"J'ai perdu un oeil, le goût et l'odorat"
Elle a 24 ans et termine sa cinquième année de médecine à Grenoble. Maud Carretta est une jolie jeune femme dont la vie a basculé le soir de l'investiture de Nicolas Sarkozy aux plus hautes fonctions de l'Etat.C'était le 16 mai 2007. Le résultat de l'élection présidentielle avait provoqué des mouvements de contestation un peu partout en France et des affrontements entre protestataires - auxquels s'étaient joints des casseurs - et forces de l'ordre agitaient le centre-ville de Grenoble. Maud Carretta, elle, ne participait pas à la manifestation : après une soirée de garde à l'hôpital, elle était sortie boire un verre avec une amie. Vers 22 h 50, alors que les deux jeunes femmes traversaient la place Grenette pour rentrer chez elles, Maud avait été très violemment atteinte par un projectile à la tête.
L'hypothèse contestée d'une grenade de désencerclement
"J'ai eu l'impression d'une explosion en plein visage", raconte-t-elle. Un an plus tard, elle garde des séquelles irréversibles : son oeil gauche n'a pas pu être sauvé et, en attendant une prothèse, elle cache son orbite vide sous un pansement couleur chair. Également touchée au niveau d'un sinus, elle a perdu le goût et l'odorat. "Les médecin ne sont pas certains que mes sens reviennent un jour et si c'était le cas, cela prendrait très très longtemps".
Depuis, elle a déposé plainte et s'est constituée partie civile "pour connaître la vérité et savoir qui est responsable". Une enquête judiciaire a été confiée, sur décision du parquet de Grenoble, aux policiers de la Sûreté départementale. Pour l'avocat de l'étudiante, Me Hervé Gerbi, il semble ne faire aucun doute que le projectile qui a blessé sa cliente a été tiré par l'un des policiers chargés du maintien de l'ordre. "Il semblerait qu'il s'agisse d'un éclat de grenade de désencerclement", précise-t-il. "Depuis, nous avons recueilli beaucoup de témoignages de personnes présentes le soir des faits, dont certaines ont pris des photos. Rien, a priori, ne justifiait à ce moment-là l'utilisation de telles grenades. C'est pourquoi nous voudrions que le juge entendent les officiers de police présents sur les lieux ce soir-là, ainsi que leur patron, Jean-Claude Borel-Garin qui se trouvait au poste de commandement et qui est le garant de l'utilisation de ces armes et de la formation de ses personnels".
Connaître la vérité
"Si ma responsabilité devait être engagée, je l'assumerai pleinement", répond l'intéressé. "La seule chose qui me chagrine vraiment dans cette affaire, c'est qu'une jeune femme qui n'avait rien à voir avec la manifestation ait été si grièvement blessée. Mais avant d'établir des responsabilités, quelles qu'elles soient, il faut savoir ce qui s'est réellement passé. Or, l'instruction est toujours en cours et pour l'heure, rien n'a permis d'affirmer que la victime a été blessée par une grenade de désenclerclement jetée par un policier. Les reconstitutions qui ont été faites ont même démontré une incompatibilié majeure entre la nature des blessures de mademoiselle Carretta et les moyens de maintien de l'ordre utilisés ce soir là par mes hommes". "Nous ne voulons pas incriminer la police à tout prix", insiste le papa de Maud avec un calme et une dignité qui forcent le respect. "Ce que nous voulons, c'est que toute la lumière soit faite sur cette affaire et que les responsables, quels qu'ils soient, ne restent pas impunis".
par Vanessa Laime le 02/06/2008 à 15:24 CITYlocalnews
http://www.citylocalnews.com/grenoble-faits-divers/2008/06/02/j-ai-perdu-un-oeil-le-gout-et-l-odorat
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Par Moïse Marcoux Chabot
http://moisemarcouxchabot.com/grenades-assourdissantes-2/
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Inoffensive? Rien n'est moins sûr. En mai 2007, à Grenoble, une étudiante en médecine de 23 ans a été grièvement blessée en marge d'une manifestation contre Nicolas Sarkozy, devenu entretemps président de la République. Ne faisant que passer sur une place publique où s'achevait la manifestation, elle a reçu un projectile au visage qui lui a fait perdre l'oeil gauche, le goût et l'odorat. Malgré le déni original des forces de l'ordre, une première expertise médicale a estimé que ses blessures avaient été causées par un objet compatible avec un dispositif de désencerclement: c'est le bouchon d'amorce métallique de la grenade qui serait en cause.
Maud Caretta a perdu un œil, le goût et l'odorat après avoir été blessée par une grenade assourdissante. Photo France 3 Alpes |
Un an et demi après les faits, trois policiers ont été mis en examen pour «coups et blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois, par manquement délibéré d'une obligation de sécurité ou de prudence». Le dossier ne semble pas avoir eu de conclusion publique. Quant aux grenades de désencerclement, elles continuent d'être utilisées en France et ont fait plusieurs blessés ces derniers mois chez les activistes s'opposant au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Ces nouvelles blessures auraient toutefois pu être évitées, si les autorités avaient pris acte des risques associés à une utilisation imprudente des armes à létalité atténuée.
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