erich Inciyan
L'usage des flashballs policiers sous le feu des critiques
Une fois encore, les flashballs sont mis en cause pour leur dangerosité. Cette fois, la mise en garde vient de la «police des polices» et concerne les blessures au visage causées par un tir policier, le 8 juillet à Montreuil. Ce soir-là, Joachim Gatti a perdu un œil parce qu'il participait à un rassemblement de soutien aux expulsés d'un squat de cette ville de Seine-Saint-Denis. Saisie de l'enquête par la justice, l'Inspection générale des services (IGS) considère que des policiers n'ont pas respecté les règles d'usage réglementaire de ces armes lors de cette intervention du mois de juillet. Cela fait pourtant bientôt deux ans que pareils incidents se multiplient – plusieurs personnes ont perdu un œil dans des conditions similaires (à Nantes, à Villiers-le-Bel, à Toulouse...) – et que des avertissements répétés sont venus souligner la dangerosité de ces armes. Dans le cas de Montreuil, le rapport remis fin juillet au juge d'instruction par l'IGS est formel: «Il y a eu un non-respect des consignes d'utilisation de flashballs. Certains policiers n'ont pas respecté les règles.». La «police des polices» souligne que, «en l'espèce, certains porteurs de flashball n'ont pas respecté les distances de sécurité et les parties du corps à éviter». On est donc fort loin des déclarations de la préfecture de Seine-Saint-Denis qui, au surlendemain du drame, le 10 juillet, assurait encore: «Nous avons bien eu connaissance qu'un jeune homme a perdu son œil mais, pour le moment, il n'y a pas de lien établi de manière certaine entre la perte de l'œil et le tir de flashball.» Les investigations de l'IGS correspondent davantage aux témoignages alors recueillis par Mediapart, selon lesquels les policiers «étaient à cinq mètres (des manifestants) et ils ont tiré plusieurs fois avec leurs flashballs. Cinq personnes (ont été) touchées, toutes au-dessus de la ceinture». Manifestement, à Montreuil, les policiers ont contrevenu aux «règles impératives» qui venaient d'être rappellées par la hiérarchie policière, en mai, après une série de drames provoqués par des tirs de flashballs. Dans sa note, la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) insistait sur le respect des distances minimales («pas moins de sept mètres»), l'interdiction de viser «au niveau du visage ou de la tête», ainsi que l'usage «proportionné» de cette arme aux faits l'ayant motivé. Car l'utilisation des flash ball a causé des ravages, ces deux dernières années. Dans la nuit du 9 mai 2009, à Villiers-le-Bel, Alexandre et Bruno (en photo) ont ainsi – eux aussi – perdu l'usage d'un œil. Des affrontements avaient alors opposé des jeunes de cette ville du Val-d'Oise et des policiers appelés pour un tapage nocturne. Agé de 31 ans, Bruno Bruno affirme que la perte de son œil est due à un tir de flashball. Il assure ne pas avoir été mêlé aux affrontements contre les policiers, participant ce soir-là à une soirée barbecue et se trouvant près d'un «camion à sandwichs» quand il a été touché. Une information judiciaire pour «blessures involontaires» est en cours au tribunal de Pontoise.
Des conséquences «dramatiques» pour le visage «et plus précisément les yeux»
Ce n'est pas encore une vérité judiciaire, mais il semble que l'emploi d'un nouveau type de flashballs accompagne la série des blessures graves survenues ces derniers temps. Les «lanceurs de balles de défense» – le LBD de calibre 40×46 - sont entrés en phase expérimentale après les émeutes de novembre 2007 (qui avaient débuté à Villiers-le-Bel). La direction générale de la police nationale avait alors annoncé leur utilisation en matière de «maintien de l'ordre, de lutte contre les violences urbaines ou d'opérations d'interpellations».
Quand un manifestant lycéen avait été grièvement blessé à l'œil par un tir de ces nouveaux modèles d'arme réputée «non létale», le 27 novembre 2007 à Nantes, la dangerosité du «LBD» avait été rapidement dénoncée. «Les conditions d'utilisation d'une telle arme sont très différentes de celles du flashball, avait relevé la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Le LBD est une arme de neutralisation, susceptible d'atteindre, avec une excellente précision et une meilleure conservation de l'énergie cinétique, des cibles éloignées de 25 à 30 mètres, alors que le flashball a une portée optimale de 7 mètres.»
Le risque était donc clairement pointé. «Si les projectiles lancés par le LBD ont été choisis pour leur capacité de déformation à l'impact, limitant le risque de pénétration dans un corps vivant, ils peuvent avoir des conséquences dramatiques lorsque la partie corporelle atteinte est, comme en l'espèce, le visage et plus précisément les yeux. En outre, un tir à faible distance (à moins de 10-15 mètres) accroît considérablement les risques», écrivait la commission spécialisée dans la déontologie policière.
Depuis cet avertissement solennel, d'autres cas de blessures graves ont pourtant été examinés par la «police des polices». La liste est dramatiquement longue. Le 19 mars 2009, à Toulouse, un étudiant de vingt-cinq ans a perdu un œil après avoir été touché par un tir de flashball. Le 1er mai 2009 à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), dans un contexte de «cité», un jeune de dix-huit ans a été hospitalisé après avoir reçu un tel tir dans l'oreille...
Les violences policières de Montreuil avaient été suivies d'une manifestation de protestation, le 13 juillet, qui avaient été émaillé d'incidents (un film de la réalisatrice Béatrice Turpin, en fin de paragraphe). D'après Le Parisien, le départ du directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) de Seine-Saint-Denis, Jean-François Herdhuin, serait directement lié à ces événements. L'intéressé avait toutefois fait connaître sa volonté de quitter son poste, dès le mois de juin: d'après plusieurs sources policières, M. Herdhuin a préféré partir avant l'entrée en vigueur de la réforme de la « police d'agglomération » parisienne qui va rogner les pouvoirs des trois DDSP de la petite couronne en les plaçant, à la rentrée, sous la tutelle de la Préfecture de police de Paris.
Depuis ces événements de Montreuil, un collectif d'associations et de syndicats réclame un moratoire « sans délai » pour l'usage des armes de type flashball et Taser. En écho au père de Joachim Gatti, qui fait circuler une pétition demandant leur interdiction.
L'usage des flashballs policiers sous le feu des critiques
Une fois encore, les flashballs sont mis en cause pour leur dangerosité. Cette fois, la mise en garde vient de la «police des polices» et concerne les blessures au visage causées par un tir policier, le 8 juillet à Montreuil. Ce soir-là, Joachim Gatti a perdu un œil parce qu'il participait à un rassemblement de soutien aux expulsés d'un squat de cette ville de Seine-Saint-Denis. Saisie de l'enquête par la justice, l'Inspection générale des services (IGS) considère que des policiers n'ont pas respecté les règles d'usage réglementaire de ces armes lors de cette intervention du mois de juillet. Cela fait pourtant bientôt deux ans que pareils incidents se multiplient – plusieurs personnes ont perdu un œil dans des conditions similaires (à Nantes, à Villiers-le-Bel, à Toulouse...) – et que des avertissements répétés sont venus souligner la dangerosité de ces armes. Dans le cas de Montreuil, le rapport remis fin juillet au juge d'instruction par l'IGS est formel: «Il y a eu un non-respect des consignes d'utilisation de flashballs. Certains policiers n'ont pas respecté les règles.». La «police des polices» souligne que, «en l'espèce, certains porteurs de flashball n'ont pas respecté les distances de sécurité et les parties du corps à éviter». On est donc fort loin des déclarations de la préfecture de Seine-Saint-Denis qui, au surlendemain du drame, le 10 juillet, assurait encore: «Nous avons bien eu connaissance qu'un jeune homme a perdu son œil mais, pour le moment, il n'y a pas de lien établi de manière certaine entre la perte de l'œil et le tir de flashball.» Les investigations de l'IGS correspondent davantage aux témoignages alors recueillis par Mediapart, selon lesquels les policiers «étaient à cinq mètres (des manifestants) et ils ont tiré plusieurs fois avec leurs flashballs. Cinq personnes (ont été) touchées, toutes au-dessus de la ceinture». Manifestement, à Montreuil, les policiers ont contrevenu aux «règles impératives» qui venaient d'être rappellées par la hiérarchie policière, en mai, après une série de drames provoqués par des tirs de flashballs. Dans sa note, la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) insistait sur le respect des distances minimales («pas moins de sept mètres»), l'interdiction de viser «au niveau du visage ou de la tête», ainsi que l'usage «proportionné» de cette arme aux faits l'ayant motivé. Car l'utilisation des flash ball a causé des ravages, ces deux dernières années. Dans la nuit du 9 mai 2009, à Villiers-le-Bel, Alexandre et Bruno (en photo) ont ainsi – eux aussi – perdu l'usage d'un œil. Des affrontements avaient alors opposé des jeunes de cette ville du Val-d'Oise et des policiers appelés pour un tapage nocturne. Agé de 31 ans, Bruno Bruno affirme que la perte de son œil est due à un tir de flashball. Il assure ne pas avoir été mêlé aux affrontements contre les policiers, participant ce soir-là à une soirée barbecue et se trouvant près d'un «camion à sandwichs» quand il a été touché. Une information judiciaire pour «blessures involontaires» est en cours au tribunal de Pontoise.
Des conséquences «dramatiques» pour le visage «et plus précisément les yeux»
Ce n'est pas encore une vérité judiciaire, mais il semble que l'emploi d'un nouveau type de flashballs accompagne la série des blessures graves survenues ces derniers temps. Les «lanceurs de balles de défense» – le LBD de calibre 40×46 - sont entrés en phase expérimentale après les émeutes de novembre 2007 (qui avaient débuté à Villiers-le-Bel). La direction générale de la police nationale avait alors annoncé leur utilisation en matière de «maintien de l'ordre, de lutte contre les violences urbaines ou d'opérations d'interpellations».
Quand un manifestant lycéen avait été grièvement blessé à l'œil par un tir de ces nouveaux modèles d'arme réputée «non létale», le 27 novembre 2007 à Nantes, la dangerosité du «LBD» avait été rapidement dénoncée. «Les conditions d'utilisation d'une telle arme sont très différentes de celles du flashball, avait relevé la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Le LBD est une arme de neutralisation, susceptible d'atteindre, avec une excellente précision et une meilleure conservation de l'énergie cinétique, des cibles éloignées de 25 à 30 mètres, alors que le flashball a une portée optimale de 7 mètres.»
Le risque était donc clairement pointé. «Si les projectiles lancés par le LBD ont été choisis pour leur capacité de déformation à l'impact, limitant le risque de pénétration dans un corps vivant, ils peuvent avoir des conséquences dramatiques lorsque la partie corporelle atteinte est, comme en l'espèce, le visage et plus précisément les yeux. En outre, un tir à faible distance (à moins de 10-15 mètres) accroît considérablement les risques», écrivait la commission spécialisée dans la déontologie policière.
Depuis cet avertissement solennel, d'autres cas de blessures graves ont pourtant été examinés par la «police des polices». La liste est dramatiquement longue. Le 19 mars 2009, à Toulouse, un étudiant de vingt-cinq ans a perdu un œil après avoir été touché par un tir de flashball. Le 1er mai 2009 à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), dans un contexte de «cité», un jeune de dix-huit ans a été hospitalisé après avoir reçu un tel tir dans l'oreille...
Les violences policières de Montreuil avaient été suivies d'une manifestation de protestation, le 13 juillet, qui avaient été émaillé d'incidents (un film de la réalisatrice Béatrice Turpin, en fin de paragraphe). D'après Le Parisien, le départ du directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) de Seine-Saint-Denis, Jean-François Herdhuin, serait directement lié à ces événements. L'intéressé avait toutefois fait connaître sa volonté de quitter son poste, dès le mois de juin: d'après plusieurs sources policières, M. Herdhuin a préféré partir avant l'entrée en vigueur de la réforme de la « police d'agglomération » parisienne qui va rogner les pouvoirs des trois DDSP de la petite couronne en les plaçant, à la rentrée, sous la tutelle de la Préfecture de police de Paris.
Depuis ces événements de Montreuil, un collectif d'associations et de syndicats réclame un moratoire « sans délai » pour l'usage des armes de type flashball et Taser. En écho au père de Joachim Gatti, qui fait circuler une pétition demandant leur interdiction.