PresseOcéan
Le Monde
Médiapart
Nantes Des associations demandent l'interdiction d'autres armes de la police
Presse-Océan 26 novembre 2014Après l'interdiction de l'utilisation des grenades offensives par le ministère de l'Intérieur, la Ligue des droits de l’Homme 44, le Syndicat des avocats de France 44 et le Syndicat de la magistrature 44 demandent dans un communiqué commun, "à stopper l’utilisation" d'autres armes par les forces de l'ordre lors des manifestations. Elles évoquent "des armes qui n’apparaissent pas proportionnées à la menace : certains autres modèles de grenade, le flash-ball ou le lanceur de balle de défense".
"Quand une opération de maintien de l'ordre se termine par une atteinte corporelle irréversible ou par la mort d'un homme, connaître les conditions dans lesquelles les forces de police ont opéré est légitime, écrivent aussi ces organisations qui citent la mort de Rémi Fraisse mais aussi plusieurs cas de blessures sérieuses survenues à Nantes. Nous demandons que la vérité soit établie aussi bien sur les manières, circonstances et conditions dans lesquelles chacune des personnes a été atteinte dans son intégrité physique que sur les responsabilités recherchées. Justice doit être rendue".
"Manifester publiquement"
"Manifester publiquement est une des nombreuses formes d’expression de la citoyenneté, de la démocratie et de son apprentissage, poursuivent la Ligue des droits de l’Homme 44, le Syndicat des avocats de France 44 et le Syndicat de la magistrature 44. Elle ne doit donc pas conduire à une mise en danger".
"Nous constatons depuis plusieurs années que la contestation sociale est criminalisée et réprimée. Par ailleurs, comment ne pas trouver révoltantes les déclarations de responsables d’un syndicat agricole et d’une chambre de commerce parlant de « djihadistes verts ». L’acte de manifester n’est pas terroriste, écrivent-ils. Les projets d’aménagement des territoires sont le résultat d’une construction politique et démocratique. Les expertises des scientifiques, des collectifs militants et des élus sont complémentaires. La société française doit apprendre à débattre avec calme du bien-fondé de ses aéroports, de ses barrages et de son industrie agroalimentaire. Le gouvernement doit apprendre à prendre en compte les refus populaires ; savoir en valoriser l’apport dans les processus de confrontation démocratique et accepter de considérer que l’avenir n’est pas de son seul ressort".
------------------------------------------------------------
Le Monde.fr : En france, le grand flou des violences policières
------------------------------------------------------------
Maintien de l’ordre: ce que disent les chiffres
Le
rapport des inspections générales de la gendarmerie et de la police
nationale, publié le 13 novembre, après la mort de Rémi Fraisse, dresse
un état des lieux du nombre de fonctionnaires blessés ces dernières
années ainsi que des armes utilisées en maintien de l’ordre. C'est la
première fois que des données aussi précises sont rendues publiques.
Cet article vous est offert.
S’il est difficile de recenser les cas de violences policières, les
forces de l’ordre donnent également peu d’informations précises sur
leurs blessés en maintien de l’ordre. Il a fallu la mort d’un
manifestant, Rémi Fraisse, à Sivens, pour qu’un rapport des inspections
générales de la gendarmerie et de la police nationale, publié le 13
novembre, dresse un état des lieux du nombre de fonctionnaires blessés
ces dernières années ainsi que des armes utilisées en maintien de
l’ordre. Ces données sont imparfaites. « Il n'existe aucun outil de collecte des données commun et exhaustif » des munitions, souligne par exemple le rapport. Mais c’est la première fois que ce type d’informations est rendu public.
On constate trois pics : en 2006, 2009 et moindres en 2013. « Ces chiffres s'expliquent par les émeutes de fin d'année 2005 et de début 2006 dans les quartiers sensibles ainsi que par les manifestations anti-CPE du printemps 2006 », indique le rapport de l’IGGN/IGPN. L'année 2009, elle, correspond « aux affrontements avec les “black-blocks” lors du sommet de l'OTAN à Strasbourg, ainsi qu'aux manifestations contre la vie chère en outre-mer ». Il n'y a pas de données pour l'année 2007.
En 2014, 115 gendarmes ont été blessés ; côté policiers, aucun chiffre ne nous a été communiqué. « Les années 2013 et 2014 sont marquées par une nette augmentation du nombre de gendarmes blessés en maintien de l’ordre en raison des troubles rencontrés sur les grands projets tels que la THT (Basse-Normandie), l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et le barrage de Sivens », note le rapport.
Ces chiffres ne permettent pas de mesurer le degré de violence auquel font face les forces de l’ordre, car ils ne disent rien de la gravité des blessures. On sait juste qu’en 2014, sur les 325 policiers blessés en « maintien de l’ordre », 89 ont été blessés par une arme et 236 par un autre moyen. « Il y a le contusionné qui a pris une pierre mais reste en service, et le blessé qu’il faut évacuer par les sapeurs-pompiers », explique un commandant de CRS.
Certains fonctionnaires, enregistrés comme blessés, n’ont reçu aucune incapacité totale de travail (ITT), confirme le ministère de l’intérieur. À Nantes, après la manifestation et les affrontements du 22 février 2014, le ministère de l’intérieur avait ainsi annoncé 130 policiers et gendarmes blessés. Au bout du compte, seuls 27 avaient été adressés au CHU et un seul cas grave, un officier CRS souffrant d'une fracture au bras, avait été relevé.
Depuis les années 1980, les CRS et gendarmes mobiles ont été progressivement transformés en Robocop. Ce qui leur permet d’être nettement mieux protégés face aux manifestants, mais peut aussi inciter ces derniers à monter d’un cran dans la violence. « On est passé d’une violence de masse avec de grosses manifestations à une violence plus liée à des groupuscules », estime un spécialiste des questions de maintien de l’ordre. Ce haut fonctionnaire souligne aussi que « la société a beaucoup évolué. Il y a vingt ans, les gens déclaraient moins leurs blessures. Aujourd’hui tout est répertorié, côté manifestants comme policiers ».
Sur
ce graphique, pour faciliter la lecture, nous n’avons pas comptabilisé
le nombre de grenades lacrymogènes classiques utilisées par les forces
de police.
Le rapport remis suite à Sivens note que la France est « la seule nation d'Europe à utiliser des munitions explosives en opération de maintien de l'ordre avec l'objectif de maintenir à distance les manifestants les plus violents ».
Côté grenades explosives, les policiers disposent uniquement de GLI F4 (grenade lacrymogène instantanée) et pas de grenade offensive OF F1. Cette arme militaire était réservée aux gendarmes, jusqu’à son interdiction par Bernard Cazeneuve, le 13 novembre 2014, à la suite de la mort de Rémi Fraisse. Mais les grenades GLI provoquent elles aussi un effet de souffle dangereux (qui en 2009 a par exemple handicapé un homme). « Les dispositifs à effet de souffle produit par une substance explosive ou déflagrante sont susceptibles de mutiler ou de blesser mortellement un individu », rappellent l'IGGN et l'IGPN.
Les policiers n’ont tiré aucune grenade GLI entre 2010 et 2013. Ce fait surprend alors que les gendarmes mobiles ont utilisé 124 grenades GLI et 81 grenades OF F1 en 2012, année du conflit à Notre-Dame-des-Landes où des CRS étaient également présents. Mais il nous est confirmé par le ministère de l’intérieur.
« Les gendarmes mobiles font plus de rural, où il est plus difficile de trouver des moyens d’appui comme des rues», souligne un spécialiste du maintien de l’ordre.
Un commandant de CRS avance aussi une différence de culture du maintien de l’ordre. « Pour les CRS, les grenades sont vraiment le dernier étage du rétablissement de l’ordre public, affirme-t-il. Les CRS travaillent surtout sur la mobilité et vont faire reculer les manifestants par bonds offensifs. Alors que dans leur culture militaire, les gendarmes restent fixes et saturent la zone par des moyens fumigènes massifs et d’autres grenades. »
Les policiers et gendarmes disposent également depuis 2004 de grenades à main de désencerclement (GMD) qui provoquent une forte détonation, ainsi que la projection de 18 plots en caoutchouc.
On constate une hausse générale du nombre de munitions utilisées par la gendarmerie (voir graphique suivant).
Les grenades à effet de souffle et effet lacrymogène (GLI F4) sont de
loin les munitions les plus utilisées (après les grenades lacrymogènes
classiques que nous n'avons pas comptabilisées sur ce graphique pour en
faciliter la lecture). Après une forte baisse en 2012, leur usage a
connu une importante recrudescence les années suivantes. Autre fait
notoire, l’emploi des balles de défense (LBD 40) est devenu de plus en
plus systématique, au fur et à mesure de leur entrée en dotation dans la
gendarmerie. D’une année sur l’autre, les gendarmes ont constamment
doublé leur usage (26 balles de défense utilisées en 2010 contre 318 en
2014).
Sur ce graphique, sont inclues les grenades lacrymogènes classiques, les grenades à effet de souffle (GLI, GI et OF F1), les balles de défense et les grenades de désencerclement.
Dernier
recours, réservé jusqu'à il y a peu aux militaires, les grenades
offensives étaient utilisées lors des manifestations jugées très
violentes. Sur les cinq dernières années, trois cas de figure ont été
particulièrement “grenadovores”. En octobre 2011, à l’occasion des grèves à Mayotte
« contre la vie chère », 91 grenades offensives sont utilisées par les
gendarmes. Un an plus tard, les manifestations contre le projet
d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes sont fortement réprimées, 104
grenades OF F1 sont lancées. Dernier usage en date, Sivens dans le Tarn
où comme nous l’avons raconté, 43 grenades offensives ont été lancées dans la seule nuit du 25 au 26 octobre, dont 23 entre 00 h 20 et 3 h 37, est-il spécifié dans le rapport.
Il
existe deux cas de figure autorisant l’emploi de la force en maintien
de l’ordre : soit après sommation pour disperser la foule, soit
directement sans sommation en cas de violences sur les forces de
l’ordre.
Lors d'un maintien de l'ordre « normal », l'emploi de la force n'est possible que si l'autorité civile (représentant du préfet) l'accepte et après sommations. L'autorité annonce d’abord sa présence : « Obéissance à la loi. Dispersez-vous. » Puis : « Première sommation : on va faire usage de la force. » Enfin si besoin : « Dernière sommation : on va faire usage de la force. »
Les textes prévoient une gradation. Après la deuxième sommation, les policiers et gendarmes peuvent recourir à l'emploi de la force physique et à divers moyens intermédiaires : bâtons de défense, engins lanceurs d'eau, grenades lacrymogènes lancées à la main, etc. Ce n’est qu’après le renouvellement de cette deuxième sommation qu’ils peuvent utiliser les lanceurs de grenade, les grenades de désencerclement (lancées à la main) et les grenades à effet de souffle (GLI, GI et OF F1 jusqu’à il y a peu).
Les lanceurs de balles de défense (Flashball et LBD 40) ne sont utilisables que dans le second cas de figure, si des « violences ou voies de fait sont exercées contre (les policiers et gendarmes – ndlr) ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent ». Dans cette situation, qui s’apparente à une sorte de légitime défense collective, les forces de l’ordre peuvent faire usage sans sommation des armes déjà citées plus haut, ainsi que des lanceurs de balles de défense. Enfin, ultime étage de la fusée, en cas d'ouverture du feu contre les forces de l'ordre, celles-ci peuvent recourir aux armes à feu d'épaule (fusil à répétition de précision de calibre 7,62 x 51 mm et ses munitions).
Ces modalités, jugées trop complexes, risquent de changer. Un groupe de travail police-gendarmerie a été créé par Bernard Cazeneuve pour travailler sur les techniques de maintien de l’ordre, en associant les parlementaires à leur réflexion. Soulignant en creux les défaillances à Sivens, le ministre de l’intérieur a déjà annoncé le 13 novembre que la présence permanente d’« une autorité civile (un représentant du préfet) deviendra obligatoire » sur le terrain pour « réévaluer en temps réel le dispositif ». Et que ces opérations seront désormais « intégralement filmées », avec des sommations plus claires. Les sommations actuelles « n'annoncent pas explicitement l'usage des armes », regrette le rapport.
Les dommages causés aux manifestants par ces armes semblent largement sous-estimés par le rapport des deux inspections. Celles-ci ne recensent, outre la mort de Rémi Fraisse, que trois cas de blessures graves ces dernières années. À Sivens, une vingtaine de plaintes ont pourtant été déposées par des opposants depuis le 1er septembre 2014. À Notre-Dame-des-Landes, sur le temps d’un seul week-end (24-25 novembre 2012), le Dr Stéphanie Lévêque avait soigné une trentaine de blessés graves : impacts de balles de défense, éclats de grenades, fractures, points de suture. « J’insiste sur la gravité de ces blessures par explosions, soulignait-elle dans une lettre à la préfecture, appuyée par des photos. Les débris pénètrent profondément dans les chairs risquant de léser des artères, nerfs ou organes vitaux. »
On constate trois pics : en 2006, 2009 et moindres en 2013. « Ces chiffres s'expliquent par les émeutes de fin d'année 2005 et de début 2006 dans les quartiers sensibles ainsi que par les manifestations anti-CPE du printemps 2006 », indique le rapport de l’IGGN/IGPN. L'année 2009, elle, correspond « aux affrontements avec les “black-blocks” lors du sommet de l'OTAN à Strasbourg, ainsi qu'aux manifestations contre la vie chère en outre-mer ». Il n'y a pas de données pour l'année 2007.
En 2014, 115 gendarmes ont été blessés ; côté policiers, aucun chiffre ne nous a été communiqué. « Les années 2013 et 2014 sont marquées par une nette augmentation du nombre de gendarmes blessés en maintien de l’ordre en raison des troubles rencontrés sur les grands projets tels que la THT (Basse-Normandie), l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et le barrage de Sivens », note le rapport.
A Sivens, le samedi 25 octobre, un CRS touché par un cocktail molotov à 22 min 07 © Groupe Groix
Hormis
ces pics, le nombre d’agents blessés entre 2004 et 2013 est resté
stable. Il y a 10 ans, on dénombrait environ 350 agents blessés sur un
an. Sur les trois dernières années (2011, 2012, 2013), il y a eu en
moyenne un peu plus de 340 agents blessés recensés. Curieusement, le
soulèvement des banlieues en 2005 correspond à l’une des années avec le
moins grand nombre de blessés (juste derrière l’année 2011, avec 267
blessés) parmi les forces de l’ordre. Les derniers morts en maintien de
l'ordre semblent remonter aux années 1970. Le 22 août 1975, deux
gendarmes mobiles sont tués
lors de l'assaut d'une cave occupée par un groupe de militants
autonomistes à Aléria en Corse. Le 4 mars 1976, le commandant de CRS
Joël le Goff, 42 ans, est mortellement touché lors d'un échange de tirs avec des vignerons près de Narbonne.Ces chiffres ne permettent pas de mesurer le degré de violence auquel font face les forces de l’ordre, car ils ne disent rien de la gravité des blessures. On sait juste qu’en 2014, sur les 325 policiers blessés en « maintien de l’ordre », 89 ont été blessés par une arme et 236 par un autre moyen. « Il y a le contusionné qui a pris une pierre mais reste en service, et le blessé qu’il faut évacuer par les sapeurs-pompiers », explique un commandant de CRS.
Certains fonctionnaires, enregistrés comme blessés, n’ont reçu aucune incapacité totale de travail (ITT), confirme le ministère de l’intérieur. À Nantes, après la manifestation et les affrontements du 22 février 2014, le ministère de l’intérieur avait ainsi annoncé 130 policiers et gendarmes blessés. Au bout du compte, seuls 27 avaient été adressés au CHU et un seul cas grave, un officier CRS souffrant d'une fracture au bras, avait été relevé.
Depuis les années 1980, les CRS et gendarmes mobiles ont été progressivement transformés en Robocop. Ce qui leur permet d’être nettement mieux protégés face aux manifestants, mais peut aussi inciter ces derniers à monter d’un cran dans la violence. « On est passé d’une violence de masse avec de grosses manifestations à une violence plus liée à des groupuscules », estime un spécialiste des questions de maintien de l’ordre. Ce haut fonctionnaire souligne aussi que « la société a beaucoup évolué. Il y a vingt ans, les gens déclaraient moins leurs blessures. Aujourd’hui tout est répertorié, côté manifestants comme policiers ».
Les munitions du maintien de l'ordre
Grenades GLI à main et à lanceur |
Le rapport remis suite à Sivens note que la France est « la seule nation d'Europe à utiliser des munitions explosives en opération de maintien de l'ordre avec l'objectif de maintenir à distance les manifestants les plus violents ».
Côté grenades explosives, les policiers disposent uniquement de GLI F4 (grenade lacrymogène instantanée) et pas de grenade offensive OF F1. Cette arme militaire était réservée aux gendarmes, jusqu’à son interdiction par Bernard Cazeneuve, le 13 novembre 2014, à la suite de la mort de Rémi Fraisse. Mais les grenades GLI provoquent elles aussi un effet de souffle dangereux (qui en 2009 a par exemple handicapé un homme). « Les dispositifs à effet de souffle produit par une substance explosive ou déflagrante sont susceptibles de mutiler ou de blesser mortellement un individu », rappellent l'IGGN et l'IGPN.
Les policiers n’ont tiré aucune grenade GLI entre 2010 et 2013. Ce fait surprend alors que les gendarmes mobiles ont utilisé 124 grenades GLI et 81 grenades OF F1 en 2012, année du conflit à Notre-Dame-des-Landes où des CRS étaient également présents. Mais il nous est confirmé par le ministère de l’intérieur.
Grenades à main de désencerclement |
Un commandant de CRS avance aussi une différence de culture du maintien de l’ordre. « Pour les CRS, les grenades sont vraiment le dernier étage du rétablissement de l’ordre public, affirme-t-il. Les CRS travaillent surtout sur la mobilité et vont faire reculer les manifestants par bonds offensifs. Alors que dans leur culture militaire, les gendarmes restent fixes et saturent la zone par des moyens fumigènes massifs et d’autres grenades. »
Les policiers et gendarmes disposent également depuis 2004 de grenades à main de désencerclement (GMD) qui provoquent une forte détonation, ainsi que la projection de 18 plots en caoutchouc.
Grenage lacrymogène classique avec ses palets
|
Sur ce graphique, sont inclues les grenades lacrymogènes classiques, les grenades à effet de souffle (GLI, GI et OF F1), les balles de défense et les grenades de désencerclement.
Grenade OF F1 |
Les modalités d'emploi de la force vont changer
Extrait du rapport sur les armes utilisées en maintien de l'ordre en France |
Lors d'un maintien de l'ordre « normal », l'emploi de la force n'est possible que si l'autorité civile (représentant du préfet) l'accepte et après sommations. L'autorité annonce d’abord sa présence : « Obéissance à la loi. Dispersez-vous. » Puis : « Première sommation : on va faire usage de la force. » Enfin si besoin : « Dernière sommation : on va faire usage de la force. »
Les textes prévoient une gradation. Après la deuxième sommation, les policiers et gendarmes peuvent recourir à l'emploi de la force physique et à divers moyens intermédiaires : bâtons de défense, engins lanceurs d'eau, grenades lacrymogènes lancées à la main, etc. Ce n’est qu’après le renouvellement de cette deuxième sommation qu’ils peuvent utiliser les lanceurs de grenade, les grenades de désencerclement (lancées à la main) et les grenades à effet de souffle (GLI, GI et OF F1 jusqu’à il y a peu).
Projectiles de Flashball, de LBD 40 et plot de grenade de désencerclement à Sivens. |
Les lanceurs de balles de défense (Flashball et LBD 40) ne sont utilisables que dans le second cas de figure, si des « violences ou voies de fait sont exercées contre (les policiers et gendarmes – ndlr) ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent ». Dans cette situation, qui s’apparente à une sorte de légitime défense collective, les forces de l’ordre peuvent faire usage sans sommation des armes déjà citées plus haut, ainsi que des lanceurs de balles de défense. Enfin, ultime étage de la fusée, en cas d'ouverture du feu contre les forces de l'ordre, celles-ci peuvent recourir aux armes à feu d'épaule (fusil à répétition de précision de calibre 7,62 x 51 mm et ses munitions).
Ces modalités, jugées trop complexes, risquent de changer. Un groupe de travail police-gendarmerie a été créé par Bernard Cazeneuve pour travailler sur les techniques de maintien de l’ordre, en associant les parlementaires à leur réflexion. Soulignant en creux les défaillances à Sivens, le ministre de l’intérieur a déjà annoncé le 13 novembre que la présence permanente d’« une autorité civile (un représentant du préfet) deviendra obligatoire » sur le terrain pour « réévaluer en temps réel le dispositif ». Et que ces opérations seront désormais « intégralement filmées », avec des sommations plus claires. Les sommations actuelles « n'annoncent pas explicitement l'usage des armes », regrette le rapport.
Débris de grenades de désencerclement collectés par des militants |
Les dommages causés aux manifestants par ces armes semblent largement sous-estimés par le rapport des deux inspections. Celles-ci ne recensent, outre la mort de Rémi Fraisse, que trois cas de blessures graves ces dernières années. À Sivens, une vingtaine de plaintes ont pourtant été déposées par des opposants depuis le 1er septembre 2014. À Notre-Dame-des-Landes, sur le temps d’un seul week-end (24-25 novembre 2012), le Dr Stéphanie Lévêque avait soigné une trentaine de blessés graves : impacts de balles de défense, éclats de grenades, fractures, points de suture. « J’insiste sur la gravité de ces blessures par explosions, soulignait-elle dans une lettre à la préfecture, appuyée par des photos. Les débris pénètrent profondément dans les chairs risquant de léser des artères, nerfs ou organes vitaux. »
Cratère de grenade GLI F4 photographié par des militants à NDDL en mars 2013. |
Les graphiques ont été réalisés à partir des chiffres du
rapport de l'IGGN/IGPN du 13 novembre, complétés pour les agents blessés
par les données de l'Observatoire national de la délinquance (ONDRP) et
des données fournies par la police nationale. La plupart des
photographies de munitions ont été réalisées par des militants de
Copwatch Nord-Ile-de-France, qui travaillent depuis plusieurs années sur
les armes des forces de l'ordre.