Dans les inrocks.com
http://www.lesinrocks.com/2012/10/16/actualite/le-flashball-dans-le-viseur-de-la-justice-administrative-11313888/
Le flashball dans le viseur de la justice administrative
Un tournant dans la mobilisation contre le lanceur de
balles en caoutchouc ? Plutôt que d’attaquer les policiers, un avocat
envisage de porter directement plainte contre le ministère de
l’Intérieur.
Après l’échec d’une première procédure pénale à Nantes,
Étienne Noël, avocat rouennais, innove en attaquant la préfecture de
police de Paris devant le juge administratif. “Ce n’est pas efficace de poursuivre le policier auteur du tir, assène-t-il d’emblée. Ce
qu’il faut, c’est viser la hiérarchie. Et parvenir à l’interdiction de
cette arme dans le cadre de manifestations sur la voie publique.”
Les incidents graves s’y sont en effet multipliés ces
dernières années. On dénombre ainsi une dizaine de victimes liées à
l’usage de ces armes “propres”. A Montreuil, Nantes ou encore Toulouse –
des manifestants ont tout simplement perdu un œil…
Maître Noel représente Clément, un jeune Rouennais de 29 ans, qui dit
avoir été victime d’un tir de flashball le soir de la fête de la
musique 2009. Lui s’en est, si l’on peut dire, “mieux” sorti : il n’a
pas perdu la vue, sa joue et sa mâchoire ont “juste” été perforées. Lors
d’un mouvement de foule et d’une intervention de la Bac pour dégager la
voie publique, le jeune a reçu le projectile en plein visage. Bilan :
45 jours d’ITT. Pendant deux mois, la victime ne peut plus rien avaler,
excepté des aliments liquides ou broyés. Elle doit également subir une
intervention chirurgicale dentaire. Sans parler du préjudice
esthétique : une cicatrice orne toujours sa joue gauche. Aujourd’hui, il
réclame près de 20 000 euros d’indemnités à la préfecture de police de
Paris.
En matière de procédure contre l’Etat, l’avocat Noel n’est pas un
perdreau de l’année : depuis longtemps, il obtient condamnation du
ministère de la Justice, en particulier sur les conditions de détention contraires au principe de la dignité humaine.
La justice reconnaît la faute, mais pas la responsabilité de l’agent
“Pourquoi ne pas attaquer l’Intérieur ?”, interroge-t-il,
toujours enjoué lorsqu’il s’agit d’aller ferrailler contre l’Etat. Selon
lui, de nombreux éléments plaident dans le sens de sa démarche.
D’abord, l’échec des procédures pénales : à Nantes, en mars dernier, le
policier reconnu coupable d’avoir éborgné un manifestant a finalement
été relaxé. Les magistrats estiment que le policier n’a fait
qu’exécuter “l’ordre d’une autorité légitime”. Un commandement qui n’était pas, selon eux, “manifestement illégal”.
La justice reconnaît l’existence d’une faute mais, selon elle,
l’agent, pris individuellement, n’en est pas responsable. C’est
l’ensemble de la chaîne de commandement policière qui doit être mis en
cause. Tout le sens de la démarche que l’avocat rouennais vient
d’engager devant le tribunal administratif de Paris.
Étienne Noël se base, entre autres, sur un avis rendu le 15 février 2010 par la commission nationale déontologie et sécurité (CNDS). Selon
l’instance indépendante, l’usage de cette arme doit être proscrit dès
lors qu’il s’agit de sécuriser des manifestations ayant lieu sur la voie
publique.
Malgré cet avis officiel, l’avocat rouennais s’attend à un combat de
longue haleine. Jusqu’ici, la préfecture de police de Paris dément un
quelconque lien entre la blessure de Clément et les tirs de flashball.
Si la “PP” reconnaît avoir fait usage de lanceurs de balles en
caoutchouc ce soir là, elle le conteste dans le cas précis de Clément.
Incertitudes
“Les éléments en la possession de notre service juridique n’ont
pas permis à ce stade de dresser une relation de causalité certaine”,
indique Nicolas Lerner, directeur adjoint du cabinet du préfet de
police. Le haut fonctionnaire se base sur les résultats d’une
expertise judiciaire réalisée à la demande du plaignant.
“La blessure observée sur les clichés présentés est compatible avec celle qui serait occasionnée par un tir de flashball sans qu’il soit possible d’écarter tout autre cause”, écrivent les deux experts.
Une incertitude subsiste. Et la préfecture de police de s’engouffrer
dans la brèche. Plusieurs indices laissent tout de même perplexe.
Notamment les photos prises quelques jours après les faits. Sur la joue
de Clément, on distingue sans mal la présence d’un impact régulier et
parfaitement circulaire. Malgré leurs demandes répétées, les experts
n’ont pu avoir accès aux bases de données de la direction générale de la
police nationale. Ils auraient pu ainsi les comparer avec les blessures
de la victime.
“Vu le nombre de tirs constatés ce soir-là, il n’y a pas de doute sur le fait que mon client ait été touché par un flashball”,
juge de son côté Étienne Noël. Les nombreuses fiches d’intervention
transmises par la police en attestent : ce soir-là, les forces de
l’ordre ont fait usage de l’arme à vingt-deux reprises. Plusieurs
personnes, autres que Clément, ont été prises en charge par les pompiers
après avoir été heurtés par des projectiles en caoutchouc. Selon la
police, les premiers tirs ont eu lieu à 0 h 30. A ce moment, la victime
rouennaise était déjà admise aux urgences selon le certificat dressé par
l’hôpital. Selon la préfecture de police, Clément n’a donc pas pu être
victime d’un tir de flashball.
“Au départ, la police nie toujours”, rapporte Pierre,
l’adolescent nantais qui a perdu un œil. Dans son cas, les forces de
l’ordre n’ont reconnu le tir qu’après y avoir été acculée au vu des
éléments relevés par l’enquête judiciaire. Sur le dossier parisien, les
juges devront trancher dans les prochains mois. Après une tentative –
avortée – de règlement à l’amiable, la requête vient en effet d’arriver
au greffe de la juridiction administrative parisienne. Si le lien de
causalité est établi, l’idée sera de montrer que la police parisienne a
commis une faute dans son opération de maintien de l’ordre. En
particulier le non respect des prescriptions en matière de distance de
tir, de sommation et de légitime défense.
L’enjeu est de taille : une décision défavorable porterait un sacré
coup d’arrêt à l’utilisation de l’arme. D’autant qu’une autre procédure
du même type est d’ores et déjà en gestation. L’adolescent nantais,
éconduit au pénal, entend lui aussi confier son dossier à l’avocat
rouennais. “Il m’a contacté et nous sommes en train de monter la requête”,
confirme le conseil. Étienne Noël devrait, là encore, entamer une
procédure en responsabilité de l’Etat devant le tribunal administratif
de Nantes. La douloureuse pourrait être encore plus salée compte tenu du
préjudice, à savoir la perte d’un œil.
Suite aux nombreuses controverses, une proposition de loi a été
enregistrée le 29 mai dernier à la présidence du Sénat. Initiée par le
groupe communiste, elle vise à interdire l’usage des tasers et des
flashball lorsqu’il s’agit de “disperser des attroupements sur la voie publique”.
Pas sûr pour autant que ce texte arrive un jour en séance :
aujourd’hui, il reste en souffrance dans les arcanes de la
haute-assemblée.
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Le jeune homme, un étudiant rouennais, âgé de 25 ans au moment des faits, avait été blessé à la joue et avait eu la mâchoire fracturée alors qu’il participait le 21 juin 2009 à la fête de la musique sur la place de la Bastille. Sa blessure avait entraîné une incapacité temporaire partielle de 45 jours et l’avait contraint à une opération de la mandibule.
Le jeune homme affirme avoir été touché par un tir de «flash-ball» alors que les forces de l’ordre déployées sur la place de la Bastille tentaient de contenir un mouvement de foule. «Il s’agissait d’une manifestation pacifique», souligne son avocat, Me Etienne Noël, du barreau de Rouen, qui dénonce un «emploi disproportionné et injustifié» des lanceurs de balles souples, et l’absence de sommation préalable.
L’assignation contre le préfet de police de Paris Bernard Boucault a été déposée le 9 octobre. Me Etienne Noël a déjà obtenu à plusieurs reprises la condamnation de l’Etat et de l’Administration pénitentiaire au nom de la dignité humaine, avec des dommages et intérêts pour les détenus, en réparation de séjours dans des cellules surpeuplées et insalubres.
«C’est la même démarche que celle que j’utilise dans mes actions sur les conditions d’incarcération», a-t-il expliqué pour justifier son action devant le tribunal administratif. «J’attaque l’administration de tutelle de façon à obtenir la mise en cause, non pas d’une personne, mais du système dans son ensemble pour l’aider à se réformer», a-t-il ajouté.
En avril, le tribunal correctionnel de Nantes avait relaxé un policier accusé d’avoir éborgné un lycéen avec une balle en caoutchouc lors d’une manifestation en 2007 à Nantes, en soulignant que le policier avait «exécuté un ordre» et que sa responsabilité pénale ne pouvait être engagée.
(AFP)
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Dans Libération.fr
Blessé au flash-ball, il assigne le préfet de police de Paris
Le jeune homme originaire de Rennes participait à la fête de la musique à Paris en 2009 quand il a été touché par un tir de flash-ball, selon son avocat.
Un jeune homme, qui affirme avoir été grièvement blessé au visage par un tir d’arme à balles en caoutchouc à Paris en juin 2009, a assigné le préfet de police de Paris devant le tribunal administratif, a annoncé mercredi son avocat.Le jeune homme, un étudiant rouennais, âgé de 25 ans au moment des faits, avait été blessé à la joue et avait eu la mâchoire fracturée alors qu’il participait le 21 juin 2009 à la fête de la musique sur la place de la Bastille. Sa blessure avait entraîné une incapacité temporaire partielle de 45 jours et l’avait contraint à une opération de la mandibule.
Le jeune homme affirme avoir été touché par un tir de «flash-ball» alors que les forces de l’ordre déployées sur la place de la Bastille tentaient de contenir un mouvement de foule. «Il s’agissait d’une manifestation pacifique», souligne son avocat, Me Etienne Noël, du barreau de Rouen, qui dénonce un «emploi disproportionné et injustifié» des lanceurs de balles souples, et l’absence de sommation préalable.
L’assignation contre le préfet de police de Paris Bernard Boucault a été déposée le 9 octobre. Me Etienne Noël a déjà obtenu à plusieurs reprises la condamnation de l’Etat et de l’Administration pénitentiaire au nom de la dignité humaine, avec des dommages et intérêts pour les détenus, en réparation de séjours dans des cellules surpeuplées et insalubres.
«C’est la même démarche que celle que j’utilise dans mes actions sur les conditions d’incarcération», a-t-il expliqué pour justifier son action devant le tribunal administratif. «J’attaque l’administration de tutelle de façon à obtenir la mise en cause, non pas d’une personne, mais du système dans son ensemble pour l’aider à se réformer», a-t-il ajouté.
En avril, le tribunal correctionnel de Nantes avait relaxé un policier accusé d’avoir éborgné un lycéen avec une balle en caoutchouc lors d’une manifestation en 2007 à Nantes, en soulignant que le policier avait «exécuté un ordre» et que sa responsabilité pénale ne pouvait être engagée.
(AFP)