Que fait la justice ? Ça crève les yeux !
Lettre ouverte à Madame Moisson, Procureure de la République
au Tribunal de Grande Instance de Bobigny.
Le 22 mars 2014
Madame la procureure,
Voilà maintenant plus de 4 ans que, le 8 juillet 2009, la police nous a tiré dessus au flash-ball. Nous avons été touchés à l'épaule, au front, à la nuque et l'un d'entre-nous, Joachim, a eu un œil crevé. À l’époque, l’histoire a fait grand bruit dans les médias. Ce qui n’est pas habituel. Combien de blessés par la police ont l’attention des médias ? Fort peu. Et, quand cela arrive, le service de la communication de la préfecture est si bien rodé que la culpabilité ne tarde pas à se retourner contre les victimes. Les adages font le reste : il n'y a pas de fumée sans feu. S'il a été blessé, c’est qu’il a du le chercher.
Sauf qu’ici, Joachim ne répondait pas tout à fait aux standards. Disons que son profil socio-économique ne suffisait pas à justifier un bon coup de Flash-ball dans la gueule. Les médias sont alors entrés dans la danse. L’histoire a fait scandale. Sous le feu des projecteurs, la police a été obligée de faire profil bas. Une fois n’est pas coutume, l’IGS a du enquêter sérieusement. Une instruction a été ouverte. Le juge d’instruction a mis en examen trois policiers et celui qui a tiré sur Joachim a été placé sous contrôle judiciaire consistant au retrait de son port d’arme. Ce qui implique de la part du juge une certaine conviction concernant la responsabilité des policiers. L’instruction a été close le 1er décembre 2011 et le dossier se trouve sur votre bureau depuis plus de deux ans.
Plus de deux ans qu’il ne se passe rien. Madame la procureure, vous avez mis plus de temps à ne rien faire que vos collègues à mener deux enquêtes successives : celle de l’IGS et celle du juge d’instruction. Sans parler de l’enquête de la CNDS. Ce qui implique l’audition deux fois répétée de tous les protagonistes ainsi qu’une reconstitution sur les lieux. De surcroit, vous êtes tenue de respecter un délai de trois mois pour présenter votre réquisitoire. Vous l’avez dépassé de deux ans. De ce fait, le juge d’instruction pourrait renvoyer les policiers devant un tribunal sans vous attendre. Il ne le fait pas.
Madame la procureure pourquoi faites-vous aussi ouvertement obstruction à la procédure ? Nous vous avons envoyé une lettre recommandée. Aucune réponse de votre part. Dans les couloirs du TGI de Bobigny, on dit que dans les affaires où des policiers sont accusés, c’est la règle. Bloquez-vous ce dossier de votre propre chef, subissez-vous des pressions de syndicats de policiers ou encore du ministère de l’intérieur ? Mais peut-être que non, peut-être faites-vous cela par une sorte de réflexe conservatoire, un réflexe anti-manifestants, anti-jeunes, anti-tout-ce-sur-quoi-tire-la- police.
Peu importe, le résultat est là. La justice use du temps comme elle l’entend. C’est en comparution immédiate qu’elle expédie en prison des centaines de personnes par jour sans que leur soit laissé la possibilité de se défendre. Inversement, elle retarde pendant des années des procédures dans lesquelles des policiers sont mis en cause. Elle opère un minutieux travail d’enterrement.
Madame la procureure, le temps semble jouer pour vous et vos collègues policiers. Vous pouvez bloquer la procédure sans que personne ne dise mot. Et à côté, la police continue de mutiler impunément des personnes aux quatre coins du territoire. Seulement pour l'année 2014, on compte Steve à la Réunion, Quentin et Damien à Nantes. Tous les trois ont perdu l'usage d'un œil suite à un tir de flash-ball.
Nous ne nous offusquerons pas du manque d’indépendance de la justice, ni de sa lenteur. Cela ferait rire tout le monde. Mais tôt ou tard, vous devrez vous soumettre à la loi et rendre votre réquisitoire. En attendant, nous mettons ce temps à profit. Déjà, avec d'autres personnes mutilées par la police, nous avons lancé des procédures devant le tribunal administratif. Une première condamnation de l'Etat a été prononcée.
Pour peu que les éborgnés et autres mutilés par la police se rencontrent, ce temps pourrait servir à autre chose qu'à notre enterrement.
Par Anneric, Gabriel, Igor et Joachim
Lettre ouverte à Madame Moisson, Procureure de la République
au Tribunal de Grande Instance de Bobigny.
Le 22 mars 2014
Madame la procureure,
Voilà maintenant plus de 4 ans que, le 8 juillet 2009, la police nous a tiré dessus au flash-ball. Nous avons été touchés à l'épaule, au front, à la nuque et l'un d'entre-nous, Joachim, a eu un œil crevé. À l’époque, l’histoire a fait grand bruit dans les médias. Ce qui n’est pas habituel. Combien de blessés par la police ont l’attention des médias ? Fort peu. Et, quand cela arrive, le service de la communication de la préfecture est si bien rodé que la culpabilité ne tarde pas à se retourner contre les victimes. Les adages font le reste : il n'y a pas de fumée sans feu. S'il a été blessé, c’est qu’il a du le chercher.
Sauf qu’ici, Joachim ne répondait pas tout à fait aux standards. Disons que son profil socio-économique ne suffisait pas à justifier un bon coup de Flash-ball dans la gueule. Les médias sont alors entrés dans la danse. L’histoire a fait scandale. Sous le feu des projecteurs, la police a été obligée de faire profil bas. Une fois n’est pas coutume, l’IGS a du enquêter sérieusement. Une instruction a été ouverte. Le juge d’instruction a mis en examen trois policiers et celui qui a tiré sur Joachim a été placé sous contrôle judiciaire consistant au retrait de son port d’arme. Ce qui implique de la part du juge une certaine conviction concernant la responsabilité des policiers. L’instruction a été close le 1er décembre 2011 et le dossier se trouve sur votre bureau depuis plus de deux ans.
Plus de deux ans qu’il ne se passe rien. Madame la procureure, vous avez mis plus de temps à ne rien faire que vos collègues à mener deux enquêtes successives : celle de l’IGS et celle du juge d’instruction. Sans parler de l’enquête de la CNDS. Ce qui implique l’audition deux fois répétée de tous les protagonistes ainsi qu’une reconstitution sur les lieux. De surcroit, vous êtes tenue de respecter un délai de trois mois pour présenter votre réquisitoire. Vous l’avez dépassé de deux ans. De ce fait, le juge d’instruction pourrait renvoyer les policiers devant un tribunal sans vous attendre. Il ne le fait pas.
Madame la procureure pourquoi faites-vous aussi ouvertement obstruction à la procédure ? Nous vous avons envoyé une lettre recommandée. Aucune réponse de votre part. Dans les couloirs du TGI de Bobigny, on dit que dans les affaires où des policiers sont accusés, c’est la règle. Bloquez-vous ce dossier de votre propre chef, subissez-vous des pressions de syndicats de policiers ou encore du ministère de l’intérieur ? Mais peut-être que non, peut-être faites-vous cela par une sorte de réflexe conservatoire, un réflexe anti-manifestants, anti-jeunes, anti-tout-ce-sur-quoi-tire-la- police.
Peu importe, le résultat est là. La justice use du temps comme elle l’entend. C’est en comparution immédiate qu’elle expédie en prison des centaines de personnes par jour sans que leur soit laissé la possibilité de se défendre. Inversement, elle retarde pendant des années des procédures dans lesquelles des policiers sont mis en cause. Elle opère un minutieux travail d’enterrement.
Madame la procureure, le temps semble jouer pour vous et vos collègues policiers. Vous pouvez bloquer la procédure sans que personne ne dise mot. Et à côté, la police continue de mutiler impunément des personnes aux quatre coins du territoire. Seulement pour l'année 2014, on compte Steve à la Réunion, Quentin et Damien à Nantes. Tous les trois ont perdu l'usage d'un œil suite à un tir de flash-ball.
Nous ne nous offusquerons pas du manque d’indépendance de la justice, ni de sa lenteur. Cela ferait rire tout le monde. Mais tôt ou tard, vous devrez vous soumettre à la loi et rendre votre réquisitoire. En attendant, nous mettons ce temps à profit. Déjà, avec d'autres personnes mutilées par la police, nous avons lancé des procédures devant le tribunal administratif. Une première condamnation de l'Etat a été prononcée.
Pour peu que les éborgnés et autres mutilés par la police se rencontrent, ce temps pourrait servir à autre chose qu'à notre enterrement.
Par Anneric, Gabriel, Igor et Joachim
blessés par la police suite à des tirs de flash-ball, le 8 juillet 2009 à Montreuil.
huitjuillet@riseup.net
http://collectif8juillet.wordpress.com/
huitjuillet@riseup.net
http://collectif8juillet.wordpress.com/